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Chronique de votre carrière (19) : Donner une chance à la chance.
Parution : jeudi 10 septembre 2015
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Le sujet de notre interview du jour est le point de vue développé par Philippe Gabilliet, qui consiste à penser que la chance est une compétence qui peut être développée...

Mireille Garolla : Philippe Gabilliet, vous êtes docteur en sciences de gestion et professeur de leadership à l’ESCP Europe pour les MBA.

Vous avez écrit de nombreux livres à destination du monde professionnel, mais celui qui m’intéresse tout particulièrement aujourd’hui, est à destination du grand public. Il s’agit de l’ Eloge de la chance ou L’art de prendre sa vie en mains.
Votre théorie soutient que la chance est une compétence, et que comme toutes les autres compétences, elle se travaille.

Est-ce que vous pourriez nous en dire un peu plus ?

Philippe Gabilliet : Oui, en fait l’idée de départ est venu très simplement de mes collaborateurs. Beaucoup croyaient aux porte-bonheurs. Personnellement, je me suis toujours méfié des porte-bonheurs.

Certains me disaient qu’ils avaient « de bonnes cartes », qu’ils avaient une belle voix, qu’ils présentaient bien et que ça expliquait leur bonne situation.
Or, j’ai toujours connu dans la vie professionnelle des gens qui avaient des excellentes « cartes de vie », si l’on peut dire, et qui n’en avaient rien fait et inversement.

C’est ça qui a été intéressant, c’est de se rendre compte que cette chance n’est pas obligatoirement un talent inné. D’où l’hypothèse de départ : et si la chance était le résultat d’un certain nombre d’attitudes et de comportements que les gens vont mettre en œuvre ?

MG : Est-ce que vous avez réussi à étudier cela sur des bases statistiques ?

PG : Non, très sincèrement, j’ai toujours été un empirique. C’est plutôt un feeling, une sensation, et je pense qu’il y a beaucoup de situations de la vie professionnelle ou personnelle qu’il faut commencer à apprendre à sentir avant de tenter de les analyser.

MG : Vous définissez aussi, dans votre livre et dans vos interventions, la chance comme la capacité à créer autour de soit un environnement favorable, comment fait-on ?

PG : L’opportunité, dans le fond, qu’est-ce que c’est ?

C’est au départ un événement totalement inattendue et qui, si on est attentif, nous ouvre instantanément une fenêtre d’action.
L’opportunité n’est pas une caractéristique de mon environnement. Autour de moi il n’y a que des évènements, des faits. L’opportunité c’est la rencontre à un moment donné entre un événement inattendu et un état d’esprit.

L’idée essentielle est : si je ne suis pas prêt à rencontrer la chance, elle va passer à côté de moi et je ne la saisirai pas.

MG : Est-ce que vous auriez un ou deux exemples pratiques de gens qui ont su prendre leur chance dans des circonstances a priori très défavorables et qui ont su en faire quelque chose ?

PG : Il y a trois situations que je rencontre très souvent :

-  La rupture inattendue
-  L’échec inattendu
-  Le problème de santé inattendu

Ces événements pourraient être traduits au départ comme des gros coups de malchance, or :

Beaucoup de gens vont vous dire : «  c’est parce que je me suis fait licencier que j’ai eu l’opportunité de rencontrer les gens chez qui je travaille aujourd’hui et avec qui je m’épanouis totalement. »

Ou encore : « c’est parce que je me suis fait plaqué que j’ai rencontré l’homme formidable avec lequel je vis aujourd’hui. »

Guibert del Marmol, un chef d’entreprise belge avec qui j’ai travaillé, avait eu un grave problème de santé parce qu’il s’usait dans son travail. Aujourd’hui il a remonté des entreprises. Lui-même dit : « j’ai remonté des entreprises avec mes règles du jeu personnelles. Et dès l’instant où j’ai changé ces règles par rapport à moi-même, elles ont changé vis-à-vis des autres.

