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Aide juridictionnelle, propos immondes ! Par Jean de Valon, Avocat.
Parution : vendredi 18 septembre 2015
Adresse de l'article original :
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Quelques libres observations d’un avocat "milieu de gamme" sur l’aide juridictionnelle.

Le domaine de l’aide juridictionnelle, semble-t-il, va être étendu ; le plafond de ressources pour l’obtenir augmenté.
En compensation se profile une taxe sur les avocats, de telle manière qu’ils puissent se payer eux-mêmes (!), et une diminution de l’indemnité qui leur est accordée.

Rien ne change jamais dans la pensée de ceux qui élaborent ce genre de solutions, dont on suppose qu’ils sont des fonctionnaires tranquillement en poste, connaissant bien sûr mieux les vicissitudes du monde économique que les justiciables et les auxiliaires de justice…
Oui, oui.

Pour être honnête, je ne prends plus les dossiers à l’aide juridictionnelle, j’avoue.
Le méchant, direz-vous, l’égoïste, l’infâme !
Sauf que, le domaine qui le mien, l’immobilier, génère des dossiers souvent complexes et que la question du seuil de rentabilité se pose.

Je ne sais pas si vous savez, mais chaque chose a un coût et les obligations successives, ajoutées les unes aux autres au fil des années sur les cabinets d’avocats génèrent des charges fixes nécessaires qu’il faut prendre en compte dans la détermination de son prix.
D’ailleurs, c’est assez naturel pour pouvoir établir les conventions d’honoraires qui sont désormais obligatoires.
Non ?

Le lecteur se dira que l’avocat n’a qu’à accepter de travailler à perte.
Encore qu’un de ces inénarrables fonctionnaires de la Chancellerie ait, paraît-il, exprimé l’idée que si l’indemnité ne suffisait pas c’est que le cabinet d’avocat était mal géré.

Vous me direz que la haute fonction publique qui gère ce pays donne depuis des décennies la preuve de sa haute capacité, les chômeurs l’en remercient chaque jour...
Pour les avocats, il ne s’agit pas de chômage, mais de découvert bancaire et, aussi, de redressement judiciaire s’ils oublient tout simplement la gestion.
Si l’indemnisation de l’avocat au titre de l’aide juridictionnelle est réduite, il est clair que la profession se désengagera.
Sauf les saints et les cabinets nouvellement installés, sans charges trop importantes.
Parce qu’il n’y a pas moyen de faire autrement.

Parfois voyez-vous, j’ai quelques pensées interlopes, sales, odieuses.
Je pense ainsi que le domaine de l’aide juridictionnelle devrait être réservé à certains secteurs : défense pénale, droit de la famille, mais que la question peut légitimement se poser de l’aide de l’État et donc du contribuable quand il s’agit par exemple d’une défaillance de sa télévision, d’une faute de son agence de voyage.
C’est laid.

Je pense aussi qu’il pourrait après tout être donné une indemnité, libre aux justiciables de convenir d’un complément avec leur avocat.
C’est horrible !

En matière d’aide judiciaire totale ce n’est pas permis et combien d’avocats ont eu dans leur bureau des personnes tout à fait disposées à régler des honoraires en surplus pour en avoir, figurez-vous la possibilité.
Pardon ? Les revenus occultes n’existent pas, ben voyons.
La solidarité familiale, non plus.
Bref, il faudrait plus de liberté.
Vilain mot qui donne des boutons à la Chancellerie.

Mais, non, on reste dans un système administré qui ne fonctionne pas bien, comme pour tout le reste d’ailleurs, et qui reste sur les mêmes recettes d’autrefois.
Cela conduit à une justice au rabais, mais peu importe, les apparences sociales sont sauves.
Vous parlerais-je de ce conseiller à la Cour d’appel ayant dit à ma douce associée ayant lourdement travaillé un dossier à l’aide juridictionnelle : « mais pourquoi, enfin, c’est une AJ » ?

Tout cela n’est-il pas une lourde et lâche hypocrisie que de vouloir maintenir un système dont on connaît le vice ?
Une forme de lâcheté.

Jean de VALON Avocat au barreau de Marseille
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