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Economie de partage et loi Macron : nouvelles obligations pour les plateformes collaboratives. Par Mélanie Defoort, Avocat.
Parution : lundi 17 août 2015
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La loi dite « Macron », promulguée le 6 août 2015, comporte quelques obligations nouvelles à la charge des plateformes collaboratives dont l’activité est de mettre en relation des personnes qui concluent entre elles un contrat de vente ou de fourniture d’un service.

L’objectif de la loi est de renforcer l’information des consommateurs, tant sur le contrat qu’ils concluent via la plateforme, que sur les obligations auxquelles sont soumises les personnes qui fournissent le bien ou le service, qu’ils soient des professionnels ou des « non-professionnels ».

Ainsi, trois types d’obligations sont désormais prévues pour les plateformes :

- L’obligation de délivrer une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation et sur les modalités de référencement, de classement et de déréférencement des offres mises en ligne.

- Lorsque seuls des consommateurs ou des non-professionnels sont mis en relation, l’obligation de fournir une information loyale, claire et transparente sur la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale.

- Lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels, vendeurs ou prestataires de service, l’obligation de mettre à la disposition de ces derniers un espace leur permettant de communiquer aux consommateurs les informations prévues à l’article L121-17 du Code de la consommation. Cet article impose au professionnel de fournir au consommateur, préalablement à la conclusion du contrat, de nombreuses informations sur le contrat, notamment les caractéristiques essentielles du bien ou service fourni, son prix, les conditions d’exercice du droit de rétraction, l’identité et les coordonnées du professionnel.

En imposant aux plateformes d’informer leurs utilisateurs des obligations qui leur incombent sur le plan civil et fiscal, la loi cherche à éviter que des particuliers ne les utilisent pour développer une activité professionnelle non déclarée. Cette volonté fait écho aux critiques suscitées notamment par l’application Uber cette année.

On peut cependant s’interroger sur le point de savoir jusqu’où doit aller cette obligation d’information eu égard à la diversité de l’activité des utilisateurs et donc des obligations civiles et fiscales auxquelles ils sont soumis.

La dernière obligation soulève également plusieurs interrogations en ce qu’elle impose la mise à disposition aux professionnels d’un espace leur permettant de fournir l’information précontractuelle imposée par le Code de la consommation, notamment :
- Dans la mesure où la plateforme peut d’ores et déjà fournir un grand nombre d’informations sur le processus de commande et les droits du consommateur, quelle doit être l’étendue de cet espace ? Cela revient-il à imposer aux professionnels utilisant la plateforme de proposer leurs propres CGV sur la plateforme ?
- L’identité et les coordonnées du professionnel doivent-elles vraiment être révélées avant la conclusion du contrat, au risque de vider de leur sens les plateformes de mise en relation ?
- Que se passe-t-il si le professionnel ne fournit pas les informations obligatoires ou qu’il fournit des informations erronées ? La plateforme a-t-elle l’obligation de vérifier les informations fournies par les professionnels ?

La loi prévoit qu’un décret doit venir préciser le contenu de ces informations.

Il faut espérer que celui-ci permette de trouver les réponses aux nombreuses questions soulevées tout en ne perdant pas de vue que le service offert par les plateformes est essentiel pour de nombreux professionnels qui bénéficient ainsi d’une visibilité accrue pour développer leur activité.

Les obligations mises à la charge des plateformes ne devraient pas non plus remettre en question le fait que leur activité se limite souvent à la fourniture d’un service de mise en relation entre les utilisateurs et qu’elles demeurent donc un tiers au contrat qui se noue entre ces derniers, leur responsabilité étant limitée à ce titre comme celle d’un hébergeur.

Ces précisions sont cruciales d’autant plus que la loi prévoit que le non respect de ces obligations d’information est sanctionné d’une amende administrative lourde (maximum 75.000 euros pour une personne physique et 375.000 euros pour une personne morale).

Mélanie DEFOORT BRM Avocats