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Notifications des décisions du juge de l’exécution statuant en matière de saisie immobilière : les pièges à éviter. Par François Déat, Avocat.
Parution : lundi 2 novembre 2015
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En matière de saisie immobilière comme dans tout autre domaine judiciaire, la partie contre laquelle une décision de justice a été rendue doit en être dûment informée, afin qu’elle n’en ignore pas les conséquences mais aussi pour lui permettre de la contester. C’est d’ailleurs à compter de cette information que la plupart des délais de recours commencent à courir.

Le Code de procédure civile prévoit à cet effet deux modalités distinctes de notification des jugements : la lettre recommandée adressée aux parties par le greffe du tribunal et la signification, c’est-à-dire la notification de la décision par huissier de justice à la partie qui a perdu le procès à la demande de celle qui estime l’avoir gagné.

Le régime de la notification des jugements d’orientation est dual et prévoit selon la teneur de la décision un mode alternatif de notification. Le praticien devra donc veiller à déterminer le mode de notification adéquat ; il devra également veiller au contenu de la notification comme nous l’enseignent deux arrêts récemment rendus par la Cour de cassation.

Ce sont des textes spéciaux qui précisent dans quels domaines la notification incombe au greffe et dans quels autres il appartient aux parties de confier la décision à un huissier afin qu’il se transporte au domicile de la partie qui a succombé pour l’en avertir et lui remettre la décision.

Comme bien souvent la chose est plus complexe lorsqu’il s’agit des jugements rendus par le Juge de l’exécution statuant en matière de saisie immobilière. Selon la teneur du jugement et selon ce qui aura été débattu devant le juge, les décisions devront être tantôt notifiées par le secrétariat-greffe de la juridiction et tantôt par huissier.

La Cour de cassation vient de préciser l’importance de cette distinction et la sanction en cas de substitution erronée d’une voie de notification à une autre (Cass. 2e. civ., 3 sept. 2015, n°14-18287) (I).

Dans un second arrêt encore plus récent (Cass. 2e civ., 24 sept. 2015, n°14-23768), elle a sanctionné un acte de notification dans lequel n’était pas mentionné les modalités particulières du recours contre le jugement d’orientation (II).

I. La notification par le greffe ne se substitue pas à la notification par huissier de justice

Le principe figurant à l’article R.311-7 al 1er du Code des procédures civiles d’exécution est celui-ci : les jugements rendus par le juge de l’exécution statuant en matière de saisie immobilière sont susceptibles d’appel, sauf dispositions contraires.

Les choses se compliquent à l’alinéa suivant qui prévoit que ces mêmes jugements doivent être signifiés par exploit d’huissier, sauf dans un certain nombre d’exceptions énumérées ci-après, où il reviendra alors au greffe de transmettre la décision aux parties par lettre recommandée (et à leur avocat par le biais d’une télétransmission sécurisée ou par voie du palais) :
- Lorsque la décision est une ordonnance rendue en dernier ressort.
- Lorsque le jugement autorise un débiteur qui n’a pas constitué avocat à vendre le bien saisi à l’amiable.
- Lorsque le jugement constate la caducité du commandement de payer valant saisie immobilière.
- Lorsque le jugement constate la péremption de la publication du commandement de payer valant saisie immobilière au fichier immobilier.

Il s’agit donc d’une distinction matérielle assez originale fondée sur le contenu du débat alors que l’option entre notification par lettre recommandée avec accusée de réception et signification est le plus souvent dictée par un critère organique (par exemple en matière prud’homale le législateur a opté pour la notification à l’initiative du greffe par lettre recommandé avec accusé de réception). Cette alternative constitue une véritable source de complexification dans une matière singulièrement technique et oblige les praticiens à une étude casuistique.

En pratique, de nombreux secrétariats-greffes du Juge de l’exécution notifient systématiquement toutes les décisions rendues par leur juridiction statuant en matière de saisie immobilière, ignorant la distinction de l’article R. 311-7 du Code des procédures civiles d’exécution. On peut imaginer que cette erreur communément répandue est due à l’existence d’une autre disposition, l’article R.121-15 du même code qui prévoit de manière générale que les décisions du Juge de l’exécution sont portées à la connaissance des parties à la diligence du greffe par pli recommandé, mais les dispositions spéciales du premier article évoqué devraient déroger aux dispositions plus générales du second.

