Village de la Justice www.village-justice.com

IGPIA - Le savon de Marseille, un terrain glissant. Par Agnès Doyen, CPI.
Parution : lundi 4 avril 2016
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/IGPIA-savon-Marseille-terrain,21845.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’appellation Savon de Marseille sera-t-elle la première indication géographique protégeant les produits industriels et artisanaux (IGPIA) à être homologuée ? Elle est en tout cas à ce jour la seule demande dont le cahier des charges a été publié dans le cadre de l’enquête publique prévue par la procédure d’homologation auprès de l’INPI.

La demande d’homologation de l’IGPIA Savon de Marseille (IG 15-002) a été déposée le 16 juin 2015 par l’Association des fabricants de savon de Marseille [1], afin de circonscrire l’appellation à une zone géographique limitée aux départements suivants : Alpes-de-Haute-Provence, Bouches-du-Rhône, Var, canton de Nyons et Baronnies (Drôme).

Cette demande a déclenché de nombreuses réactions, parmi lesquelles celle des plus importantes savonneries, situées à Nantes et dans sa région. En effet, si l’IGPIA était homologuée, les savonneries situées en dehors de l’aire de production agréée ne pourraient plus apposer sur leurs produits l’appellation « savon de Marseille », qui dispose d’une image de marque et d’une reconnaissance très importante auprès des consommateurs et présente donc un avantage commercial majeur.

Il peut paraître paradoxal de limiter l’aire d’appellation d’un produit à une zone géographique alors même que la notion de terroir est totalement absente. Le savoir-faire s’est exporté depuis bien longtemps au-delà de la région et les matières premières ne proviennent pas du Sud de la France. L’appellation est donc davantage liée à l’histoire qu’au terroir.

Pour autant, cette IGPIA a de grandes chances d’être homologuée avant fin 2016, dans la mesure où l’histoire même de ce savon à la recette particulière est liée à la qualité de production des manufactures marseillaises depuis plusieurs siècles et que ce produit tire sa réputation du nom de la ville de Marseille.

Or, le texte (article L.721-2 du Code de la propriété intellectuelle) prévoit précisément que : « Constitue une indication géographique la dénomination d’une zone géographique ou d’un lieu déterminé servant à désigner un produit, autre qu’agricole, forestier, alimentaire ou de la mer, qui en est originaire et qui possède une qualité déterminée, une réputation ou d’autres caractéristiques qui peuvent être attribuées essentiellement à cette origine géographique. Les conditions de production ou de transformation de ce produit, telles que la découpe, l’extraction ou la fabrication, respectent un cahier des charges homologué par décision prise en application de l’article L. 411-4. »

L’INPI, organisme d’homologation, en s’avançant sans doute un peu, n’hésite d’ailleurs pas à illustrer sur son site [2] la définition des IGPIA d’exemples parlants (« les couteaux de Laguiole, le savon de Marseille, la porcelaine de « Limoges »), alors même qu’aucune IGPIA n’a été pour l’heure homologuée.

C’est ainsi, Nantes est connue pour ses biscuits et Marseille pour ses savons. Les mécontents de la décision à venir de l’INPI pourront former un recours devant la cour d’appel compétente territorialement. [3] .

Agnès DOYEN Conseil en propriété industrielle INSCRIPTA http://www.inscripta.fr

[3Article R411-19 du CPI : « La cour d’appel territorialement compétente pour connaître directement des recours formés contre les décisions du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle en matière de délivrance, rejet ou maintien des titres de propriété industrielle est celle du lieu où demeure la personne qui forme le recours. Il en est de même en matière d’homologation, de rejet et de retrait d’homologation du cahier des charges des indications géographiques définies à l’article L. 721-2, ainsi qu’en matière d’homologation et de rejet des modifications de ce cahier des charges.