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Bail commercial : du calcul de l’indemnité d’éviction due au locataire en cas de non renouvellement du bail par le bailleur. Par Arnaud Boix, Avocat.
Parution : mardi 1er septembre 2015
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La loi accorde au locataire en cas de non renouvellement de son bail commercial une indemnité d’éviction aux termes de l’article L145-14 du Code de commerce :
« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
 »

Mais quelles sont les règles à applicables à la détermination des indemnités dues au locataire dans pareilles circonstances ? Permettent-elles d’assurer un traitement « standard » aux locataires évincés par leur bailleur ?

En l’absence de définition légale de principes d’évaluation de l’indemnité, les modalités de fixation de l’indemnité d’éviction due par le bailleur au locataire en cas de non renouvellement du bail doivent respecter les principes qui ont été largement, pour ne pas dire exclusivement, déterminés par la jurisprudence.

A titre principal, l’indemnité d’éviction due par le bailleur au locataire comprend :
-  l’indemnisation du dommage subi par le locataire au titre de la disparition de son fonds de commerce, encore appelée « indemnité de remplacement », dans le cas ou la perte de la clientèle attachée au lieu de situation du fonds de commerce est irrémédiable,

Ou bien,
-  Dans l’hypothèse d’un transfert de fonds de commerce possible, sans perte totale de clientèle par le locataire, une indemnité dite de « transfert ou de déplacement » du fonds.

A titre d’indemnités accessoires et communes à la perte du fonds ou à son transfert le locataire est le plus souvent indemnisé des frais de remploi (frais d’acquisition d’un nouveau fonds ou d’un droit de bail), d’une indemnité pour trouble commercial, de frais administratifs, de frais « normaux » de réinstallation, des éventuelles indemnités de licenciement du personnel salarié et autres couts salariaux y afférents, le cas échéant des pertes sur stock.

On notera en cas de transfert de fonds possible les éventuelles indemnités liées aux frais de déménagement des aménagements notamment, de réinstallation de perte partielle de clientèle et d’indemnité de double loyer.
Les incidences fiscales de l’éviction (de la taxation à la plus-value sur l’indemnité reçue) autre que les droits de mutation ne sont pas pris en compte ainsi que le préjudice moral.
De manière générale, la valeur vénale du fonds de commerce constitue en toutes circonstances le plafond de l’indemnité principale à laquelle le locataire évincé peut prétendre.
Le fonds à prendre en considération est celui du locataire évincé étant précisé que seules seront prise en compte les activités expressément visées à la clause destination du bail.

Les résultats chiffrés de l’exploitation d’activités non autorisées par le bail n’entrent pas dans le périmètre d’indemnisation.

La consistance du fonds à évaluer doit être appréciée à la date d’effet du refus de renouvellement, bien qu’il existe un certain flou jurisprudentiel sur ce point.
Le préjudice à indemniser étant celui subi du fait de l’éviction, son évaluation doit être faite au moment ou le préjudice est réalisé, c’est-à-dire à la date la plus proche du jour auquel devient effective l’éviction : soit à la date d’éviction elle-même, soit à la date ou cesse d’occuper régulièrement le locataire des lieux, soit à la date à laquelle le juge sur le montant de l ’indemnité statue le locataire n’ayant pas encore quitté les lieux.
Une réactualisation de la valeur du fonds exploité à indemniser estimée à l’origine est toujours possible dans le cas d’une prolongation de la procédure jusqu’à ce que le juge statue et même postérieur au rapport d’expertise.

Il a été rappelé récemment que l’évaluation de l’indemnité d’éviction doit se faire, étant rappelé l’absence de définition légale de principes dévaluation, selon les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale du locataire (Cass. Civ.3, 5 février 2014, n°13-10174) ce qui en fait d’autant plus une variable dans l’indemnisation à laquelle est en droit de s’attendre tout locataire évincé.

En conclusion, et au regard de l’ensemble des marqueurs posés par la jurisprudence l’évaluation de l’indemnité d’éviction due par le bailleur au locataire en cas de non renouvellement du bail commercial sera « du sur mesure », différente d’une situation à l’autre, d’une activité à l’autre, selon les éléments qui seront ou non pris en compte pour sa détermination et le plus souvent corrigé par les usages et modalités retenus dans la profession ou le secteur d’activité commerciale du locataire qu’il faudra retenir.

Au regard des règles exposées ci-avant et du constat qui s’impose, l’évaluation de l’indemnité d’éviction due par le bailleur au locataire en cas de non renouvellement du bail commercial demeure un élément extrêmement délicat à déterminer et illustre à quel point pour tout locataire qui se voit refuser le renouvellement de son bail commercial le besoin d’être assisté d’un Avocat spécialisé dans le calcul des préjudices subis à cette occasion.

Arnaud Boix, Avocat Cabinet Eloquence Avocats Associés www.eloquence-avocats.com
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