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Innovation des avocats : retour d’expérience des candidats au Prix 2016.
Parution : jeudi 24 mars 2016
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Le 17 mars dernier avait lieu la soirée du Prix innovation des avocats relation-clients organisée par le Village de la Justice à l’Espace Grenelle (Paris). Avant l’annonce des lauréats, une table ronde a été organisée avec les six candidats. L’occasion de revenir sur leurs innovations et surtout de partager leur expérience : organisation, investissement, retours des clients de la profession… Le bilan est instructif et globalement positif, mais révèle aussi les obstacles rencontrés !

Table-ronde réunissant 6 avocats finalistes pour le Prix 2016 de l’innovation en Relation-clients... Quels ont été les moteurs de leur innovation ? A quels enjeux ont-ils voulu répondre ? Quels sont les retours d’expérience ?

Innover : oui, mais pourquoi ?

On le dit assez souvent, la profession d’avocat a besoin d’innover. Mais qu’est-ce qui pousse un avocat à se lancer dans le monde inconnu de l’innovation ?
D’après l’expérience des candidats au Prix, deux grandes motivations ressortent. D’abord, le client, qui doit être au centre de l’attention de l’avocat. Un client distant, voire craintif, qui a des difficultés à prendre contact avec un avocat. « Nous nous sommes rendus compte que de nombreux clients avaient peur de l’avocat, explique Yohan Dehan, du cabinet Dehan, lauréat 2016 pour son application mobile Flash Avocat. L’idée est donc d’instaurer un rapport simple et décomplexé avec le client ». Des innovations permettent ainsi de rendre l’avocat accessible, mais aussi de s’adapter aux demandes des clients, d’autant plus lorsqu’un cabinet vise une clientèle précise, avec des besoins particuliers.

Sébastien Salles

Mais l’innovation permet également à l’avocat de s’imposer sur des nouveaux marchés, ou des marchés existants dont il était absent. Un objectif poursuivi par Sébastien Salles, du cabinet Thelys, auteur d’un site dédié à la défense du consommateur : «  La motivation, c’est d’abord la passion du métier de l’avocat. Et le constat est que sur certains contentieux, nous n’étions pas présents. L’idée est donc de valoriser le rôle de l’avocat ». C’est ce même constat qui a poussé le cabinet LBSB Associés a créé son site Internet sur le contentieux TEG. « C’était plutôt des experts du type mathématiciens qui proposaient des offres incluant le service de l’avocat, explique Laurent Bayon. Nous avons pensé qu’il faudrait que ce soit l’inverse ». Une manière de reprendre le contrôle, de réaffirmer le rôle et la position de l’avocat sur de multiples problématiques. « C’était une envie aussi en tant qu’avocat d’être présente sur Internet et de montrer que les avocats pouvaient innover » affirme Eve d’Onorio Di Méo, du cabinet d’Onorio Di Méo, gagnante cette année du Prix du public.

« L’innovation est valorisable. »

Yohan Dehan

Tous ces projets demandent également un investissement avec lequel il faut composer. Un investissement quotidien, et sans fin, pour continuer à faire évoluer son innovation. « Une fois qu’une démarche d’innovation est bien pensée, elle doit continuer, a fortiori quand elle repose sur un site internet, confirme Ruy Cabrita, du cabinet SoLegal. Ensuite viennent les interrogations : doit-on faire appel à un financement extérieur pour monter cette innovation ? doit-on internaliser les compétences qui ne sont pas celles de l’avocat ? Peut-être que demain, nous aurons moins d’avocats, mais des consultants informatiques ou d’autres compétences pour développer une véritable présence numérique ».
« C’est du temps, c’est de l’investissement au quotidien, mais c’est valorisable, souligne Sébastien Salles. La valeur est certes financière, mais elle ne vient que par rapport à la plus-value que l’on apporte ». Un autre pari qui est fait sur le retour d’investissement, en terme de temps comme en terme d’argent.

Un retour clients positif.

