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Taux d’intérêt erroné et proportionnalité de la sanction. Par Benjamin Blanc, Avocat.
Parution : vendredi 13 mai 2016
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Le contentieux du taux d’intérêt des contrats de prêt immobilier continue d’envahir les tribunaux.
Le moyen tiré de l’année lombarde est régulièrement soulevé par les Conseils des emprunteurs.

Il semblerait que les juridictions du fond soient sensibles à ce moyen tiré de l’annexe à l’article R.313-1 du Code de la consommation, notamment lorsque la référence au diviseur 360 est expressément stipulée.

C’est ainsi que, dans la droite ligne de l’arrêt de la Cour de cassation du 17 juin 2015 (Cass. Civ. 1ère, 17/06/2015, n°14-14326), il a été jugé que la simple mention dans le contrat de prêt immobilier du calcul du taux conventionnel sur une période annuelle de 360 jours, semestrielle de 180 jours, trimestrielle de 90 jours ou mensuelle de 30 jours, constitue une erreur formelle qui doit être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts.

La cour d’appel de Toulouse dans un arrêt du 20 octobre 2015 a jugé que :
« Le contrat mentionne explicitement que les intérêts sont calculés sur le montant du capital restant dû au taux nominal conventionnel indiqué aux conditions particulières, sur la base d’une année civile de 360 jours et d’un mois de 30 jours. [ …] Il en résulte que le taux annuel de l’intérêt doit être déterminé par référence à l’année civile laquelle comporte 365 ou 366 jours et non 360 jours selon l’usage bancaire. » (Toulouse, 3ième chambre Section 1, 20/10/2015, n°1226/15)

Le tribunal de grande instance de Montpellier par un jugement du 15 avril 2016 est venu lui aussi appliquer strictement l’annexe de l’article R.313-1 du Code de la consommation.

« Par la suite, la stipulation concernant le taux conventionnel qui vise une période de 360 jours se trouve frappé de nullité, peu important comme le soutien la banque que le calcul sur 360 jours soit plus favorable à Madame X, dès lors que la loi sanctionne l’irrégularité formelle affectant la stipulation d’intérêt conventionnel sans subordonner la sanction qu’elle édicte à une incidence défavorable pour l’emprunteur. »

Cette dernière décision a un double intérêt.

Elle vient effectivement confirmer que la pratique du diviseur 360 est une erreur formelle qui doit être sanctionnée par la nullité du taux conventionnel (voir également Versailles, 16ième Chambre, 02/04/2015, n°13/08484).

Le tribunal rappelle par ailleurs que la mention exacte du taux est une formalité substantielle et qu’il n’y a donc pas lieu de distinguer selon que le taux indiqué sur la convention est minoré ou majoré par rapport au taux réel.

Nous pouvons en déduire que le juge de première instance a estimé que les dispositions du Code de la consommation relatives à la régularité du taux conventionnel sont des dispositions autonomes sans rapport avec le droit de la responsabilité du Code civil.

La notion de préjudice n’a dès lors pas lieu à rentrer en compte, la notion de taux étant une notion autonome.

Les magistrats interprètent ainsi le Code de la consommation dans un sens qui vient protéger le consommateur, notamment dans l’obligation faite au professionnel de l’informer exactement des différents éléments contractuels.

Afin de minimiser cette sanction de la substitution de l’intérêt conventionnel par l’intérêt légal, les établissements de crédit ont invoqué le droit de propriété prévu par le protocole additionnel N°1 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Par un arrêt remarqué du 12 Janvier 2016, la chambre commerciale de la Cour de cassation a estimé que :
« Cette sanction, qui est fondée sur l’absence de consentement de l’emprunteur au coût global du prêt, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l’établissement de crédit prêteur au respect de ses bien garantis par l’article premier du protocole additionnel. » (Cass. Com., 12/01/2016, N°14-15203)

Plus récemment, dans un contexte de sanction du TEG en raison de son caractère erroné, l’établissement de crédit avait invoqué l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui dispose que :
« La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu de la Loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. »

Cet argument a été écarté par la cour d’appel de Versailles au motif que :
« Cette sanction, fondée sur l’absence de consentement de l’emprunteur au coût global du prêt n’a pas le caractère d’une punition relevant de l’article 8 de la DDHC » (Versailles, 03/03/2016, n°14/04400).

Nous pouvons dès lors conclure qu’un taux erroné a pour conséquence une absence de consentement de l’emprunteur au coût global du prêt et qu’en conséquence la seule sanction applicable est la déchéance du droit aux intérêts en raison du manquement d’informations loyales de la banque à son cocontractant consommateur.

Benjamin BLANC Avocat à la Cour bblanc-avocat.fr
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