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Corollaires du droit à l’enfant, GPA, PMA et adoption. Par Brigitte Bogucki, Avocat.
Parution : mercredi 3 juin 2015
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En ouvrant la boite de Pandore du droit à l’enfant, le législateur ne pouvait sérieusement penser museler ensuite ce désir d’enfant si fort.

PMA, GPA, adoption sont des solutions, il faut œuvrer pour les encadrer dans le meilleur intérêt des enfants tout en respectant ce droit que l’on a donné d’être parent.

L’évolution bio-technologique a ouvert des portes autrefois impensables,celles de la naissance assistée ; FIV, dons de spermatozoides, dons d’ovocytes, mères porteuses (GPA).

En parallèle, la société a évolué du droit de l’enfant au droit à l’enfant. Il ne s’agit pas ici d’un débat d’opinion mais bien d’un constat.

Dans le même temps, les habitudes de vie ont changé, les familles recomposées et monoparentales sont devenues plus que nombreuses et sont ainsi passées de marginales à banales.

Enfin, le nomadisme intra-européen se multiplie et l’Internet nous informe et nous ouvre les portes sur ce qui se passe ailleurs.

Le droit français de son côté est resté très frileux, nos politiques refusant de tirer les conséquences des lois qu’ils ont eux-mêmes promues.

Reconnaître la FIV, considérer qu’un enfant né d’un don d’ovocyte ou de spermatozoïde est bien l’enfant de ses parents d’intention, c’est déjà la situation française, loin de la réalité génétique.

Et c’est donc la reconnaissance du droit d’un couple infertile à avoir un enfant qui sera légalement le leur, nonobstant le don "génétique" d’un tiers anonyme.

Limiter cette possibilité aux couples hétérosexuels mariés, c’est faire fi non seulement de l’évolution sociale mais encore de la réalité géo-politique et de la force du désir d’enfant.

En effet, une fois que l’on considère qu’il y a droit à l’enfant (et la légalisation de la FIV en est la reconnaissance indubitable), alors les couples ont trois solutions, en fonction de leurs situations :

- la FIV
- la GPA
- l’adoption

Et si la femme ne peut pas porter d’enfant, ou s’il s’agit d’un couple d’hommes, ils n’ont que les deux dernières solutions.

La GPA est interdite en France et l’adoption est un parcours du combattant aberrant, qui dure des années et est soumis à des tracasseries administratives sans fin.

Dans ces conditions, que reste t-il aux couples qui ne peuvent bénéficier d’une FIV et qui veulent un enfant, dans un délai raisonnable ???

La PMA ou la GPA à l’étranger sont les seules solutions envisageables, alors même qu’elles sont illégales et parfois très coûteuses, voire à risques.

Nos voisins européens, qui ne peuvent être raisonnablement être considérés comme immoraux ont fait le pas, autorisant qui la FIV, qui la GPA, avec parfois des restrictions légitimes de gratuité de la prestation ou de domicile sur le territoire national.

Mais nous restons campés sur nos positions, en tout illogisme, disant à la fois tous les couples sont égaux et certains sont "plus égaux que les autres".

C’est d’autant plus aberrant que nous avons ouvert le mariage aux couples de même sexe, reconnaissant de facto la possibilité pour les nouveaux époux d’user de la procédure d’adoption simplifiée de l’enfant du conjoint.

Or curieusement, le législateur français n’a tiré aucune conséquence de ses propres choix et n’a absolument pas ouvert l’accès à ces nouveaux modes de parentalité.

Quand je suis devenue avocate, il y a une trentaine d’année, nombreux étaient ceux qui considéraient qu’un père ne pouvait pas élever ses enfants (oubliant ces nombreux pères qui le font depuis des siècles eu égard à la mortalité féminine en couches)... C’est un argument qui ne saurait plus même être soulevé aujourd’hui et tant mieux.

