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Le « revenge porn » n’est pas réprimé par le Code pénal. Par Jordan Sarazin, Avocat.
Parution : jeudi 21 avril 2016
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La Cour de cassation refuse de sanctionner l’auteur d’une revanche pornographique. En effet, en application de l’interprétation stricte de la loi pénale, elle estime que cela ne constitue pas une infraction au sens des dispositions de l’article 226-1 du Code pénal. L’arsenal répressif actuel ne permet donc pas de lutter efficacement contre le cyber-harcèlement !

Le « revenge porn » consiste à diffuser sur Internet des images ou vidéos à caractère pornographique, sans le consentement du ou des intéressés, et à des fins de vengeance.
La chambre criminelle de la Cour de cassation a eu à se positionner sur le fait de savoir si cela constituait une infraction.

En l’espèce, un homme a diffusé sur internet une photo de son ex-compagne alors qu’elle était nue. Il a été condamné en première instance. Le jugement a été confirmé par la cour d’appel de Nîmes.

Mais la Cour de cassation a estimé que si la plaignante n’avait pas manifesté son consentement pour la diffusion de la photo, rien n’indiquait qu’elle n’était pas consentante lors de la prise de l’image.

En effet, par un arrêt du 16 mars 2016, elle a décidé :
« Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que n’est pas pénalement réprimé le fait de diffuser, sans son accord, l’image d’une personne réalisée dans un lieu privé avec son consentement, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus énoncé  » (Cass. Crim., 16 Mars 2016, n° 15-82676).

La vengeance pornographique n’est pas une infraction prévue au Code pénal et n’est pas réprimée.

Par cet arrêt, la Cour de cassation fait une interprétation stricte de l’article 226-1 du Code pénal et casse l’arrêt de la cour d’appel de Nîmes qui avait décidé :
« Le fait, pour la partie civile, d’avoir accepté d’être photographiée ne signifie pas, compte tenu du caractère intime de la photographie, qu’elle avait donné son accord pour que celle-ci soit diffusée ».

Afin de comprendre la décision de cassation il convient de rappeler que l’article 226-1 du Code pénal dispose :
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ».

La Cour de cassation a précisé, au visa de l’article 111-4 du Code pénal et par un attendu de principe :
« Attendu qu’aux termes du premier de ces textes, la loi pénale est d’interprétation stricte ».

C’est donc en faisant une interprétation stricte de l’article 226-1 du Code pénal que la cour a abouti à cette solution.
En effet, ce texte condamne la captation, l’enregistrement ou la transmission de l’image d’une personne sans son consentement. Il ne condamne pas la diffusion sans consentement.
En définitive, dès lors que l’image est réalisée dans un lieu privé avec le consentement de la personne, sa diffusion n’est pas pénalement réprimée.

La technologie d’Internet et les nouveaux moyens de communication ou de diffusion rendent, dans une certaine mesure, inefficace le Code pénal.

A l’avenir, la décision de la Cour de cassation sera différente.
En effet, l’amendement 841 au projet de loi pour une République numérique, voté par les députés, modifie l’article 226-1 du Code pénal afin de réprimer les actes de revanche pornographique.

Cet amendement prévoit :
« 1° Au dernier alinéa les mots : « présent article », sont remplacés par les références : « 1° et 2° » ;
2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
Est puni des mêmes peines le fait de transmettre ou diffuser, sans le consentement de celle-ci, l’image ou la voix d’une personne, quand l’enregistrement, l’image ou la vidéo sont sexuellement explicites.
 »

Cela sonnerait le glas de la revanche pornographique.

En outre, il convient de préciser que le droit civil offre aux victimes des moyens de défense variés et efficaces !
Elles peuvent notamment solliciter la suppression du contenu diffusé. Il convient d’agir vite afin de limiter les conséquences qui peuvent être désastreuses.

Jordan Sarazin Avocat www.sarazin-avocat.net
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