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Raccordement au « tout à l’égout » : droits et obligations. Par Ladislas Skura, Avocat.
Parution : jeudi 8 octobre 2015
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Fréquentes sont les questions sur le fonctionnement de l’assainissement collectif des eaux usées (ou couramment appelé « tout-à-l’égout »). Lorsqu’un immeuble (ou habitation) tombe sous l’obligation légale du raccordement des eaux usées vers le réseau public, son propriétaire se trouve souvent désemparé face à une réglementation bien figée mais parfois compliquée à comprendre.
Les interrogations traduisent un même son de cloche : est-on vraiment obligé de se raccorder alors que la fosse septique fonctionne très bien ? Peut-on être dispensé de ce raccordement ? Que se passe-t-il en cas de non-respect de cette obligation ? Qui doit financer ce raccordement, le particulier ou la commune ?

Cet article n’a pas la prétention d’étayer le régime général du droit applicable à l’assainissement collectif des eaux usées, mais d’offrir un manuel opérationnel et complet pouvant apporter les premiers éléments de réponse aux questions récurrentes en la matière.

Quelle définition de l’assainissement collectif des eaux usées ?

L’assainissement collectif ne fait pas l’objet d’une définition juridiquement posée. La directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux résiduaires urbaines du 21 mai 1991 offre toutefois un cadre sémantique nécessaire :

« La présente directive concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels ». Il faut entendre « eaux urbaines résiduaires » comme étant les « eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement » .

Ce semblant de définition n’appelle pas de commentaires particuliers si ce n’est qu’on comprend rapidement que le thème s’avère juridiquement transversal : droit de la santé publique, droit de l’environnement et droit des collectivités territoriales.

Que prévoit le droit ?

Le régime juridique applicable à l’assainissement collectif des eaux usées est issu de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 qui a été complétée par la loi sur les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 . Ces dispositions légales sont réparties dans le Code de la santé publique (art. L.1331-1 à L.1331-16), le Code général des collectivités territoriales (art. L.2224-7 à L.2224-12 et R.2224-6 à R.2224-22), et le Code de l’environnement (art. L. 214-1 et suivants).

Selon les articles L.1331-1 du Code de la santé publique et L.2224-10 du Code général des collectivités territoriales, le raccordement à l’assainissement collectif est obligatoire si trois critères sont réunis cumulativement :
- 1. le réseau public de collecte des eaux usées domestiques est établi sous la voie publique ;
- 2. l’immeuble concerné a accès à cette voie publique soit directement, soit par l’intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage ; et
- 3. l’immeuble est situé sur une parcelle de la zone d’assainissement collectif où sera assurée la collecte des eaux usées domestiques.

Lorsque ces trois conditions sont remplies, l’immeuble doit être obligatoirement raccordé au réseau public d’assainissement collectif.

Ce raccordement est obligatoire dans un délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte. Il est nécessaire de connaitre cette date auprès de la collectivité territoriale compétente (la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent) afin de connaitre le délai butoir pour débuter les travaux de raccordement et éviter d’éventuelles amendes.

Qu’est-ce que le « zonage d’assainissement » ?

Le « zonage d’assainissement » est un périmètre délimité par les communes ou leurs établissements publics de coopération. Ce zonage délimite les zones d’assainissement collectif et non-collectif et permet de visualiser si un immeuble se trouve concerné par le réseau public d’assainissement collectif. La délimitation du périmètre de cette zone est conduite par le Maire ou le Président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent après enquête publique et étude d’impact dont la durée ne peut être inférieure à trente jours et ne peut excéder deux mois (sauf en cas de prolongation de trente jours supplémentaires).

La délimitation du « zonage d’assainissement » fait naître des droits et obligations aux collectivités territoriales compétentes et aux propriétaires. Dans la zone d’assainissement collectif, la collectivité territoriale compétente sera tenue d’assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l’épuration et le rejet ou la réutilisation de l’ensemble des eaux collectées. Les propriétaires devront pour leur part répondre à l’obligation de raccordement posée par l’article L.1331-1 du Code de la santé publique. Cette obligation est immédiate lorsque l’immeuble est édifié postérieurement à la mise en service du réseau. Dans le cas contraire, l’immeuble devra être raccordé dans le délai de deux ans.

