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Clause d’échelle mobile en matière de bail commercial : laissez jouer ! Par Frédéric Guillaumond, Juriste.
Parution : lundi 25 janvier 2016
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Le 14 janvier 2016, la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt concernant la validité d’une clause d’échelle mobile insérée dans un bail commercial, excluant toute variation à la baisse du loyer, qui va assurément constituer un arrêt de principe.

Cet arrêt met en effet fin à l’incertitude qui entourait les clauses d’échelle mobile jouant uniquement à la hausse, plusieurs cours d’appel ayant censuré ces clauses.

La pratique permet de constater, spécialement dans les baux commerciaux dit « investisseur » la propension à insérer une clause d’échelle mobile jouant exclusivement au profit du bailleur, dans le sens où elle exclut toute révision à la baisse du loyer, constituant ainsi une disposition à l’avantage exclusif du bailleur.

En l’espèce, un bailleur avait consenti un bail commercial comprenant une clause d’échelle mobile devant jouer annuellement et aux termes de laquelle elle « ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant inférieur au loyer de base précédant la révision. »
La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 2 juillet 2014, s’appuyant sur l’article L 112-1 alinéa 2 du Code monétaire et financier aux termes duquel « Est réputée non écrite toute clause d’un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d’une période de variation de l’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision », avait considéré que la clause litigieuse organisait une distorsion contractuelle entre la période de variation de l’indice et la durée s’écoulant entre deux révisions et en avait déduit la nullité de la clause dans son intégralité.

Plusieurs cours d’appel avaient déjà adopté des raisonnements similaires (par référence à l’article L 145-39 du Code de commerce CA Colmar 22 avril 1981, CA Douai 21 janvier 2010 évoquant « l’exigence de variation positive ou négative », sur le fondement de l’article L 112-1 du Code monétaire et financier, CA Paris 12 juin 2013, TGI Paris 13 février 2014 Castorama / Eurobail).

La Cour de cassation valide dans cet arrêt le raisonnement de la cour d’appel, conforme à la fois :
-  à l’esprit d’une clause d’échelle mobile, tel qu’il ressort de l’article L 145-39 du Code de commerce, dans la mesure où par définition, le loyer doit, du fait de cette clause, pouvoir soit baisser, soit augmenter, en fonction de la variation de l’indice de référence,
-  à l’article L 112-1 du Code monétaire et financier, qui prohibe la distorsion entre période d’indexation et variation de l’indice.

Est également validée l’appréciation de la cour d’appel de Paris, écartant la vaine tentative du bailleur de « sauver » la clause d’échelle mobile, qui sollicitait de déclarer nul le seul paragraphe litigieux. La juridiction de second degré a ainsi souverainement pu apprécier que l’exclusion de la baisse du loyer constituait un caractère essentiel de la clause d’échelle mobile, et que par suite c’est la clause dans son intégralité qui devait être réputée non écrite.
De ce fait, le bailleur a légitimement été condamné à rembourser au preneur les sommes trop perçues, résultant de la révision exclusive à la hausse précédemment pratiquée.

Ainsi, compte tenu de cette décision, une telle clause stipulée lors de la conclusion d’un bail pour favoriser le bailleur se retourne aujourd’hui contre ses intérêts.
En outre, au regard de l’attendu de la Cour de cassation, reprenant la position de la Cour d’appel, selon lequel « le propre d’une clause d’échelle mobile était de faire varier à la hausse et à la baisse », combiné avec les dispositions de l’article L 112-1 du Code monétaire et financier, il semble désormais impossible de prévoir des aménagements de la clause d’échelle mobile, tels qu’un taux minimum d’augmentation de loyer ou un loyer « plancher ».
Dans l’esprit, cette décision s’inscrit dans celui de la loi Pinel (une protection accrue du preneur) ayant notamment mis fin à la liberté de répartir les charges entre bailleur et preneur (R 145-35 du Code de commerce).
Mais elle suscite également le même type d’interrogation, à savoir l’attractivité du marchés des locaux commerciaux pour des investisseurs institutionnels, pour lesquels le loyer « triple net » est désormais devenu un souvenir…

Frédéric Guillaumond Avocat inscrit au Barreau de Lyon www.avocat-guillaumond.fr
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