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Roumanie – Acquisitions publiques législation 2015. Par Dana Gruia Dufaut, Avocat.
Parution : jeudi 27 août 2015
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La Roumanie est en train de se doter d’une nouvelle législation en matière de marchés publics en vue de transposer toutes les directives européennes dans le domaine. Les délais fixés par les autorités pour l’entrée en vigueur des deux projets de lois soumis récemment au débat public et largement attendus par le milieu d’affaires local et les investisseurs, respectivement le projet de loi sur les marchés publics et celui concernant les voies de recours, devraient être le 1er janvier 2016.

Les plus importantes modifications envisagées concernent surtout l’inversion du paradigme "le prix le plus bas“ en faveur de l’offre la plus avantageuse du point de vue économique“ et l’institution de règles plus claires en matière de contrôle et prévention des abus.

État actuel de la législation concernant les marchés publics en Roumanie

La Roumanie a transposé dans sa législation les dispositions des Directives européennes sur la passation des marchés publics : la Directive n°. 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004 (abrogée à partir du 18 avril 2016), relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services, la Directive n°. 2004/17/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux (abrogée à partir du 18 avril 2016) et la Directive 2007/66/CE du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 1989/665/CEE et 1992/13/CEE du Conseil en ce qui concerne l’amélioration de l’efficacité des procédures de recours en matière de passation des marchés publics.

Pourtant, la Roumanie n’a pas transposé dans sa législation les nouvelles Directives approuvées par le Parlement Européen en 2014 (la Directive 2014/24/UE du Parlement Européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE, La Directive 2014/25/UE du Parlement Européen et du Conseil relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE et la Directive 2014/23/UE du Parlement Européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution de contrats de concession), ces directives prévoyant que les États membres doivent les transposer dans leur législation nationale jusqu’au 18 avril 2016. La Roumanie applique le Règlement européen n° 1336/2013 modifiant les Directives 2009/81/ CE, 2004/18/CE, 2004/17/ CE.

La législation cadre en matière de marchés publics est représentée à présent par l’ordonnance du gouvernement n° 34/2006 publiée au JO n° 418/2006. Cette ordonnance a été modifiée à plusieurs reprises, comme suite aux modifications intervenues au niveau européen, mais également comme suite aux tentatives du gouvernement roumain d’adapter les dispositions légales aux exigences du marché roumain et d’éviter la prolongation des délais de passation d’un marché public comme suite aux contestations des participants.

La dernière modification de l’ordonnance du gouvernement n°34/2006 a été apportée par l’ordonnance du gouvernement n° 51/2014 qui institue, à partir du 30 juin 2014, de nouvelles règles assez restrictives en matière de marchés publics, visant notamment le contenu de la contestation portée devant le Conseil National pour le Règlement des Contestation (CNSC) et la garantie de bonne conduite, qui devra être constituée par le contestateur.

1. La procédure administrative des marchés publics

➢ Les seuils pour faire appel à une procédure d’acquisition

Les pouvoirs adjudicateurs pourront acheter directement des produits, des services jusqu’à une valeur de 30.000 €uros ou des travaux jusqu’à une valeur de 100.000 €uros.

➢ Publication de l’annonce

L’annonce de participation doit être publiée sur SEAP (www.e-licitatie.ro) et, le cas échéant, dans le Journal Officiel de l’Union Européenne, et de manière optionnelle dans le Journal Officiel de la Roumanie, VIème Partie Marchés Publics.

L’autorité est obligée de publier l’annonce au JO de l’Union Européenne si la valeur des marchés publics dépasse :

-  134.000 euros ou 414.000 euros pour les contrats de fournitures ou de services, en fonction du pouvoir adjudicateur ;
-  5.186.000 euros pour les contrats de travaux.

➢ Le droit de demander des clarifications concernant la documentation d’attribution

Tout candidat a le droit de demander des clarifications concernant la documentation d’attribution. Le pouvoir adjudicateur a l’obligation de répondre, de manière claire, complète et sans ambiguïté, le plus vite possible, à cette demande, sans dépasser 3 jours ouvrables, à compter de la date du dépôt de la demande. La réponse devra être transmise à tous les agents économiques qui ont obtenu la documentation d‘attribution.

Désormais, si la demande de clarification est déposée en temps utile, la réponse doit être délivrée au plus tard 6 jours avant la date-limite pour le dépôt des offres.

