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Le divorce amiable sans juge adopté : une « catastrophe ». Par Yves Tolédano, Avocat.
Parution : mercredi 25 mai 2016
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Ironie du calendrier, c’est donc un 19 mai, jour de la saint Yves, le saint patron des avocats, que les députés français auront adopté la disposition qui prévoit le divorce par consentement mutuel, sans passer devant le juge aux affaires familiales.

A mon sens, il s’agit d’une décision purement catastrophique, qui fera date pour des milliers de conjoints démunis désormais du garde fou essentiel qu’était le JAF.

Cette réforme ouvre la voie à tous les abus, toutes les injustices, en matière de droit et protection des conjoints confrontés à un divorce.

Sans le juge, à présent, qui va vérifier l’équilibre de l’accord des conjoints ?

L’avocat ? L’avocat a pour mission de défendre les intérêts de son client, pas ceux de la partie adverse, puisque désormais il y aura obligatoirement un avocat pour chaque conjoint.
L’avocat est payé par son client, il a un devoir de conseil, il n’a pas pour rôle de trancher un accord.

Le notaire ? Le notaire n’est pas un juge. Il n’est pas formé pour déceler les tréfonds de la réelle volonté des époux, ni l’intérêt véritable des enfants. Il ne va pas entendre les conjoints séparément, et n’aura évidemment pas le pouvoir ni la mission d’imposer son point de vue.
Il va se contenter d’enregistrer la convention établie par les avocats.

Comment concrètement les enfants mineurs, qui selon la loi modifiée, pourront demander à être entendu par le JAF, vont manifester leur volonté d’être auditionnés ?

A 5 ans par exemple, un enfant va demander à sa mère ou son père de saisir le JAF pour être entendu ? Ou va-t-il écrire lui-même au greffe ?

A l’évidence, les enfants sont les premières victimes de cet amendement.

Comment va-t-on faire en matière de conjoints étrangers, qui remplacera le juge pour appliquer les conventions internationales, type Bruxelles II bis, vérifier la loi nationale applicable, etc. ?

Je déplore que la réforme de cette loi sur le divorce amiable n’apporte aucune réponse à ces questions essentielles, et laisse la part belle au conjoint le plus influent dans le couple qui va pouvoir, sans le moindre barrage, imposer ses conditions librement, en matière de prestation compensatoire, pension alimentaire, garde d’enfants, etc.

C’est pourquoi je considère cette réforme comme catastrophique, dangereuse pour nombre de conjoints et plus grave, pour les enfants de ces couples dont leur intérêt ne sera plus vérifié et garanti.

Maître Yves Tolédano, Avocat au Barreau de Paris. Docteur en Droit. Fondateur de Radio Divorce
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