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L’esprit de médiation. Par Nathalie Arnaud, Médiateur.
Parution : mardi 12 janvier 2016
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Le médiateur doit être au cœur de la cité et s’impliquer dans la vie de cette dernière afin de garder et d’améliorer sa posture « d’observateur » et de « facilitateur » de la qualité relationnelle.
Il se doit, tout comme le philosophe, d’être l’observateur de cette société qui évolue constamment et où les individus sont à la recherche de repères, de valeurs, de certitudes et de sens.
Il doit être un éducateur afin de permettre aux individus de retrouver et conserver leur libre arbitre, il redonne du sens, il permet de restaurer la confiance.

Le médiateur nous libère de nos croyances, de nos a priori, de nos jugements, de nos prêts d’intention et de nos interprétations. Il nous fait prendre conscience de la contrainte que nous pouvons imposer à l’autre et de notre maladresse dans notre communication.

Avoir la maîtrise d’un processus n’est pas suffisant, le médiateur doit cultiver l’esprit de médiation y compris en dehors de son activité professionnelle.

Le médiateur doit être toujours sur ses gardes afin de cultiver l’esprit de médiation. Ce n’est pas facile. Ce n’est pas naturel.

C’est un travail de longue haleine, de tous les instants. C’est un cheminement, c’est un combat contre soi-même, ses pulsions et ses émotions pour faire triompher la raison. C’est un effort constant.

Le médiateur est naturellement tourné vers les autres. Il est curieux, tolérant. Mais tout cela ne suffit pas à lui conférer l’esprit de médiation.

Depuis notre plus jeune âge, notre éducation nous pousse au conflit, à assujettir l’autre, à avoir raison. On nous inculque l’esprit d’adversité.

L’esprit de médiation c’est apprendre l’altérité.

Concrètement, c’est apprendre à considérer le point de vue de l’autre en l’écoutant sans interpréter, ni juger ou spéculer sur ses intentions.

C’est aider l’autre à préciser sa pensée, ses paroles. C’est lui faire prendre conscience de ses comportements, des croyances autour desquelles il a construit ses valeurs, de ses attitudes, de sa gestuelle. C’est leur donner du sens.

C’est reconnaître l’autre comme légitime dans ses points de vue, ses intentions et sa maladresse.

Cela ne nécessité pas l’accord sur le point de vue exprimé par l’autre et cela n’empêche pas d’agir non plus.

Cette attitude permet à l’autre de se sentir reconnu et par là même apaise les tensions, les aprioris.

La communication repose simplement pour chacun sur un constat des faits, son ressenti personnel et les conséquences qui peuvent en découler.

Durant l’année 2015, nous aurons beaucoup entendu parler de médiation.

Le législateur dans son décret en date du 11 mars 2015 (2015-282) applicable à compter du 1er avril 2015, a imposé à toute personne physique ou morale de justifier d’une tentative de résolution amiable des conflits pour pouvoir saisir un juge.

Concrètement, cela signifie que depuis cette date, un justiciable ne peut plus introduire une instance que ce soit par voie d’assignation, de requête ou de déclaration sans justifier dans ledit acte d’une tentative de résolution amiable qui se serait révélée infructueuse, sauf pour s’en dispenser, à démontrer un motif légitime tenant à l’urgence, ou à la matière considérée en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public.

Mais cela va-t-il contribuer au développement de l’esprit de médiation ?

On pourrait en douter, quand on constate l’état d’esprit de certaines corporations, qui craignent de se voir supplanter par les médiateurs qui ne prétendent prendre la place de personne, mais occuper tout simplement la leur en tant que spécialiste de la relation et de la communication.

C’est dire tout le chemin qu’il reste à parcourir et l’éducation au quotidien qu’il convient d’entreprendre.

Depuis le 1er janvier 2016, la médiation est ouverte à tout différend entre un consommateur et un professionnel.

Mais cela va-t-il permettre le développement de l’esprit de médiation ?

L’avenir nous le dira …

Toutefois nous pouvons nous interroger sur le statut de médiateur à la consommation précisé aux articles L 153-1 et suivants du Code de la consommation.

On attend de lui l’indépendance, l’impartialité, qu’il fasse diligence et qu’il soit compétent, mais il n’est fait nullement référence à la neutralité et la confidentialité. De plus sa rémunération est prise en charge uniquement par le professionnel.

Il ne faudrait pas que l’esprit de la médiation soit dévoyé.

Ce sera le rôle des médiateurs d’y veiller.

Nathalie ARNAUD, Médiateur