2. La procédure contentieuse des marchés publics

==> Le tribunal compétent

Les contestations contre tout acte de procédure devront être introduites dans un premier temps auprès du Conseil National pour le Règlement des Contestations avec en même temps notification du pouvoir adjudicataire.

En ce qui concerne le contenu de la contestation, selon les nouvelles règles applicables depuis le 30 juin 2014, le contestateur devra argumenter l’existence de son intérêt légitime.

De même, le délai dans lequel le pouvoir adjudicateur doit transmettre son point de vue au Conseil concernant la contestation a été réduit à 5 jours ouvrables à partir de la date de réception de la contestation.

Les décisions du Conseil National pour le Règlement des Contestations peuvent être attaquées devant la Cour d’Appel compétente territorialement selon le siège du pouvoir adjudicateur – section du contentieux administratif.

Les demandes en dédommagements et celles concernant l’exécution, la nullité, la résolution, la dénonciation du marché public sont réglées en premier lieu par le Tribunal du siège du pouvoir adjudicateur.

==> La garantie de bonne conduite

Conformément aux nouvelles dispositions légales en vigueur depuis le 30 juin 2014, le contestateur a l’obligation de fournir, lors du dépôt de la contestation, une garantie de bonne conduite, qui remplace la rétention d’une partie de la garantie de participation qui était retenue antérieurement en cas de rejet de la contestation. A défaut, la contestation sera rejetée.

Le montant de la garantie est de 1% de la valeur du contrat faisant l’objet du marché public ; mais, indépendamment de la valeur du contrat, elle ne pourra dépasser 10.000, 25.000 ou 100.000 €uros, en fonction de la valeur totale du contrat. La garantie doit être constituée/maintenue à la date du dépôt de la contestation, doit avoir une durée minimale de validité de 90 jours et doit être constituée par virement bancaire ou par un instrument de garantie émis par une banque ou par une société d’assurances.

Comme cela était prévu par l’ordonnance n° 34/2006 avant la publication de la décision n° 5/2015 de la Cour Constitutionnelle, la garantie était retenue par le pouvoir adjudicateur dans tous le cas où la contestation était rejetée de manière définitive par le Conseil ou par le Tribunal, ainsi que dans d’autres cas expressément prévus par l’ordonnance du gouvernement n° 34/2006 (cas de renonciation à la contestation). Cette disposition n’est plus applicable, car l’article 27122 alinéas 1 et 2 a été déclaré inconstitutionnel par la Décision ci-dessus mentionnée, laquelle précise que la garantie doit être restituée même si la contestation a été rejetée, si un comportement inapproprié ne peut être imputé au contestataire.

==> Et si contestation ? Quels sont les délais ?

Une contestation devra être introduite dans un délai de 5 à 10 jours à partir de la date de la prise à la connaissance de l’acte attaqué, en fonction de la valeur du marché public.

Les décisions du Conseil National pour le Règlement des Contestations doivent être attaquées dans un délai de 10 jours après leur communication.

==> Le droit de timbre

Les demandes introduites auprès des Tribunaux ayant pour objet (i) les contrats de marchés publics règlementés par l’OUG n° 34/2006 ainsi que (ii) la réparation du préjudice subi sont taxables avec un droit de timbre calculé de manière progressive, en fonction de la valeur des contrats, variant de 1% de la valeur du marché pour les marchés jusqu’à 40.000 lei y compris (env. 9.000 euros) et 2.200 lei pour les marchés supérieurs à 4 Milliards lei (env. 900 Millions euros) ;

En ce qui concerne les demandes qui ne peuvent être évaluées en argent, on applique une taxe fixe de 4 lei – 1 euros (par exemple, la demande pour l’annulation d’un acte administratif, l’obligation de l’autorité d’émettre un acte juridique non patrimonial, la reconnaissance d’un droit prétendu, etc.). Les plaintes contre les décisions du Conseil sont taxables au taux de 50% du montant ci-dessus.

Note : Les informations présentées dans cet article ne tiennent pas lieu de conseil juridique. Merci de noter que cet article offre uniquement des informations d’ordre général, basées sur la législation applicable le jour de sa publication. Toute décision d’entreprendre ou non une action ne devrait pas se baser sur ces informations, mais sur un conseil juridique spécifique

Dana Gruia Dufaut Avocate aux Barreaux de Paris et de Bucarest
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