Quels sont les cas de dispense au raccordement obligatoire ?

Des cas de dispense sont prévus par un arrêté de 1960 relative au raccordement des immeubles aux égouts . Il existe cinq cas de dispense de raccordement d’un immeuble :
- l’immeuble fait l’objet d’une interdiction définitive d’habiter ;
- l’immeuble est déclaré insalubre et l’acquisition a été déclarée d’utilité publique ;
- l’immeuble est frappé d’un arrêté de péril prescrivant sa démolition ;
- l’immeuble dont la démolition doit être entreprise en exécution des plans d’urbanisme définissant les modalités d’aménagement des secteurs à rénover ;
- l’immeuble est difficilement raccordable, dès lors qu’il est équipé d’une installation d’assainissement autonome recevant l’ensemble des eaux usées domestiques.

Les quatre premiers cas de dispense sont utilisés dans des situations précises et possèdent moins d’intérêt pratique que le cinquième cas de dispense.

L’ouverture du cinquième cas de dispense nécessite une exigence double : (i) un immeuble difficilement raccordable et (ii) la présence d’une installation d’assainissement des eaux usées domestiques autonome (une fosse septique ou bloc sanitaire).

La notion d’« immeuble difficilement raccordable » ne fait pas l’objet d’une définition réglementaire précise et est laissée à l’appréciation et au contrôle du juge. C’est au cas par cas qu’il conviendra d’estimer si l’immeuble est difficilement raccordable ou non : l’immeuble est situé en contrebas vis-à-vis de la voirie, le nivellement entre le niveau de la voirie et le niveau de la sortie des eaux usées domestiques est accidenté, des pierres sous la terre bloquent le raccordement etc. Dans un arrêt du Conseil d’Etat , le propriétaire d’un terrain de camping possédant un dispositif autonome d’assainissement a bénéficié de ce cas de dispense en raison d’un bloc sanitaire se trouvant à 200 mètres de la rue nationale et de surcroit, à plusieurs mètres en contrebas de cette rue. Le raccordement au réseau public d’assainissement présentait des difficultés suffisamment excessives pour y voir appliquer le cas de dispense.

Que se passe-t-il en cas de non-respect de l’obligation de raccordement ?

L’obligation de raccordement doit être opérée par le particulier dans un délai de deux ans à compter de la mise en service de la collecte des eaux usées. Si toutefois cette obligation n’a pas été diligentée, la commune peut mettre en demeure le propriétaire et procéder d’office aux travaux indispensables aux frais de l’intéressé.

Des pénalités sont également prévues puisque le propriétaire sera astreint au paiement d’une somme au moins égale à la redevance qu’il aurait payée au service public d’assainissement si son immeuble avait été raccordé au réseau. Cette somme peut être majorée dans une proportion fixée par le conseil municipal de la commune intéressée et dans une limite de 100%.

Par qui est financé le raccordement ?

Le coût du raccordement se partage entre le propriétaire et la commune. Le propriétaire a la charge de tous les travaux nécessaires pour conduire les eaux usées au réseau public et pour la mise hors service de son ancienne fosse septique.

La commune a habituellement la charge des travaux engagés sur la partie publique. Toutefois, la commune peut se faire rembourser par les propriétaires tout ou partie des dépenses entrainées par les travaux de raccordement, diminuées des subventions éventuellement obtenues et majorées de 10% pour frais généraux. Les modalités de remboursement sont fixées par délibération du conseil municipal de la commune concernée.

Pour les immeubles construits après la mise en service du réseau public d’assainissement, les propriétaires peuvent être astreints par la commune concernée à verser une participation pour le financement de l’assainissement collectif en raison de l’économie réalisée par eux en évitant une installation d’évacuation ou d’épuration individuelle ou la mise aux normes d’une telle installation.

Enfin, les particuliers devront payer une redevance en tant qu’usager du service public d’assainissement.

Ladislas SKURA Avocat.
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