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Vers la reconnaissance du droit au maintien de la connexion internet pour les plus démunis. Par Thierry Vallat, Avocat.
Parution : lundi 14 septembre 2015
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La question du droit à l’internet et à son accès, même aux plus nécessiteux d’entre nous, est devenue essentielle dans notre monde numérique : le projet de loi numérique propose d’amender l’art L115-3 du Code de l’action sociale et de la famille pour en faire un "service essentiel", déjà décrié par certains FAI.

Le projet de « loi pour une République numérique » porté par Axelle Lemaire sera dévoilé le 21 septembre prochain pour une consultation publique et sera débattu par les parlementaires début 2016.

Il prévoit une mesure qui obligerait les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à maintenir un accès minimal à internet en cas d’impayés.

Il s’agit de l’article 35 du projet de loi intitulé "Maintien temporaire de la connexion" et qui est pour le moment libellé comme suit :

"I. - L’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « et de services téléphoniques dans son logement » sont remplacés par les mots : « d’un service de téléphonie fixe et d’un service d’accès à Internet » ; 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé : « En cas de non-paiement des factures, la fourniture d’énergie et d’eau, un service téléphonique restreint et un service d’accès à internet restreint sont maintenus jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la demande d’aide. Le service téléphonique restreint comporte la possibilité de recevoir des appels ainsi que de passer des communications locales et vers les numéros gratuits et d’urgence. Le service d’accès à Internet restreint comporte, dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat, des restrictions dans le débit des communications ou dans le volume de données auxquels la personne a droit dans le cadre de son contrat ainsi que l’accès à un service de courrier électronique. »

II. - L’article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en œuvre du droit au logement est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « le logement » sont ajoutés les mots : « et les services essentiels » ;

2° Au troisième alinéa, les mots : « et de téléphone » sont remplacés par les mots : « , de téléphone et d’accès à Internet ».

III. - Au dernier alinéa de l’article 6-1 de la même loi, les mots : « ou de services téléphoniques » sont remplacés par les mots : « , de services téléphoniques ou d’accès à Internet ».

IV. - Aux articles 6-1, 6-3 et 6-4 de la même loi, les mots : « fonds de solidarité pour le logement » sont remplacés par les mots : « fonds de solidarité pour le logement et les services essentiels ».

Ainsi, l’article L115-3 du Code de l’action sociale et des familles serait donc complété afin que le service internet , devenu "service essentiel" aux yeux de la loi, ne puisse être coupé, comme l’eau ou l’électricité.

Mais une récente interview, dans le magazine l’Express, du directeur général de la Fédération Française des Télécoms (FFT), pour s’opposer à cette mesure sème le trouble.

Selon Yves Le Moüel "Nous ne sommes pas dans le même cas de figure que le gaz ou l’eau. Internet n’est pas indispensable au bien-être minimal",

Rappelons pourtant que le Conseil constitutionnel a affirmé dans sa décision n° 2009-580 DC du 10 juin 2009 que "Internet est une composante de la liberté d’expression et de consommation", et qu’en 2012, le conseil des droits de l’homme de l’ONU a également reconnu l’accès à Internet comme un droit fondamental.

Espérons donc que les réticences rétrogrades et injustifiées de la FFT et des FAI qu’elle représente, à l’exception notable de Numéricable-SFR qui propose déjà un tarif "social" et s’est désolidarisée de sa fédération, n’aura pas raison de ce droit fondamental à internet qui est effectivement devenu un service essentiel pour tous.

Thierry Vallat, Avocat www.thierryvallatavocat.com