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La société de libre partenariat (Article 145 loi Macron) ou une application des principes de la « cuisine fusion ». Par Frédéric Guillaumond, Juriste.
Parution : lundi 14 septembre 2015
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La cuisine fusion vise à mélanger les cuisines de différents pays pour obtenir des saveurs différentes.
Adoptant une philosophie similaire, et afin de favoriser l’investissement étranger, l’article 145 de la loi Macron du 6 août 2015 institue un nouveau type de fonds spécialisé, la société de libre partenariat, s’inspirant notamment des limited partnership anglo-saxons et des sociétés à commandite spéciale luxembourgeoises.

Dans le but d’inciter l’investissement étranger, les statuts et les documents destinés à l’information des associés pourront être rédigés dans une langue usuelle en matière financière autre que le français (anglais), hormis l’extrait des statuts déposé au Registre du commerce et des sociétés.

Un fonds professionnel spécialisé pourra ainsi prendre la forme, à côté des SICAV et FCP qui sont bien connus, d’une société en commandite simple, dénommée société de libre partenariat (ou SLP) [1].

Sur un plan juridique, la SLP, disposant de la personnalité morale, est soumise pour l’essentiel aux dispositions du Code de commerce applicables aux sociétés en commandite simple [2] avec notamment la conservation de la superposition de deux catégories d’associés :
- Les commanditaires, dont la responsabilité est limitée au montant de leurs apports,
- Les commandités, responsables indéfiniment et solidairement des dettes sociales, en charge de l’exploitation sociale.

Dans l’esprit de celui qui a motivé la création et l’évolution de la société par actions simplifiée, il est néanmoins dérogé à de nombreuses dispositions applicables aux sociétés en commandite (premier alinéa de l’article L. 221-3 et articles L. 221-7, L. 222-4, L. 222-5, L. 222-7 à L. 222-9, L. 222-12 et L. 232-21 du Code de commerce), laissant place à une liberté de rédaction des statuts sociaux.

Si les parts des associés commandités peuvent être souscrites et acquises par toute personne physique ou morale ou entité autorisée par les statuts, la souscription et l’acquisition des parts des commanditaires sont réservées :
1° Aux investisseurs mentionnés à l’article L. 214-144 ;
2° Au gérant, à la société de gestion et aux commandités ou à toute société réalisant des prestations liées à la gestion investissant directement ou indirectement, ainsi qu’à leurs dirigeants, à leurs salariés ou à toute personne physique ou morale agissant pour leur compte ;
3° Aux investisseurs dont la souscription initiale ou l’acquisition est d’au moins 100.000 €.

La répartition des droits de vote sera basée sur le principe d’un nombre de voix proportionnel au nombre de parts détenues, sauf stipulation contraire des statuts qui pourront donc prévoir par exemple un droit de vote double.
En outre, les statuts de la SLP détermineront les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu’ils prévoient, sauf les décisions emportant modification de l’objet social, fusion, absorption, scission, transformation ou liquidation de la société, qui devront être adoptées collectivement par les associés commanditaires, dans les conditions prévues par les statuts et avec l’accord du ou des associés commandités.

Écartant le principe de l’article L 222-8 du Code de commerce selon lequel « Les parts sociales ne peuvent être cédées qu’avec le consentement de tous les associés », sauf exceptions limitativement énoncées, les statuts de la SLP peuvent prévoir « des clauses d’agrément, d’inaliénabilité, de préférence, de retrait et de cession forcée selon les conditions et modalités, notamment de prix, prévues par les statuts » [3], la sanction de l’inobservation des règles statutaires étant la nullité.

Sur un plan fiscal, pour l’imposition de ses bénéfices et de celui de ses associés, la SLP est assimilée à un fonds professionnel de capital investissement constitué sous la forme d’un fonds commun de placement et soumise aux mêmes obligations déclaratives [4].

Ainsi, les personnes physiques résidentes françaises qui prendront l’engagement de conserver, pendant cinq ans au moins à compter de leur souscription, les parts, seront exonérées de l’impôt sur le revenu à raison des sommes ou valeurs auxquelles donnent droit les parts concernées [5].

Les dispositions de l’article 150-O A I du Code général des impôts, relatives à l’impôt sur les plus-values ne s’appliqueront également pas aux cessions et aux rachats de parts réalisés par les porteurs de parts, à condition de remplir les conditions fixées aux I et II ou aux I et III bis dudit article.

Pour les investisseurs étrangers, la SLP étant transparente fiscalement, il sera possible de se prévaloir des conventions fiscales internationales existantes et éviter les situations de double imposition, à la différence des fonds commun de placement (FCP).

Enfin, la SLP est exonérée de la contribution sociale de solidarité des sociétés, ainsi que prévu par l’article L 651-2 12°du Code de la sécurité sociale.

Il est à noter que la création par le Luxembourg de la société en commandite spéciale (SCSp) en 2013, dont s’inspire la SLP, a rencontré un certain succès, rendant notamment moins attrayant les fonds professionnel de capital investissement (FPCI) français.

Reste à savoir si un mouvement de balancier sera constaté en faveur de la limited partnership à la française.

Frédéric Guillaumond Avocat inscrit au Barreau de Lyon www.avocat-guillaumond.fr

[1L 214-154 Code monétaire et financier.

[2Articles L 222-1 et suivants du Code de commerce.

[3L 214-162-8 IV du Code monétaire et financier.

[4Article 1655 sexies A du Code général des impôts.

[5163 quinquies B.

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