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Le droit de rétractation et la loi Hamon. Par Jean-Baptiste Rozès, Avocat.
Parution : mardi 15 septembre 2015
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Les dispositions relatives au démarchage figurent aux articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation ont été profondément modifiées par la loi n°2014-1545 du 17 mars 2014, dite loi HAMON. Etudions les dispositions protectrices du consommateur prévues par la loi HAMON sous l’angle du droit de rétractation.

L’article L. 121-21 alinéa 1er du Code de la consommation dispose, depuis la loi Hamon que :

« Le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L. 121-21-3 à L. 121-21-5. Toute clause par laquelle le consommateur abandonne son droit de rétractation est nulle ».

Il ressort de cet article que les dispositions du Code de la consommation relative aux démarchages ne sont applicables qu’au consommateur. Il convient donc de définir cette notion de consommateur qui fait l’objet d’un contentieux de masse.

Traditionnellement, la doctrine définit le consommateur, au sens strict, comme la personne physique qui se procure ou qui utilise un bien ou un service pour un usage non-professionnel. Il apparaît toutefois que la définition donnée par le droit de la consommation n’est pas aussi restrictive que cette définition doctrinale.

Tout d’abord, la jurisprudence unanime considère que les dispositions des articles L. 121-21 et suivants du Code de la consommation sont sans effet au regard du démarchage accompli auprès d’une personne morale [1]. C’est ainsi que la Cour de cassation considère qu’une personne morale ne peut être qualifiée de consommateur.

Si la question des personnes morales est dès lors tranchée, reste la problématique liée aux personnes physiques.

A cet égard, la loi n°89-1008 du 31 décembre 1989 a modifié la loi n°72-1137 du 22 décembre 1972, en étendant aux professionnels personnes physiques la protection dont bénéficie le consommateur, dès lors que l’objet de la vente par démarchage n’a pas de rapport direct avec leur activité professionnelle. Cette extension est compréhensible puisque, dans ce cas, le professionnel n’est pas mieux armé qu’un consommateur pour apprécier les conséquences d’un achat par voie de démarchage.

Une jurisprudence abondante a suivi cette évolution législative afin de préciser la notion de rapport directe avec l’activité professionnelle. Sa ligne directrice consiste à exclure les commerçants du bénéfice des dispositions protectrices du Code de la consommation, dès lors que le contrat conclu a pour objet la promotion ou le développement de l’activité professionnelle. A contrario, ces dispositions leur seraient applicables pour des contrats de vente portant sur des produits ou services qui ne sont pas de nature à développer ou promouvoir l’activité, quand bien même ils sont utilisés dans le cadre de cette activité.

A titre d’exemple, la Cour de cassation a considéré que les dispositions protectrices étaient applicables à un marchand de vêtements démarché pour un système d’alarme [2] ou encore à un garagiste pour la souscription d’un contrat de télésurveillance [3].

En revanche, la Cour de cassation a jugé que les dispositions litigieuses n’étaient pas applicables à des contrats publicitaires destinés à promouvoir et développer l’activité commerciale [4].

Il est à noter que, si ces dispositions et jurisprudences visent plus spécifiquement les commerçants et artisans, elles peuvent être appliquées aux professions libérales, qui ne présentent, à cet égard, aucune spécificité justifiant l’application d’un régime juridique distinct.

En outre, il apparaît que, quand bien même le délai de rétractation de 14 jours prévu par l’article L. 121-21 du Code de la consommation serait applicable aux cas d’espèce, l’article L. 121-21-8 prévoit des cas d’exclusion du droit de rétractation. Ainsi, l’article L. 121-21-8 3° du Code prévoit que :

« Le droit de rétractation ne peut être exercé pour les contrats […] de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisé. »

Il convient enfin de préciser que l’article L. 121-18-2 du Code de la consommation prévoit que :

« Le professionnel ne peut recevoir aucun paiement ou aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement. »

Cet article interdit ainsi toute remise de chèque ou autorisation de prélèvement avant l’expiration dudit délai.

Jean-Baptiste Rozès Avocat Associé OCEAN AVOCATS www.ocean-avocats.com

[1Cass. Civ. 1ère, 15 décembre 1998

[2Cass. Civ. 1ère, 25 mai 1992

[3Cass. Crim., 9 novembre 1999

[4Cass. Civ. 1ère, 26 novembre 2002

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