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Syndicats des copropriétaires et droit de la consommation. Par Pierre de Plater.
Parution : vendredi 6 mai 2016
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Harmonisé par le législateur européen, le droit de la consommation n’est pas uniquement protecteur des consommateurs. En effet, il couvre non seulement les rapports entre professionnels et consommateurs, mais également entre professionnels et non professionnels. Les juges, qui s’attachent à préciser ces définitions de « consommateur » et « non professionnel », mettent en exergue la particularité de l’empreinte française sur ce droit pourtant harmonisé. A ce titre, l’application de ce droit protecteur au profit des syndicats de copropriétaires est tout à fait révélatrice d’un régime d’application variable.

La loi Hamon du 17 mars 2014 qui transpose la directive 2011/83 UE dispose en son article 3 que le consommateur ne peut être qu’une personne physique agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. Conforme au droit de l’Union, cet article permet de clore sur le débat sur la qualité même de consommateur. Dans ce cadre, il convient de s’interroger sur la nature juridique du syndicat des copropriétaires, dont le régime est régi par la loi du 10 juillet 1965.

Ainsi, comment qualifier le syndicat des copropriétaires, constitué de copropriétaires (personnes physiques ou/et personnes morales), qui ne peut agir juridiquement que par l’intermédiaire de son syndic, le plus souvent professionnel ? La Cour de cassation répond de la manière suivante : le syndicat des copropriétaires est une personne morale revêtant la qualité de non professionnel [1]. L’application du droit de la consommation au syndicat des copropriétaires est donc partielle. Nous nous concentrerons sur les trois thèmes suivants :

A de nombreuses reprises, dans le cadre d’actions en paiement, les syndicats des copropriétaires rejetaient les demandes de leurs prestataires, estimant leurs créances prescrites au regard de l’article L.136-1 du Code de la consommation. Selon cet article, « l’action, des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans ». L’enjeu est important car la prescription biennale porte sur tous les biens meubles et immeubles vendus par des professionnels à des consommateurs, ainsi que l’a récemment rappelé la Cour de cassation [2]. Si une telle position avait pu être retenue avant l’entrée en vigueur de la loi Hamon, cela tenait au fait que les juges avaient globalement considéré le syndicat des copropriétaires comme un ensemble de consommateurs [3]. Ainsi qu’évoqué plus haut, la loi Hamon réduit le champ du consommateur, qui est nécessairement une personne physique. Ainsi, le délai de prescription des dettes du syndicat des copropriétaires n’est pas biennal mais quinquennal, conformément à l’article L.110-4 du Code de commerce. Ainsi, la personne morale du syndicat fait en quelque sorte « écran » entre le professionnel prestataire et l’ensemble des copropriétaires consommateurs [4].

L’article L.136-1 du Code de la consommation impose au professionnel d’informer son client au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant l’échéance de la période autorisant la tacite reconduction des contrats concernés. Le dernier alinéa dudit article précise bien son application aux consommateurs et aux non professionnels. Dans deux espèces largement commentées, la Cour de cassation a été amenée à se positionner sur l’implication du syndic professionnel au regard du statut de non professionnel du syndicat des copropriétaires [5].
En d’autres termes, est ce que le statut de non professionnel du syndicat peut être remis en question en raison du fait que seul son syndic, le plus souvent professionnel, accomplit les actes juridiques qui le concernent ? Cette question est importante au sens où la conclusion de contrats de prestations incombe au syndic et non aux syndicats des copropriétaires. La Cour répond par la négative arguant du fait que le syndic n’est pas prescripteur, mais mandataire du syndicat. Ainsi, les professionnels qui concluent avec des syndics des contrats de prestations de services au profit de syndicats de copropriétaires, sont soumis aux dispositions de l’article L.136-1 du Code de consommation.

L’article L.421-6 du code de la consommation confère à certaines associations le droit d’agir devant les juridictions, en suppression des clauses abusives. Les associations concernées initiaient des actions judiciaires à l’encontre de syndics qui proposaient des contrats de syndic aux syndicats de copropriétaires. Cependant, la Cour de cassation rejette de telles actions, les syndicats de copropriétaires n’étant pas consommateurs au terme du Code de la consommation [6]. Récemment, la Haute Juridiction a réaffirmé sa jurisprudence, tout en précisant que le fait que des consommateurs composent un syndicat des copropriétaires n’a pas d’incidence sur sa qualité de non professionnel [7].

Pierre de Plater www.pdpavocat.fr

[1La Cour de cassation a admis que les personnes morales pouvaient revêtir le statut de non professionnel au regard du droit de la consommation, dans un arrêt de la 1e chambre civile du 23 juin 2011, Pourvoi : 10-30.645, Publié au bulletin.

[2Cassation civ.1e, 17 février 2016, Pourvoi : 14-29.612, Publié au bulletin.

[3CA Montpellier, 1e chambre, Section B, 9 octobre 2013, RG : 12/03714.

[4Pour un exemple : CA Versailles, 14e chambre, 3 mars 2016, RG : 15/03756. Voir aussi : CA Versailles, 4e chambre, 29 février 2016, RG :14/01138 et CA Aix-en Provence, 1e chambre A, 12 janvier 2016, RG :14/22782.

[5Cassation civ.1e, 25 novembre 2015, Pourvois 14-21.873 et 14-20.760, publiés au bulletin.

[6Cassation, civ.1e, 4 juin 2014, Pourvois joints 13-13.779 et 13-14.203, publié au bulletin.

[7Cassation civ.1e, 17 mars 2016, Pourvoi : 15-14.287 et Cassation civ.1e, 14 janvier 2016, Pourvoi : 14-28335.

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