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Etes-vous homme ou femme d’honneur ? Par Loïc Tertrais, Avocat.
Parution : samedi 10 octobre 2015
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Suis-je un homme ou une femme d’honneur ? Une question qui demande à dépasser une conception superficielle de l’honneur. Invitation à une petite descente au cœur de l’honneur.

L’honneur n’est pas un mot d’enfant
L’honneur n’est pas un mot d’enfant. L’enfant est fraîcheur et candeur mais pas honneur. Pour ma part, j’ai découvert ce terme à l’adolescence. Jeune éclaireur, j’apprenais consciencieusement les articles de la loi scoute. Le premier article précise que "le scout met son honneur à mériter confiance." A l’époque, j’avais compris la règle comme un précepte de loyauté : on pourra compter sur toi, ta parole et tes actions.

Plus tard, sous les drapeaux, j’entendis beaucoup parler d’honneur. Je compris que ce mot était associé à une certitude, une fierté, une force, une indéfectibilité. C’était un principe qu’on devait pouvoir lire sur les visages. Mais je ne pouvais m’empêcher de percevoir l’écart qui existait chez certains, entre parades altières et frasques de la vie privée.

Mais peut-être alors me trompais-je sur ce qu’était l’honneur ? Ma réflexion s’arrêta là jusque à mon entrée au Barreau. Je découvrais à nouveau que l’auxiliaire de justice devait respecter plusieurs principes parmi lesquels figurait l’honneur [1].

La question de l’honneur revenait encore. Il était temps pour moi d’investir la substance de l’honneur si je ne voulais pas continuer à vivre à la surface du mot. J’effectuais mes premières recherches dans mon dictionnaire.

Perdre l’estime qu’on a de soi
L’honneur est défini dans le Larousse comme "l’ensemble de principes moraux qui incitent à ne jamais accomplir une action qui fasse perdre l’estime qu’on a de soi ou celle qu’autrui nous porte " [2].

L’honneur présente deux facettes :

-  Une facette publique : faire le bien par estime de la collectivité ;
-  Une facette privée : faire le bien par estime de soi.

L’honneur public, le plus visible est probablement le plus facile à acquérir. Il existe même des présomptions d’honorabilité. Une personne décorée de la légion d’honneur est supposée vivre dans l’honneur, un notaire exerce une profession honorable. Mais la considération publique suffit-elle à faire l’homme d’honneur ?

Lapider ces femmes-là
Vous connaissez peut-être cette histoire. Des scribes et des pharisiens amènent à Jésus une femme surprise en situation d’adultère avec l’intention de la lapider. « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Or, dans la Loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? »

Voilà des accusateurs qui réclament justice pour manquement à l’honneur. Ils se placent au niveau de l’honneur public.

Et que fait Jésus ? Il répond en se mettant sur le plan de l’honneur personnel : " Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés" [3].

Ce récit nous livre deux enseignements.

Le premier. Honneur public et privé sont indissociables. Ce sont les scribes et les pharisiens les plus âgés, c’est-à-dire les plus honorables à leur époque, qui partent les premiers, conscients de leur contradiction à réclamer réparation publique du déshonneur d’une femme sans être sûrs de leur propre honneur.

Le deuxième. Honneur privé prévaut sur honneur public. Que dire d’un homme qui serait décoré de la légion d’honneur mais rempli d’orgueil et de mépris ? Un fat comblé d’honneurs mais pas un homme d’honneur.

Tout est perdu, fors l’honneur
S’il est le plus important, que suppose l’honneur privé, l’honneur du cœur ? Deux qualités.

D’abord une juste image de soi. Surtout ne pas se berner. Nous avons tous de l’honorable et du non honorable en nous. Qui peut jurer qu’il n’a jamais dit un mot de trop, laissé un travail dormir, entretenu des pensées incendiaires contre un voisin ? Finalement, l’honneur n’est pas d’être un "lisse et parfait" mais d’être un "faillible perfectible". Honneur et humilité sont donc cousins germains.

Ensuite un mouvement : Il ne s’agit pas de se contenter de baigner dans un cœur juste honorable. Sinon immanquablement le juste honorable glissera vers le peu honorable au lieu de tendre vers le mieux honorable. L’honneur de l’homme et de la femme est donc d’être continuellement en chemin.

Alors, traçons la route ! Car ce n’est pas le degré d’honneur où nous nous trouvons qui importe, mais le chemin que nous pouvons parcourir. Et quand l’échec survient, rappelons-nous la phrase de François 1er prononcée au soir de la défaite de Pavie "Tout et perdu, fors l’honneur".

Me Loïc Tertrais Avocat

[1Article 1 du Règlement Intérieur National de la profession d’avocat : "Il (l’avocat) respecte en outre, dans cet exercice, les principes d’honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie."

[3Evangile de Saint Jean Chapitre 8 versets 3 et suivants.