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Rapport du Ministère de la Justice sur les modes amiables de résolution des différends : beaucoup reste à faire ! Par Régine Calzia, Avocate et Hugo Fort, Etudiant.
Parution : vendredi 12 juin 2015
Adresse de l'article original :
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Parmi les critiques fréquentes que l’on voit adressées au système judiciaire français, on retrouve la lourdeur et la lenteur des procédures. Face à la saturation des juridictions, une solution a été avancée : les Modes Alternatifs de Résolution des Différends (MARD). Ces processus sont nombreux, que ce soit la médiation, la conciliation, la procédure participative ou bien même l’arbitrage. Il s’agit de processus permettant la résolution d’un conflit, en minimisant l’intervention du juge, celui-ci se trouvant cantonné, au maximum, à l’homologation d’un accord préalablement conclu.

Ces processus, favorables au développement d’une justice plus consensuelle - et donc plus rapide - peinent à se développer en France. Pour cette raison, l’Inspection Générale des Services Judiciaires (IGSJ), a été saisie en novembre 2014 par le Ministre de la Justice. Le rapport vient d’être publié (http://www.justice.gouv.fr/publication/2015_THEM_Rapport_definitif_reglement_conflits.pdf). Celui-ci nous apprend des choses intéressantes concernant la notion de MARD et leur développement.

Dans un premier temps, la lecture du rapport nous permet de nous faire une idée plus précise de la distinction entre conciliation et médiation. En effet, on observe sur le fond de nombreuses similarités entre la conciliation et la médiation : tous les deux sont entendus comme tout mode informel de résolution par un tiers des conflits qui aurait dû être résolus par un juge. La principale différence entre les deux réside dans la qualité des intervenants. La conciliation est entreprise par un Conciliateur de justice, bénévole désigné par le Premier président de la Cour d’appel, alors que la médiation peut être entreprise par toute personne disposant de compétence dans le domaine du conflit.

Le rapport fait par ailleurs état du difficile développement des modes amiables de règlement des différends en France. La médiation, souvent présentée comme un MARD phare, et notamment en droit de la famille, peine à se développer. A contrario, le rapport dénote un développement important de la conciliation en France.

Ainsi en 2013, 78.616 dossiers ont été traités par le biais d’une conciliation et plus particulièrement dans le cadre des litiges traités par le juge d’instance et le juge de proximité.

Afin d’expliquer le succès de la conciliation, le rapport de l’IGSJ met en avant plusieurs raisons. Parmi celle-ci, on retrouve la gratuité, l’organisation et la souplesse de la procédure.

Face à ce constat, l’IGSJ formule plusieurs propositions en vue de développer les MARD d’un point de vue général :

La modification de la dénomination de conciliateur en « médiateur de justice » ; ainsi les confusions qui ont pu exister entre conciliation et médiation disparaîtront au profit d’une distinction plus simple, soit que la médiation soit organisée par le biais d’une personne habilitée par le premier président de la Cour d’appel (médiateur de justice), soit qu’elle soir organisée par une personne choisie par les parties.
Favoriser le développement des conciliateurs de justice en augmentant leur indemnisation et en les intégrant de manière plus élargie dans les juridictions d’instance.
Prévoir un régime fiscal favorable au recours à la médiation et à la conciliation.
Professionnaliser le métier de médiateur de justice.
Prévoir en toute hypothèse (que ce soit pour les médiateurs de justice ou non) la nécessaire obtention d’un diplôme en matière de médiation familiale.

Cette liste n’est pas exhaustive. Néanmoins, on voit déjà une véritable volonté de changer en profondeur du régime des MARD. Il est cependant dommage de constater que le Ministère de la Justice n’ai pas attendu le rapport qu’il avait lui-même commandité pour commencer à réformer le régime des MARD.
Dans un décret en date du 11 mars 2015 une modification de la procédure a été introduite pour favoriser le recours au MARD : L’obligation de justifier d’une tentative de résolution amiable du différend avant toute saisine du juge (voir notre article précédemment publié : http://www.avocats-famille-patrimoine.fr/les-nouveautes-en-matiere-de-justice-familiale-du-decret-du-11-mars-2015-sur-la-simplification-de-la-procedure-civile/). L’introduction de cette nouvelle obligation est passée totalement inaperçue et tend à se révéler, en pratique, totalement inefficace.

Il reste donc beaucoup à faire pour le développement des MARD, non seulement d’un point de vue législatif, mais aussi dans la pratique. En effet, dans un grand nombre de domaines du droit, notamment en droit de la famille, il persiste une véritable culture de l’affrontement. C’est souvent une perte de temps, et donc d’argent pour les parties. Dans ce cadre, il incombe aux professionnels du droit, l’avocat en premier lieu, d’intégrer des pratiques amiables afin de permettre aux clients d’obtenir la résolution d’un conflit plus rapidement.

Régine Calzia, Avocat au barreau de Lille Hugo Fort étudiant http://www.avocats-famille-patrimoine.fr
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