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Plans sociaux et différences catégorielles : attention aux inégalités de traitement ! Par Fabienne Havet, Avocat.
Parution : vendredi 9 octobre 2015
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Dans une décision du 9 juillet 2015 publiée au Bulletin, la Cour de cassation donne de nouveaux éléments d’appréciation sur les possibilités de mise en place de régimes différenciés d’accompagnement dans les PSE selon des catégories professionnelles déterminées notamment par l’âge des salariés concernés.

Il est établi que toute mesure discriminatoire, notamment en fonction de l’âge, est interdite au titre de l’article L1132-1 du Code du travail, ce principe d’ordre public transposant les dispositions de la directive de l’UE n° 2000/78.

Ce principe souffre certaines exceptions particulièrement encadrées.

Ainsi, conformément aux termes de l’article 1133-2 du même Code, une différence de traitement liée à l’âge, notamment dans un PSE, est possible à condition que celle-ci soit objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime, et que les moyens pour réaliser ce but sont nécessaires et appropriés.

La Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que, si un PSE peut contenir des mesures réservées à certains salariés, c’est à la condition que tous les salariés de l’entreprise placés dans une situation identique au regard de l’avantage en cause puissent bénéficier de cet avantage, à moins qu’une différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d’attribution de cet avantage soient préalablement définies et contrôlables.

Spécifiquement sur des mesures catégorielles liées à l’âge, voir Cass Soc 17.11.2010 n° 09-42-071 et Cass Soc 18.03.2014 n° 12-28.275.
Pour une application en droit communautaire, Arrêt CJUE 12.10.2010, Andersen Aff.C-499/08.

En l’espèce, la société avait distingué une première catégorie (MSA 1) composée des salariés âgés d’au moins de 55 ans et à moins de 5 ans de la retraite taux plein Sécurité Sociale, outre une condition d’ancienneté. Ces salariés dont le poste était supprimé, étaient éligibles à un régime volontaire de pré-retraite maison, dit de Cessation Anticipée d’Activité.
A défaut d’option pour la CAA, ils étaient licenciés avec les indemnités conventionnelles.

Les salariés licenciés entre 50 et 55 ans et bénéficiant de conditions d’ancienneté, composaient une seconde catégorie (MSA 2) qui n’était pas éligible à la CAA mais se voyait attribuer une indemnité de licenciement additionnelle en plus de l’ICL, outre d’autres mesures d’accompagnement dont été privée la première catégorie (période transitoire de maintien sur le pay roll avant licenciement et engagement de 2 offres valables d’emploi).

Enfin, la catégorie MSA 3 des autres salariés licenciés recevait des indemnités de licenciement majorées et les mêmes mesures d’accompagnement que les MSA 2.

L’employeur, condamné en appel pour inégalité de traitement à la suite d’un recours introduit par une salariée licenciée en régime MSA 1 après refus de la CAA, introduit un pourvoi.

Les deux questions posées aux juges suprêmes étaient donc de savoir si les salariés éligibles au régime MSA 1 se trouvaient dans une situation identique à celle des salariés éligibles aux dispositifs MSA 2 et MSA 3, et si oui, si cette différence de traitement essentiellement liée à l’âge était justifiée.

La Cour de Cassation répond par l’affirmative à la première question. En effet, l’éligibilité de la salariée à un régime optionnel et volontaire qu’elle était en droit de refuser avait pour conséquence de la mettre dans une situation identique à celle des autres salariés licenciés en MSA2 et MSA 3.
Quant à la différence de traitement résultant du fait qu’elle n’a pas bénéficié des mêmes avantages que ces derniers au moment de son licenciement, elle ne répond pas aux exigences de la loi, car « elle ne pouvait être justifiée par le seul fait d’inciter les salariés âgés d’au moins 55 ans à accepter une cessation anticipée d’activité. »

La Cour confirme donc la condamnation de la société au versement de lourds dommages-intérêts à la salariée.

Cass. CIv. Ch Sociale 9 juillet 2015 n° 14-16-009/ C. Appel Versailles 8 février 2014.

Me Fabienne HAVET Avocat au Barreau de Paris