C’est un changement de paradigme.

Mireille Garolla : Philippe vous nous disiez que la chance consistait à changer de paradigme et à saisir des opportunités lorsqu’elles se présentaient.
Quelles sont concrètement les opportunités auxquelles vous faites référence ?

Philippe Gabilliet : En fait, les opportunités sont toujours des variations de l’inattendu.

Pour pouvoir détecter les opportunités, il faut être dans l’ouverture et la vigilance.
Les anglo-saxons ont une expression que je trouve très claire : « luck-readiness  ». Etre en permanence mentalement prêt à avoir de la chance.

MG : Quand on a décelé une opportunité, que fait-on ?

PG : L’opportunité est un jeu d’échange.
Les opportunités, comme l’argent ou encore l’amour, doivent circuler pour pouvoir créer de la valeur. Elles doivent être partagées.

La question à se poser est : en quoi moi suis-je une opportunité dans ce système ? C’est-à-dire : en quoi suis-je une chance pour autrui ?
Plus je passe mon temps à être une chance pour autrui, plus je vais recevoir cette chance à travers les autres.

Ce qui va être l’accélérateur de l’opportunité c’est l’intention. Pasteur disait : « le hasard ne favorise que les esprits préparés ». Ils sont préparés par l’intention.

Mon système de sélection de l’information, de prise de décision et même de prise de risque me met en position de faire un « pari ».
Ce n’est pas parce qu’on parie qu’on gagne à chaque fois, au contraire (dans la vie, si on gagne à tous les coups, c’est que l’on a triché). Le prix à payer pour pouvoir faire ce « pari », c’est d’accepter de perdre.

MG : Comment gère-t-on l’échec ? Cela n’est pas forcément facile lorsque l’on est en position de doute...?

PG : L’échec ne pose problème qu’à partir du moment où il est vécu comme étant une erreur.
Si l’échec me fait souffrir, cela peut vouloir dire qu’il est temps de demander de l’aide à des gens dont c’est le métier. Pourquoi devrait-on toujours tout affronter, tout seul ..?

MG : Abordons maintenant votre second thème favori qui est celui de l’optimisme.
Quels conseils pourriez-vous donner à nos auditeurs qui sont dans des périodes de doute et de remise en question ?

PG : L’optimisme, c’est une posture mentale d’optimisation.
L’optimiste, avec ce qu’il a aujourd’hui, fait un pari qu’il est possible de faire mieux.
Il a tendance à anticiper le meilleur. Le pessimiste adopte souvent une posture très solitaire, pas forcément égoïste, mais il a tendance à considérer qu’il n’a de comptes à rendre à personne.

L’optimiste a une croyance fondamentale dans l’audace et dans l’action.

MG : Quels sont les trois meilleurs conseils que vous pourriez donner à nos chercheurs d’emploi ?

PG : Quelqu’un qui cherche un emploi va se nourrir à la fois de son passé, de son présent et de son futur.

On peut alors se poser ces trois questions :

-  Concernant le passé, il y a une question qu’il faut toujours se poser : « Jusqu’à présent, c’était comment de travailler avec moi ? », « Suis-je quelqu’un avec qui j’aimerais travailler, et pourquoi ? ».

-  La deuxième question à se poser est : « Dans le fond, pourquoi les gens avec qui je travaille depuis des années m’apprécient-ils ? ». On peut alors en déduire ses forces et ses points faibles et ainsi, capitaliser sur ses points forts.

-  La dernière question sera : «  Si j’étais sûr à 100% que mon projet va marcher, qu’est-ce que je tenterais, dès demain matin ? »

A partir des réponses à ces trois questions, on peut sûrement avancer plus sereinement dans la vie.

MG : Philippe Gabilliet, je vous remercie pour cette très belle leçon de vie et d’optimisme.

Mireille Garolla Associé gérant de Group3C Executive coach spécialisée en transition professionnelle Auteur de : Changer de Vie en milieu de Carrière chez Eyrolles
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