Il n’était pas alors même question d’autoriser l’adoption d’un enfant par un célibataire (comme si un enfant pouvait être mieux dans un foyer ou une famille d’accueil temporaire). Aujourd’hui, les choses ont très peu changé et si les célibataires peuvent obtenir l’agrément, les démarches pour ce faire sont parfois insurmontables les parents potentiels devant être quasi-parfaits et leurs évaluations étant effectuées non en comparaison de ce que vit l’enfant adoptable mais de ce que devrait être une famille idéale...

Il a fallu attendre 2009 et la condamnation de la France par la Cour Européenne pour que des homosexuels puissent adopter, y compris en couple... et la réalité est malheureusement trop souvent bien loin de cette décision purement administrative.

Il était pourtant simple de faciliter l’adoption...et d’ouvrir ainsi une solution légale à ces parents en demande d’enfants sans oublier, et le législateur ne semble pas y être attaché autant qu’il le devrait, l’intérêt des enfants dit adoptables qui auraient certainement plus de bonheur dans une famille adoptante que dans une situation de foyer dont on connait le drame ou de familles d’accueil successives et souvent destructrices, la structure sociale étant démunie financièrement et incapable de faire face aux demandes affectives et d’attention de ces enfants.

Comme en parallèle la PMA et la GPA sont interdites à ces couples, ils vont à l’étranger.

Pour les couples de femmes ou les couples hétérosexuels dans lesquels la femme peut porter l’enfant, la situation est un peu plus simple. En effet, de nombreux pays d’Europe, notamment frontaliers, permettent le recours par des étrangers à la PMA dans des conditions sanitaires équivalentes aux nôtres et financières raisonnables. Résultat de nombreux laboratoires limitrophes ont une clientèle quasi-exclusivement française...

Une fois revenus en France, les couples ne déclarent rien du tout et les enfants naissent sans autre difficulté. Les couples de lesbiennes doivent toutefois en passer par l’adoption de l’enfant du conjoint, ce qui ne pose pas de difficulté depuis une décision de la Cour de Cassation.
On en arrive à cette aberration absolue que pour obtenir l’adoption, il faut prouver que l’enfant n’a pas de filiation paternelle et donc, de facto apporter la justification de la PMA, pourtant interdite en France...

Il en va différemment pour l’instant de la GPA considérée juridiquement comme plus grave (sans que cela ne puisse être légalement justifié) et le parcours du combattant des parents d’intention commence à l’étranger pour se finir en France.

En effet, outre le coût, souvent prohibitif des GPA, certains pays ont des modalités de recrutement des mères porteuses discutable, d’autres n’ont aucun suivi de sorte qu’il est complexe de retrouver ensuite la mère porteuse quand cela s’avère nécessaire, sans compter les difficultés de langues et les difficultés inhérentes à la méconnaissance par les parents d’intention de la législation du pays concerné, ce qui peut entraîner de véritables drames.

Une fois entrés en France avec l’enfant, ce qui n’est déjà pas une sinécure, les parents vont alors se heurter à de multiples difficultés puisqu’en l’état, et malgré une condamnation européenne, la France refuse toujours de reconnaître ces enfants et que pour l’instant leur adoption par le conjoint du parent n’est pas acquise, aucune décision n’ayant encore été rendue.
Ces enfants, "fantômes de la république", existent, ils n’ont aucun autre parent pour prendre soin d’eux, ils sont désirés, choyés et pourtant on ne leur reconnait pas le droit d’être des enfants comme les autres...

Il est donc temps pour le législateur de prendre la mesure de ses propres décisions, d’en tirer les conséquences et de tenir son rôle.

Si l’on compare les avantages et inconvénients des situations, il est absolument évident qu’il faut ouvrir la PMA, voire la GPA sous conditions bien entendu et faciliter l’adoption.

Me Brigitte BOGUCKI, spécialiste en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine, Professionnel collaboratif Avocat à Paris et Lille http://www.adr-avocats.com
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