Ruy Cabrita, cabinet SoLegal

Tous les candidats sont unanimes : le retour des clients est positif. « Dans un premier temps ils sont toujours assez surpris car nous dérogeons de manière évidente à ce qui se passe dans beaucoup de cabinets affairistes, à Paris en tout cas, explique Harry Allouche. Mais ils y prennent goût et finalement ne peuvent plus s’en passer, parce qu’ils prennent l’habitude d’avoir des gens réactifs, qui se creusent la tête à leur place, qui viennent les chercher et qui les challengent ». « Les clients ont justement soif de toutes ces innovations, qui vont faciliter les recours et les échanges qu’il y a entre nous » confirme Yohan Dehan.
Rapidité, et clarté des informations sont des points qui finissent de convaincre. « Les clients sont très satisfaits car ils peuvent suivre cette actualité sur le site, et ils ont vraiment une visibilité du process dès qu’ils accèdent au site, de la prise en charge du dossier et des honoraires » confirme Eve D’Onorio Di Méo.
Ces innovations permettent aussi une mise en confiance, d’après Ruy Cabrita : « Lorsque la rencontre numérique se transforme en rencontre physique, la première chose que nous disent nos clients c’est « mais c’est génial ce que vous avez fait sur le site ». On part déjà avec un bon a priori ».

Mais les conflits dans la profession subsistent.

Laurent Bayon, LBSB Associés

Pourtant, des difficultés subsistent, et viennent … de la profession elle-même. Ainsi, Laurent Bayon explique qu’il a reçu, la semaine précédente, une convocation à la brigade de la répression de la délinquance contre les personnes. « Je suis mis en cause dans le cadre d’une procédure judiciaire diligentée en préliminaire, du chef de consultation juridique contrevenant à l’article 54 de la loi du 31 décembre 1971, faux et usage de faux, concernant un site Internet que je suis en train de réaliser ». A l’origine de la plainte : l’Ordre des avocats de Paris. « Je suppose que l’Ordre a un annuaire, mais je vais devoir amener les documents nécessaires pour justifier auprès de la police judiciaire que je suis avocat et que je peux avoir un site internet. Ça montre quand même dans quel état est cette profession, et dans quel contexte on se trouve ».
La profession tâtonne encore, les avis divergent, et entrainent des situations de conflits récurrents. Sébastien Salles, qui a été membre du Conseil de l’Ordre du barreau de Marseille durant trois ans, confirme qu’ « un équilibre est difficile à trouver entre innovation et respect de ce qui fait le cœur du métier d’avocat. Les Ordres sont là pour aider les avocats, mais c’est un dialogue qui doit se faire dans les deux sens ».

Eve D’Onorio Di Méo

Le danger peut également venir d’autres confrères, comme le souligne Yohan Dehan : « Je suis victime de jalousies de confrères, en raison non pas de ma qualité, mais du nom de mon application qui leur causerait un préjudice. Ils me demandent 150.000 euros de dommages-intérêts. Ceci prouve le malaise des confrères qui n’innovent pas et ne veulent pas innover, et qui n’hésitent pas à harceler notre Ordre pour me poursuivre ». Des tensions et des conflits ouverts, qui pourraient pousser à l’immobilisme ?

Harry Allouche, Alto Avocats

Pour conclure la table ronde, Harry Allouche tente de relativiser : « Je pense qu’il faut être à l’aise avec ces problématiques. Le mouvement que l’on connaît est mondial, et je pense que les confrères devront suivre le pas. Je pense aussi que les Ordres devraient nous aider davantage : il faut que nous soyons tous d’accord pour savoir où on va aller et comment on va y aller, mais avec une certitude, c’est qu’on va y aller et s’ouvrir à toutes ces nouvelles technologies ».

En savoir plus sur les innovations pour les Avocats : http://www.innovation-juridique.eu/Prix-des-Avocats et le fil Twitter @juridique_innov.

Clarisse Andry Rédaction du Village de la Justice