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Du nouveau pour les drones. Par Thierry Wickers, Avocat.
Parution : jeudi 21 janvier 2016
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On a beaucoup parlé des drones en 2015. Les survols illicites se sont multipliés, au-dessus de Paris, ou de sites sensibles, dans un contexte rendu critique par la menace terroriste. Un rapport sur « l’essor des drones aériens civils en France », du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale préconisait notamment une adaptation de la règlementation qui datait de 2012. Deux nouveaux arrêtés, tous deux en date du 17 décembre 2015 (publiés au JO du 24/12/2015) viennent de prendre la place des arrêtés du 11 avril 2012 qu’ils abrogent. Même s’ils ne sont pas les seuls concernés, ils apportent aux utilisateurs de drones de loisir d’heureuses clarifications.

La distinction entre arrêté conception et arrêté utilisation a été conservée. Comme précédemment, la réglementation se compose d’un arrêté « relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent » et d’un arrêté relatif à l’« utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord ». Les nouveaux textes, sont applicables au 1er janvier 2016.

L’arrêté conception modifie certaines des définitions de base. Il précise qu’un aéronef télépiloté s’entend d’un aéronef qui circule sans personne à bord sous le contrôle d’un télépilote. Il élargit la définition du télépilote, pour tenir compte des hypothèses de vol en automatique, qui se sont développées depuis 2012. C’est ainsi qu’il est possible de programmer un plan de vol avec l’application Flight Plan destinée au Bebop de Parrot, par exemple). Sont maintenant distingués trois types de pilotage, manuel, automatique et autonome.

L’article 3 comporte une nouvelle classification des activités, beaucoup plus pertinente que la précédente, en trois catégories, l’aéromodélisme, l’expérimentation et les activités particulières (qui regroupent toutes les activités n’entrant pas dans les deux premières catégories).

Pour s’en tenir à l’aéromodélisme, dont l’objectif est soit le loisir, soit la compétition, il recouvre les hypothèses d’utilisation d’un aéronef, alors qualifié d’aéromodèle :
- télépiloté, peu important ses caractéristiques dès lors qu’il circule en vue de son télépilote
- télépiloté de moins de 2 kg, évoluant hors vue de son télépilote (à une distance horizontale maximale de 200 mètres de ce télépilote et à une hauteur maximale de 50 mètres, en présence d’une seconde personne en vue de cet aéronef et chargée de veiller à la sécurité du vol en informant le télépilote de dangers éventuels)
- non télépiloté de moins de 1 kg qui, une fois lancé, vole de manière autonome en suivant les mouvements de l’atmosphère et dont le vol ne dure pas plus de 8 minutes.

Conséquence importante, l’aéromodélisme n’est plus incompatible comme auparavant ( !) avec la prise de vues. Elle est possible, pour peu que l’objectif du vol reste le loisir ou la compétition et que les vues réalisées ne soient pas exploitées à titre commercial. Utilement, les dispositions de l’arrêté rappellent donc que les télépilotes, même lorsqu’ils se conforment à la réglementation spécifique aux drones, restent soumis à d’autres normes, comme celles liées au respect de la vie privée.

Ces élargissements du champ de l’aéromodélisme permettent de recouvrir assez largement la plupart des usages (licites) des propriétaires des drones de loisir. Néanmoins, les limites techniques posées par l’arrêté paraissent parfois étroites, s’agissant notamment des capacités de vol en autonomie ou hors vue. Seul le vol en vue est compatible avec une pure activité de loisir.

L’annexe 1 classe les aéromodèles en deux catégories seulement (A et B) en fonction de leurs caractéristiques techniques. Les caractéristiques de la catégorie A sont telles qu’elle peut intégrer sans difficulté tous les drones de loisir. Les utilisateurs d’aéromodèles de la catégorie A ne sont soumis à aucune obligation administrative (document de navigabilité). La capacité de leurs télépilotes ne fait l’objet d’aucune vérification a priori (pas de permis). Ils doivent seulement respecter les principes posés par les points 1,3 à 1,6 de l’annexe 1. La fonction « follow me » était explicitement interdite par l’article 6 de la version précédente de l’arrêté « conception ». L’annexe 1 (1.5) prévoit toujours qu’un télépilote ne peut faire évoluer un aéromodèle de catégorie A, s’il est lui-même à bord d’un véhicule en déplacement.

La classification des activités adoptée par l’arrêté conception se retrouve dans l’arrêté utilisation. L’arrêté utilisation interdit en principe les évolutions de nuit et rappelle que les télépilotes doivent respecter les règles de priorité et de circulation aérienne, pour éviter de causer des dommages aux autres aéronefs. Il opère une distinction claire entre les évolutions « en vue » et « hors vue ». L’aéromodèle n’évolue en vue que si son pilote peut avoir avec lui un contact visuel direct, sans recourir à aucun dispositif optique quelconque (sauf évidemment des lentilles ou des lunettes correctives de vue…). Quand il évolue hors vue, l’aéromodèle doit dans tous les cas voler hors des nuages.

Le texte rappelle les restrictions ou interdictions de survol, qui doivent être respectées par tous les aéromodèles. Un drone de loisir, pas plus que n’importe quel engin aérien concerné par la réglementation, n’a naturellement le droit de pénétrer dans une zone interdite, réglementée ou dangereuse. Il peut, quand il survole certaines zones avoir à respecter des interdictions de survol à basse altitude.

Les règles générales n’ont pas évolué fondamentalement. Le vol en agglomération est interdit, sauf là où l’autorité administrative a autorisé l’activité d’aéromodélisme. Les drones restent aussi cantonnés sous l’altitude maximum de 150 mètres au-dessus de la surface (ou de 50 mètres au-dessus d’un obstacle artificiel de plus de 100 mètres de hauteur).

Selon les chiffres repris par le rapport du SGDSN, le nombre de drones de loisir en France peut être estimé entre 150.000 et 200.000, ce qui fait de notre pays un de ceux où leur usage se répand le plus vite. Avec les deux arrêtés du 17 décembre 2015, sur le plan juridique aussi, la France fait la course en tête.

Thierry Wickers, Avocat associé Ancien Président du CNB et de la Conférence des bâtonniers, ancien bâtonnier de Bordeaux http://www.exeme-avocats.com/