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Loi applicable au cautionnement. Par Olivier Vibert, Avocat.
Parution : mercredi 30 septembre 2015
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La Cour de cassation détermine la loi applicable à un cautionnement donné sur un prêt conclu en Italie par une personne située en France et sur la nécessité d’appliquer les règles françaises relatives aux mentions manuscrites (Cour de cassation 1ère Chambre civile, 1- septembre 2015, n°14-10373).

Une banque dont le siège est en Italie consent un prêt à une personne résidant aussi en Italie le 19 avril 2006. Pour garantir ce prêt, un cautionnement est donné par une personne qui réside en France. Ce cautionnement est donné séparément de l’acte de prêt. Il est signé en Italie le 21 avril 2006.

L’emprunteur ne remboursant pas l’emprunt, la banque prononce la déchéance du terme. La banque assigne ensuite la caution en paiement devant les juridictions françaises.

La première question posée par la Cour de cassation est celle de la loi applicable. Le cautionnement est-il soumis à la loi italienne ou à la loi française ?

La Cour d’appel juge la loi française applicable. La Cour de cassation estime au contraire la loi italienne applicable.

La Cour de cassation, applique la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles remplacée désormais par le règlement n°593/2008 du 17 juin 2008 dit ROME I. Précisons que le nouveau règlement s’applique aux contrats conclus à partir du 17 décembre 2009.

La Cour de cassation rappelle ensuite quel est le raisonnement à suivre pour déterminer la loi applicable selon l’article 4 de la Convention de Rome.

Ce raisonnement se décompose en trois étapes :
Etape 1 : le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ;
Etape 2 : est présumé présenter de tels liens celui où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ;
Etape 3 : cette présomption de la deuxième étape est écartée lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays.

La Cour d’appel a retenu que le cautionnement est un contrat autonome et que c’est bien avec la France que le contrat litigieux présentait les liens les plus étroits. Pour la Cour d’appel, la prestation caractéristique du cautionnement était fournie en France :
-  la caution, résidait en France au moment de la signature du cautionnement ;
-  le cautionnement était susceptible d’être exécuté en France en cas de défaillance du débiteur principal.

La Cour d’appel est donc restée à l’étape 2. Elle juge la loi applicable est celle où la caution qui fournit la prestation caractéristique à sa résidence.

La Cour de cassation adopte une autre solution en appliquant la 3ème partie du raisonnement.

Elle retient en effet que :
-  le cautionnement était rédigé en italien,
-  il avait été conclu en Italie,
-  le prêteur avait son siège en Italie,
-  l’emprunteur avait sa résidence habituelle en Italie.
-  le contrat de prêt garanti était régi par la loi italienne

Pour la Cour de cassation le contrat de cautionnement présentait donc des liens plus étroits avec l’Italie qu’avec la France. La Cour de cassation a donc estimé que ces conditions permettaient de renverser la présomption appliquée par la Cour d’appel.

La deuxième question posée à la Cour de cassation est relative aux lois de police, règles nationales qui s’appliquent même si un droit étranger est applicable. Ces lois ont un rôle de protection tel qu’elles s’appliquent quelle que soit la loi applicable. Les dispositions françaises sur les mentions manuscrites dans les cautionnements [1] sont-elles des lois de police ?
La Cour de cassation ne qualifie pas ces dispositions de lois de police.
Les mentions manuscrites visent à protéger la caution mais elles n’ont pas vocation à la sauvegarde de l’organisation politique, sociale et économique du pays. Ce ne sont donc pas des lois de police.
Les règles françaises sur les mentions manuscrites n’ont donc pas vocation à s’appliquer si une loi étrangère est applicable.

Précisons que cette solution pourra être transposé au nouveau texte à savoir le règlement ROME I car les nouveaux critères pour déterminer la loi applicable sont semblables à ceux appliqués par la Cour de cassation.

Article 4 du règlement n°593/2008 du 17 juin 2008
2. (…) Le contrat est régi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle.
3. Lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que le contrat présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé au paragraphe 1 ou 2, la loi de cet autre pays s’applique.
4. Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits

Si le règlement ROME I avait été applicable au présent litige, le raisonnement aurait été le suivant :

-  La prestation caractéristique du cautionnement est fournie par la caution. La loi applicable serait donc celle de la caution, la loi française.
-  Le cautionnement présente des liens manifestement plus étroits avec l’Italie qu’avec la France. La loi italienne s’applique donc.

Précisons enfin que la solution de la Cour de cassation sur les lois de police peut aussi être transposée aux contrats postérieurs au 17 décembre 2009 qui sont soumis donc au règlement n°593/2008 du 17 juin 2008.

Olivier Vibert Avocat, Paris www.frenchlaw.blog

[1articles L341-2 et L341-3 du code de la consommation et 1326 du code civil