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Le syndicat dans l’entreprise en Angleterre. Par Alain-Christian Monkam, Avocat.
Parution : jeudi 24 décembre 2015
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Au Royaume-Uni, le taux d’adhésion syndicale est de 25% des salariés (contre 8% en France), ce qui représentait 6,4 millions de salariés en 2014. Comme en France, l’influence des syndicats en Angleterre ne cesse de diminuer depuis 35 ans puisque le taux de syndicalisation a chuté de moitié depuis 1979.

Néanmoins, l’importance des syndicats en entreprise en Angleterre n’est pas à négliger car outre la faculté de négocier pour la collectivité des salariés, ils exercent souvent l’essentiel des attributions qui sont dévolues aux représentants du personnel en France (délégués du personnel, comité d’entreprise).

1. Reconnaissance du syndicat dans l’entreprise.

La reconnaissance d’un syndicat représentatif dans une entreprise britannique est simple et le droit syndical français aurait tout à gagner à s’en inspirer. Il y a deux procédures de reconnaissance :

a/ la reconnaissance volontaire ’voluntary recognition’ : il suffit qu’un syndicat fasse une demande de reconnaissance de sa représentativité et que l’employeur accepte. Ce syndicat sera alors investi de facto du pouvoir de négocier des accords collectifs (aux côtés d’autres attributions). Il n’y a aucune procédure ni aucune condition en terme de représentativité dès l’instant où le syndicat est indépendant (un certificat d’indépendance est délivré par le Certification Officer).

Deux remarques :
- la reconnaissance de la représentativité d’un syndicat vise une barganing unit, c’est à dire une entité qui peut être soit l’entreprise entière soit un ou plusieurs établissements voire une simple agence dès lors qu’une effective management existe (un pouvoir de direction) ;
- il n’y a qu’un seul syndicat représentatif par bargaining unit, c’est à dire en fait un syndicat unique dans l’entité considérée ;

b/ la reconnaissance statutaire ’statutory recognition’ (Schedule A1 of TURLCA 1992) : dans ce cas de figure, le syndicat s’est heurté à un employeur qui ne veut pas le reconnaître. Une procédure plus lourde est alors engagée. Le syndicat doit saisir le Central Arbitration Committee d’une demande de reconnaissance de sa représentativité dans l’entité visée (bargaining unit) et en apporter les preuves, à savoir :
- soit la majorité des salariés de l’entité est membre du syndicat intéressé,
- soit ce syndicat a gagné la majorité des voix des votants au cours d’un scrutin secret (plus 40% des voix des salariés éligibles à voter).

Trois remarques :
- si un syndicat est déjà reconnu dans l’entreprise, la demande de reconnaissance d’un nouveau syndicat sera irrecevable.
- la reconnaissance syndicale est faite pour un délai théorique de 3 ans au terme duquel l’employeur peut saisir le CAC d’une demande de dé-reconnaissance.
- les entreprises ayant moins de 21 salariés bénéficient d’une dérogation et ne sont pas soumises à cette procédure de reconnaissance syndicale (en clair, elles n’ont pas de syndicat).

2. Prérogatives du syndicat dans l’entreprise.

Une fois reconnu par l’entreprise, le syndicat anglais disposera de pouvoirs vastes :
- pouvoir de négocier les conventions collectives ’collective bargaining agreement’ portant sur : les conditions de travail, la procédure de recrutement, disciplinaire et de licenciement des salariés, l’adhésion syndicale, les moyens mis à la disposition du syndicat,
- l’information et la consultation en matière de licenciement collectif,
- l’information et la consultation en cas de transfert d’entreprise,
- la désignation des membres du comité d’hygiène et de sécurité health & safety representatives,
- l’information et la consultation sur la formation en entreprise,
- l’information sur les plans de retraite d’entreprise,
- l’appel à la grève (le droit de grève n’est pas un droit individuel en Angleterre).

Les salariés sont protégés contre le licenciement abusif et les pratiques discriminatoires fondées sur l’exercice de prérogatives syndicales.

Enfin, la directive du Parlement Européen No 2002/14/CE du 11 mars 2002 a obligé les entreprises employant au moins 50 salariés dans un Etat-membre à mettre en place des modalités d’information et de consultation des travailleurs, c’est-à-dire une forme de comité d’entreprise. Toutefois, la loi anglaise (ICER 2004) a prévu un échappatoire aux entreprises où il existait déjà un ’pre-existing agreement’ en vue de la consultation des salariés, en clair un accord collectif déjà négocié entre un employeur et un syndicat.

Dit autrement, dans les entreprises anglaises où un syndicat existe déjà, celui-ci pourra probablement exercer les attributions des représentants du personnel au sens de la directive :
a) information sur l’évolution des activités de l’entreprise ;
b) information et consultation sur l’évolution de l’emploi ;
c) information et consultation sur les décisions susceptibles d’entraîner des modifications importantes dans l’organisation du travail ou dans les contrats de travail.

Alain-Christian Monkam Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris https://monkam.uk/