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Encadrement des loyers à Paris : les tribunaux submergés ? Par Romain Rossi-Landi, Avocat.
Parution : lundi 21 septembre 2015
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La loi ALUR du 24 mars 2014, présentée par Cécile Duflot, alors ministre du logement, a institué un dispositif d’encadrement des loyers pour les locations soumises à la loi du 6 juillet 1989 (vides et meublées à usage d’habitation principale) situées dans des zones de tension du marché locatif.

L’encadrement des loyers est en vigueur depuis le 1er août 2015.

L’arrêté n° 2015 176-0007 fixe dans la commune de Paris les loyers de référence, les loyers de référence majorés et les loyers de référence minorés, par catégorie de logement et par secteurs géographiques mentionnés aux articles 17 et 25-9 de la loi du 6 juillet 1989. Une carte interactive permet de connaître ces loyers en fonction de l’adresse et des caractéristiques du bien.

C’est l’Observatoire des loyers parisiens (OLAP) qui a calculé pour 2015 les loyers de référence pour les 80 quartiers de Paris, regroupés en 14 zones, et pour seize types de biens, selon le nombre de pièces (studio, deux, trois, quatre pièces et plus) et quatre époques de construction. Ainsi, pour un studio, le prix médian oscille entre 22 euros et 31 euros le m2 par mois, selon les quartiers.

 Lors de la signature du bail :

Le propriétaire ne peut pas réclamer un loyer supérieur au « loyer de référence majoré » qui équivaut au loyer médian – calculé quartier par quartier – augmenté de 20 %.

Mais s’ajoute une autre limite, introduite elle aussi par la loi ALUR, et qui s’applique depuis le 1er août 2014 : celle-ci interdit au bailleur d’augmenter le loyer entre deux locataires successifs au-delà de l’actualisation établie par l’Indice de Révision des Loyers.

Autrement dit, la double limite du loyer de référence majoré et de l’ancien loyer indexé est applicable. Si l’ancien locataire payait plus que le loyer de référence majoré, le bailleur devra baisser son prix pour son nouveau locataire, le bail devant obligatoirement mentionner le loyer acquitté par l’ancien locataire.

Bien évidemment des exceptions sont prévues.

Les logements neufs ou ceux reloués après dix-huit mois de vacances échappent à l’interdiction d’augmenter le loyer entre deux locataires, mais pas au plafonnement des loyers. C’est dans ces cas que les prix peuvent augmenter au-delà de l’indice de révision des loyers… mais toujours dans la limite du loyer de référence majoré.
De même dans certains cas, le bailleur pourra fixer un loyer supérieur au plafond :
La loi prévoit que le bailleur peut réclamer un « complément de loyer » au-delà du loyer de référence majoré si l’appartement présente des caractéristiques particulières et à condition que le loyer de base ne soit pas inférieur au loyer de référence majoré. Ces éléments doivent être déterminants pour la fixation du loyer et ne doivent pas être déjà pris en compte dans le loyer de référence (quartier, nombre de pièces, époque de construction, meublé ou non) ni dans les charges, comme un ascenseur ou la présence d’un gardien. Il peut s’agir par exemple d’une terrasse, d’un jardin, d’une vue exceptionnelle.

Mais le flou de la définition du complément de loyer et des critères qui permettent de le réclamer risque d’alimenter un abondant contentieux. Quid de l’appartement situé en étage élevé ?
En effet, un nouveau locataire qui s’apercevra que son loyer est supérieur au loyer médian majoré pourra le contester (tout comme le complément de loyer) dans un délai de trois mois à compter de la signature du bail. Cette contestation sera portée devant la Commission départementale de conciliation.
Cette instance paritaire, gratuite, donnera un avis dans les deux mois de sa saisine (elle risque rapidement d’être surchargée...). Faute d’accord, le tribunal d’instance sera compétent.
Le loyer, qu’il résulte d’une conciliation ou d’une décision de justice, s’appliquera à compter de la prise d’effet du bail.

C’est la naissance d’un nouveau contentieux. Auparavant, il n’y avait aucune possibilité de contester par la voie judiciaire le montant du loyer d’origine lors de la signature du bail.
En effet, désormais, si la négociation du prix semble impossible au moment de la signature, le candidat locataire qui tiendra à louer un appartement aura intérêt à accepter les conditions du propriétaire, et à les contester par la suite auprès de la commission.
Pour discuter un complément de loyer, le locataire pourra saisir cette même commission dans les trois mois suivant la signature du bail. Attention, c’est au bailleur qu’incombera d’apporter les éléments justificatifs de ce complément de loyer qui doivent être inscrits au bail.
Si le locataire obtient gain de cause c’est à dire une réduction de loyer, celle-ci sera rétroactive et pourra remonter au début du contrat de location.
C’est donc un nouveau risque qui devra être supporté par le bailleur.

 Lors du renouvellement du bail :

Si le loyer, hors complément, est supérieur au loyer de référence majoré, le locataire pourra en demander une diminution.

C’est une autre disposition introduite par la loi ALUR qui est entrée en vigueur à Paris le 1er août : un locataire déjà dans les lieux pourra agir pour voir diminuer son loyer si ce dernier dépasse le loyer médian majoré. Le locataire devra réclamer cette révision cinq mois avant l’échéance du bail. En effet, le bailleur ne pourra pas, en rétorsion, donner congé à son locataire car celui-ci doit être signifié six mois avant la fin du bail.

De son côté, le bailleur pourra, six mois au moins avant l’expiration du bail et si le loyer est inférieur au loyer de référence minoré, demander une réévaluation dudit loyer. Mais, dans le cadre de cette procédure le loyer proposé devra rester inférieur ou égal au loyer de référence minoré.

Si le loyer est manifestement sous-évalué, c’est-à-dire situé 30 % (ou plus) en dessous du loyer de référence, le propriétaire peut, lors du renouvellement du bail, en respectant un préavis de six mois, réaligner le prix de son loyer à la hausse.
Dans les deux cas, en cas de contestation ou d’absence de réponse de la partie concernée, quatre mois avant le terme du bail, la Commission départementale de conciliation pourra être saisie. Si la conciliation échoue, il faudra saisir le tribunal d’instance.
Encore un nouveau contentieux qui risque de rallonger encore les délais d’audiencement des tribunaux d’instance.

Attention, l’absence de saisine du juge avant le terme du bail entraîne une reconduction de ce dernier aux conditions de loyer antérieures.

Les Tribunaux d’instance parisiens sont déjà surchargés et cela ne devrait pas s’arranger avec les nouveaux contentieux sur l’encadrement des loyers, dont on peut présumer qu’ils seront très fréquents.

Romain ROSSI-LANDI Avocat à la Cour www.rossi-landiavocat.fr
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