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Incertitudes et dangers au regard du nouveau droit de préemption du preneur en cas de vente d’un local loué depuis le 18 décembre 2014 ? Par Arnaud Boix, Avocat.
Parution : mercredi 15 juillet 2015
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Un régime d’apparence simple mais relativement incertain quant à son champ d’application avec pour épée de Damoclès l’annulation de la vente des lieux loués.

Afin de faciliter l’accès à la propriété du locataire d’un local à « usage commercial ou artisanal » le législateur avec sa Loi Pinel a créé l’article L 145-46-1 du Code de commerce dont le régime s’est finalement inspiré de celui existant pour les occupants de baux d’habitation.

Le bailleur doit notifier son offre vente des lieux loués au preneur avec l’indication du prix et des conditions de la vente envisagée par LRAR ou remise en main propre contre décharge.

Le preneur dispose d’un mois, et de deux mois pour réaliser la vente, à compter de la réception de l’offre du bailleur pour se prononcer et déclarer s’il recourt à un prêt pour financer son acquisition son acceptation est alors faite sous condition d’obtention du prêt et le délai de réalisation de la vente porté à 4 mois.

L’acceptation est caduque à défaut d’obtention du prêt dans le délai de 4 mois.

En cas de vente du local à un prix plus avantageux le bailleur est tenu de procéder à une nouvelle notification au preneur.

Mais à partir de quelle date s’applique ce droit ? En cas de tacite prolongation ? Peut-on y déroger ? S’applique-t-il à toutes les cessions ?

Le risque principal, rappelons-le, étant qu’à défaut d’avoir respecté le droit de préemption du preneur, c’est la remise en cause pure et simple de la cession du local donc son annulation.

Sans oublier les éventuels dommages et intérêts dont pourrait se prévaloir le bénéficiaire de la cession envisagée, sans parler de l’éventuelle mise en cause de la responsabilité du rédacteur d’acte qui aurait fait montre dans pareil cas d’une carence certaine au regard de ses obligations professionnelles et de l’action judiciaire qu’il conviendrait d’engager afin d’obtenir réparation.

A défaut d’une disposition expresse et explicite contraire dans le bail en cours, qu’il soit en tacite prolongation ou non, les locataires peuvent bénéficier de ce droit pour une cession d’un local « commercial et artisanal » intervenue depuis le 18 décembre 2014 mais :

A la double condition que les locaux puissent être qualifiés de locaux « commerciaux et artisanaux », et qu’ils ne fassent pas partie des cas d’exclusions limitativement prévus par le législateur.

Qu’en est-il alors d’un local par nature à usage d’entrepôts (industriel) ou de bureaux (professionnel) ? Qu’en est-il d’une vente de parts de SCI détenant des locaux par nature commercial ou artisanal ?

La détermination du champ d’application du droit de préemption du preneur est en cela fort délicate et beaucoup plus complexe qu’en matière de bail habitation dont le dispositif objet du présent billet est censé s’inspirer.

Le droit de préemption n’étant pas d’ordre public, il peut en conséquence être écarté par une clause expresse et explicite du bail, clause qui ne souffrira pas du risque d’être déclarée non écrite mais qu’il conviendra de rédiger avec le plus grand soin.

La détermination du champ d’application du droit de préemption devra être d’autant plus précisée par la jurisprudence, que le législateur a voulu être restrictif et limité ce droit aux commerces et l’artisanat, mais aussi de par la sanction de son non-respect qui est grave et sans appel : la nullité de la vente.

Il faut également espérer que la jurisprudence ne déclare pas d’elle-même cette disposition comme étant d’ordre public.

En cas de cession d’un local « commercial ou artisanal », nous vous invitons à vous rapprocher d’un professionnel du droit compétent en la matière afin d’apprécier le contexte de l’opération et en cas de doute de purger le droit de préemption du preneur (et d’en faire une condition suspensive de votre avant contrat) ou d’obtenir du preneur une renonciation expresse à son droit.

Nous ferons bien entendu état de la jurisprudence en la matière dans un prochain billet d’actualisation.

Arnaud Boix, Avocat Cabinet Eloquence Avocats Associés www.eloquence-avocats.com
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