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En cas de déménagement ou de fermeture d’un site, la direction doit prendre sa décision après consultation du comité d’entreprise. Par Pierre-Damien venton, Avocat.
Parution : vendredi 3 juin 2016
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Qu’il s’agisse d’un projet de déménagement ou de fermeture d’entreprise, la consultation du comité d’entreprise doit intervenir avant que la direction ait pris sa décision, sous peine de s’exposer à une condamnation pour délit d’entrave.

Aux termes des articles L.2323-1 et suivants du Code du travail, il est prévu que les décisions de l’employeur intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise doivent être précédées de la consultation du comité d’entreprise.
En d’autres termes, le comité d’entreprise doit être consulté avant que la décision de l’employeur ne soit actée.

A défaut, la consultation serait dépourvue d’intérêt, celle-ci visant dans l’esprit du législateur à créer un débat susceptible d’aboutir potentiellement à une modification voire à un abandon du projet.

Deux affaires récemment soumises à la chambre criminelle de la Cour de cassation fournissent une illustration pratique de ces règles.

Dans la première espèce (Cass. crim 15 mars 2016, no14-85.078), une société a résilié le bail de ses locaux le 28 octobre 2011 et a conclu un bail pour de nouveaux locaux le 18 novembre 2011.
Les 6 et 20 décembre 2011, la société a réuni le comité d’établissement du site concerné pour l’informer et le consulter s’agissant de ce projet de déménagement.

Considérant que la décision définitive de procéder au transfert des locaux avait d’ores et déjà été prise par la direction, la cour d’appel de Paris a condamné le président du comité d’établissement pour délit d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise.

On relèvera que celui-ci n’avait pas personnellement résilié le bail des locaux d’origine ni conclu celui des nouveaux locaux.

Cela étant, ce contexte n’était pas susceptible de l’exonérer de son obligation de consulter préalablement le comité d’établissement qu’il présidait en sa qualité de directeur d’établissement, dès lors qu’il avait lui-même été informé du projet de déménagement.

Le fait qu’il n’ait pas disposé d’informations sures et définitives a également été rejeté en retenant qu’à partir du moment où un déménagement était potentiellement envisagé, c’était d’abord sur le principe de cette opération qu’une consultation était nécessaire.

Reprenant ces arguments à son compte, la chambre criminelle de la Cour de cassation confirme la décision de la cour d’appel de Paris.

Dans la seconde espèce (Cass. crim 30 mars 2016, n° 15-80.117), le conseil d’administration d’une association a approuvé le 27 mai 2010, un projet de plan de fermeture d’un site et confié à la direction générale le pouvoir d’effectuer toutes les démarches nécessaires pour mettre en œuvre cette décision.

Or, si la procédure de consultation du comité d’entreprise a été préalablement engagée dès le 18 mai 2010, elle devait toutefois se poursuivre jusqu’au 15 septembre suivant.

L’employeur ayant pris une décision définitive avant la fin de la consultation du comité d’entreprise, la cour d’appel de Paris - approuvée par la Cour de cassation - a condamné ce dernier au paiement de dommages-intérêts à cette instance.

On relèvera que dans cette affaire, la cour d’appel et la Cour de cassation n’ont eu à se prononcer que sur les intérêts civils du litige dès lors que concernant les poursuites pénales, le ministère public n’avait pas fait appel de la décision initiale de relaxe prise par le tribunal correctionnel.

Il n’en demeure pas moins vrai que si le ministère public avait relevé appel, la condamnation civile aurait été assortie de manière probable sinon certaine, d’une condamnation pénale pour délit d’entrave…

A toutes fins utiles, on notera que depuis la loi Macron n°2015-990 du 6 août 2015, les peines encourues en matière de délit d’entrave ont été modifiées.

C’est ainsi par exemple qu’en lieu et place de la peine d’emprisonnement d’un an et des 3.750 euros d’amendes prévues pour les personnes physiques en cas de première infraction au fonctionnement régulier des institutions représentatives du personnel, les contrevenants encourent maintenant une amende de 7.500 euros, la peine de prison ayant quant à elle été supprimée.

Pierre-Damien VENTON Avocat à la Cour VENTON AVOCATS CONSEIL ET CONTENTIEUX EN DROIT SOCIAL E-mail : pierre.venton@venton-avocats.fr Site internet : www.venton-avocats.fr