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La géolocalisation des salariés à nouveau encadrée. Par Marion Moraly, Avocat
Parution : mercredi 1er juillet 2015
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La géolocalisation est un dispositif technique permettant de déterminer, en temps réel, la position géographique du salarié par la localisation de son véhicule. Si cette pratique séduit de plus en plus d’employeurs, la CNIL et la Cour de cassation ne manquent pas de rappeler régulièrement qu’une telle pratique doit être encadrée.
La CNIL vient notamment de poser, dans une délibération du 6 juin 2015, une interdiction globale de collecter des données en dehors du temps de travail (CNIL délibération n°2015-165 du 4 juin 2015).

Sur les conditions d’installation d’un système de géolocalisation dans l’entreprise

La loi et la CNIL ont fixé un certain nombre de principes généraux à respecter dans la mise en place du dispositif.

La géolocalisation doit en premier lieu respecter toutes les règles prescrites en matière de contrôle des salariés. En application du principe prévu à l’article L. 1121-1 du Code du travail, selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », la mise sous surveillance des salariés ne doit pas être disproportionnée face à l’intérêt de l’entreprise et aux missions du salarié.

La finalité du dispositif doit notamment être préalablement définie et déclarée. La CNIL estime que la mise en œuvre d’un tel dispositif n’est admissible que dans le cadre des finalités suivantes :

En tout état de cause, la géolocalisation ne doit pas conduire à un contrôle permanent de l’activité du salarié (filature). Les données récoltées ne peuvent être utilisées à des fins disciplinaires.

La CNIL a précisé qu’il n’était pas possible de collecter des informations en dehors du temps de travail qu’il s’agisse du trajet domicile-lieu de travail ou des temps de pauses du salarié qui doit en tout état de cause avoir la possibilité de désactiver le système. Il n’en demeure pas moins que le salarié devra en justifier auprès de sa direction si la déconnexion intervient pendant le temps de travail. Une sanction semble néanmoins exclue.

Enfin, il faut rappeler que les salariés protégés ne doivent pas être l’objet d’une opération de géolocalisation lorsqu’ils agissent dans le cadre de l’exercice de leur mandat (heures de délégation).

Procédure de mise en place de la géolocalisation

Les représentants du personnel doivent être préalablement informés et consultés sur la mise en place d’un tel dispositif (CE, CHSCT et à défaut les DP). La finalité du dispositif, les salariés concernés ainsi que toutes les informations relatives à la collecte et au traitement des données doivent être fournies aux représentants du personnel.

L’employeur doit ensuite procéder à une déclaration en ligne auprès de la CNIL.

Une fois cette déclaration effectuée, les salariés concernés doivent être informés collectivement (par affichage) et individuellement de la mise en place de ce dispositif.
L’information des salariés doit être la plus précise possible et dénuée de toute ambiguïté afin de pouvoir se prévaloir des données.

Le non-respect de ces formalités rende inopposables les informations collectées.

Sur la collecte et le traitement des données

En principe, la collecte et le traitement ne peut porter que sur des données à caractère personnel qui sont recueilles de manière loyale et licite pour des finalités déterminées.

Les données doivent être conservées pendant une durée qui n’excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées. Le responsable d’un traitement, avant de transmettre des données à un organisme, doit opérer un tri parmi ces dernières pour veiller à ce que le destinataire accède aux seules données adéquates, pertinentes et non excessives au regard de la justification de la communication. Il est tenu de prendre toutes les précautions utiles pour préserver la sécurité des données et notamment empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès.

La CNIL recommande que les données soient conservées pendant 2 mois. Cette durée peut être portée à un an dans plusieurs cas (nécessité à des fins de preuve de l’exécution d’une prestation, historique des tournées à des fin d’optimisation des tournées). Elle recommande d’ailleurs d’établir un mode et des durées d’archivage différents selon la nature des données collectées (Délibérationn°2005-213 du 11 octobre 2005).

Il est certain que la mise en place de la géolocalisation des salariés et l’utilisation de ses données est complexe. Il s’agit donc d’un dispositif coûteux qui ne peut pas être utilisé de manière arbitraire par l’employeur.

Marion Moraly, Avocat au barreau de Lyon
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