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De la création d’une procédure pour les demandes de protection des PCRL. Par Magali Loustau-Guadalupe Miranda, Avocat.
Parution : mercredi 16 septembre 2015
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Le problème se pose aujourd’hui pour l’Afghanistan. Il se posera demain pour le Mali, et après-demain pour la Syrie.
Dès que l’armée française intervient au sol dans un État tiers, elle fait appel à des personnels civils de recrutement local (PCRL, pour les intimes). Leurs missions sont diverses mais indispensables : chauffeur, interprète, informaticien, commerçant, employé de maison, cuisinier…
Que ce soit pour l’intendance, la formation ou les interventions sur le terrain, ce sont eux qui permettent de limiter les incompréhensions, les quiproquos et au bout du compte les pertes de vies humaines dans chaque camp.

Une fois le retrait des troupes, ces personnes sont généralement victimes de persécutions, perçues comme des traîtres à leur propre cause, ayant collaboré avec l’envahisseur. Ils se voient contraints de fuir leur pays, pensant naturellement être accueillis par l’Etat qu’ils ont aidé pendant parfois des années. Que nenni.
Évidemment, le souvenir des Harkis n’est pas très loin…

Pour l’heure, il n’existe aucune procédure établie pour traiter leur situation.
Les processus habituels de délivrance de visa ne prennent en compte ni l’urgence, ni les enjeux humanitaires.
L’asile, même s’il est en plein questionnement, n’est pas satisfaisant pour sa lenteur, mais ses critères en font une base de réflexion intéressante.
Le visa asile, s’il commence à être reconnu du bout des lèvres par la jurisprudence, n’a pas encore d’existence légale (sauf peut-être une obscure disposition réglementaire, à en croire le Conseil d’État).
La spécificité réside aussi sur le fait que l’implication des militaires qui ont travaillé avec ces PCRL est utile sinon nécessaire pour rendre compte des missions qu’ont effectuées ces derniers, et de la notoriété de leur statut de PCRL.

Malgré la tentative louable de la Présidence Hollande pour endiguer ce problème au moment du désengagement de la France de l’Afghanistan à partir de 2012, des difficultés persistent.
En effet, le processus ad hoc de « relocalisation », totalement dérogatoire, a montré quelques faiblesses, parmi lesquelles un arbitraire assez incompréhensible, une procédure opaque et des critères vaporeux.
La réouverture de ce processus en 2015, sous l’impulsion du Collectif d’avocats au services dans anciens auxiliaires afghans de l’armée française, a certes permis de redéfinir des critères qui se veulent objectifs.
La procédure étant encore en cours, il est trop tôt pour se prononcer sur ses vertus, mais les juridictions auront probablement à statuer sur ces questions dans les prochains mois.

Cependant, il est urgent de mettre en place une véritable procédure dérogatoire, pensée en amont et non pas dans l’urgence, en concertation avec des professionnel du droit (avocats, juges administratifs) et les Ambassades, afin d’établir des critères, des procédures et des instructions clairs.
Par exemple, on pourrait suggérer parmi les critères :
• La situation sécuritaire du lieu de résidence du PCRL au moment du traitement de sa demande
• La notoriété de sa condition d’ancien PCRL
• La nature des menaces

Les parlementaires s’emparent timidement de cette question, et l’exécutif plus timidement encore. L’enjeu n’est pourtant pas si énorme en termes de flux migratoires : on parle de 800 personnes pour l’Afghanistan, dont d’ailleurs moins du tiers ont formulé des demandes.
Que l’exemple des PCRL afghans serve à corriger les maladresses procédurales pour pouvoir réagir rapidement et efficacement lors des désengagements à venir.

Magali Loustau-Guadalupe Miranda Avocat au Barreau de Paris www.mlgm-avocat.fr
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