Ainsi, il était tentant pour la partie victorieuse de considérer que cette démarche ayant était effectuée par le greffe, elle n’avait plus alors à s’acquitter des émoluments et débours d’un huissier qui se serait transporté au domicile de la partie perdante pour lui signifier la décision.

C’est cette pratique qui vient d’être censurée par la Cour de cassation dans un arrêt publié au Bulletin (Cass. 2e. civ., 3 sept. 2015, n°14-18287). Il a en effet été jugé sur le fondement de l’article précité et sur celui des articles 6 de la loi du 27 décembre 1923 et 1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 que la notification faite par le greffe n’emportait aucun effet et qu’elle ne pouvait se substituer à la signification qui aurait dû être accomplie.

En l’espèce une SCI reprochait à la Cour d’appel d’Amiens d’avoir jugé recevable l’appel interjeté par une banque après l’expiration du délai de recours. Les juges du fond avaient en effet considéré que la notification faite par le greffe n’était pas celle prévue par les textes et en avaient déduit que le délai d’appel n’avait pas commencé à courir de sorte que l’appel formé par la banque après l’expiration du délai de quinze jours suivant la notification de la décision par pli recommandé devait être jugé recevable.

Cette solution a été logiquement approuvée par la Cour de cassation. Sans que la Haute juridiction ne se soit prononcée sur le détail des moyens de la SCI au pourvoi, on peut considérer que cette dernière a eu tort de soutenir qu’il s’agissait d’une simple irrégularité de forme puisque la difficulté tient à l’auteur même de l’acte de notification et s’apparente donc à une irrégularité de fond. La banque n’avait donc pas à justifier d’un quelconque grief, comme le soutenait au contraire la SCI.

On est alors en droit de se demander si la réciproque est vraie et si la notification d’une décision par voie de signification qui aurait dû être notifiée par le greffe souffre de la même nullité.

Les dispositions de l’article R.121-15 du Code des procédures civiles d’exécution sont peut-être la réponse à cette question puisqu’il y est précisé que même lorsque la décision doit être adressée par le greffe par pli recommandé aux parties, l’une d’elle peut toujours la faire signifier par huissier.

Cependant on pourrait relever, comme il l’a été fait plus haut, que s’agissant d’une disposition générale, elle s’efface devant les dispositions spéciales de l’article R. 311-7 du même Code. On conseillera donc de veiller à ce que lorsqu’il est prévu que la décision doit être notifiée par le greffe, celle-ci ait touché toutes les parties.

L’autre arrêt évoqué exhorte à la vigilance quant au contenu de la notification.

II. L’acte de notification doit mentionner les modalités du recours contre la décision notifiée

Après avoir examiné les différentes modalités de notification des décisions rendues par le Juge de l’exécution rendue en matière de saisie immobilière, le second arrêt rendu invite à étudier le contenu de l’acte de notification.

Le principe est déjà connu : l’acte de notification doit comporter la précision sur la voie de recours possible, le délai dans lequel elle doit être exercée, ses modalités d’exercice et les sanctions en cas d’abus.

En matière de saisie immobilière, la procédure d’appel est instruite selon la procédure à jour fixe dans un objectif de célérité, et ce en application de l’article R. 322-19 du Code des procédures civiles d’exécution.

Cette procédure est relativement plus complexe à initier que la procédure ordinaire et oblige l’appelant à déposer dans les huit jours de sa déclaration d’appel une requête dans laquelle il expose les griefs qu’il forme contre la première décision.

Par un arrêt publié au bulletin (Cass. 2e civ., 24 sept. 2015, n°14-23768) la Cour de cassation, après avoir rappelé dans un attendu de principe la formule consacrée quant aux mentions que doivent contenir les acte de notification, est venue censuré un acte de notification d’un jugement d’orientation qui n’avait pas mentionné que l’appel devait être est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe.

On invitera donc l’auteur de l’acte de notification à y reproduire les dispositions de l’article R. 322-19 du code des procédures civiles d’exécution mais aussi celles des articles 917 à 925 du code de procédure civile pour prévenir toute difficulté.

Ces deux arrêts illustrent une nouvelle fois la technicité de la matière et rappellent que les écueils à éviter sont présents à toutes les étapes de la procédure de saisie-immobilière.

François DEAT Avocat au Barreau de Bordeaux
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