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Interruption de la prescription et assignation entachée de nullité. Par Stéphanie Dalet-Venot, Avocat.
Parution : lundi 15 juin 2015
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A l’heure où la Cour de cassation élargit les cas dans lesquels une assignation non valide est interruptive de prescription, qu’en est-il en matière d’infractions de presse ?

Un récent arrêt de la Cour de cassation, prononcé en matière civile, a attiré mon attention.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 11 mars 2015 [1], a, en effet, fait une interprétation très extensive du second alinéa de l’article 2241 du Code Civil lequel, après avoir prévu, dans son premier alinéa, que « la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion  » dispose dans son second alinéa « Il en est de même lorsqu’elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l’acte de saisine de la juridiction est annulé par l’effet d’un vice de procédure ».

Or, alors que notre Code de procédure civile distingue expressément la nullité des actes pour vices de forme et la nullité des actes pour irrégularités de fond, la Cour de cassation décide aujourd’hui que « L’article 2241 du Code Civil ne distinguant pas dans son alinéa 2 entre le vice de forme et l’irrégularité de fond, l’assignation même affectée d’un vice de fond a un effet interruptif ».

Le champ des assignations entachées de nullité et pourtant susceptibles d’interrompre une prescription, en matière civile, continue donc de s’étendre… Et je m’interroge alors : cette nette tendance de fond pourrait-elle avoir une quelconque influence sur l’interruption de la prescription en matière d’infractions de presse, tout au moins devant les juridictions civiles ?

Il convient, en effet, de rappeler que s’agissant des infractions de presse, la Cour de cassation a une vision beaucoup plus restrictive des actes interruptifs de prescription en général et, notamment, des assignations susceptibles d’interrompre la prescription. Ainsi, en matière civile, en application de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881, ne sont pas interruptifs de prescription et ce, de façon constante, les actes introductifs d’instance entachés de nullité. [2]

En droit de la presse, la sanction du défaut de validité d’une assignation est claire : que ce soit en raison d’un vice de forme ou d’un vice de fond, un exploit introductif d’instance non valide ne pourra interrompre la courte prescription de l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881.

Cette récente jurisprudence de la Cour de cassation qui assouplit, au contraire, les règles communes en matière d’actes interruptifs de prescription est-elle susceptible d’avoir un impact sur le droit de la presse ?

Rien n’est moins sûr, puisque la matière, même devant les juridictions civiles, continue d’être résolument régie par une logique pénale …

Stéphanie Dalet-Venot Avocat au Barreau de Paris Modifier Changer la vue http://www.avocatsdaletvenot.fr/ http://www.legavox.fr/blog/e-reputation-et-droit

[1Cour de cassation, Chambre civile 3, 11 mars 2015, n°14-15.198.

[2Voir notamment Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 19 février 1997, n°94-13.877, Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 10 mars 2004, n°00-16.934.