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Élections partielles dans un collège : elles doivent concerner tous les sièges vacants du collège, titulaires et suppléants. Par Pascal Forzinetti, Avocat.
Parution : mardi 21 juin 2016
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Le Code du travail est clair : à moins que ces événements n’interviennent moins de 6 mois avant le terme du mandat des délégués du personnel, des élections partielles sont organisées à l’initiative de l’employeur si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des délégués titulaires et réduits de moitié ou plus (article L. 2314-7 C. travail).
Mais plusieurs questions pratiques se posent aux entreprises confrontées à l’organisation de leurs élections partielles : ne doivent-elles viser que les sièges de titulaires ? Visent-elles aussi les sièges de suppléants ? Et qu’en est-il des sièges du collège restés vacants faute de candidats au 2ème tour du dernier scrutin organisé ?

(Cass. soc. 24 mai 2016, n° 15-19.866)

Pour la Cour de cassation, la réponse apportée le 24 mai dernier est claire : les élections partielles doivent être organisées pour tous les sièges vacants, titulaires et suppléants, de ce collège.

L’article L. 2314-7 du Code du travail vise 2 cas dans lesquels l’élection partielle des délégués du personnel doit être organisée :
- 1er cas : lorsqu’un collège électoral n’est plus représenté (ce qui suppose qu’à l’issue du dernier scrutin, il était représenté ; c’est-à-dire avec au moins un titulaire élu) ;
- 2nd cas : lorsque le nombre des titulaires se réduit de moitié ou plus.

Dans une circulaire de 1983, le ministère du des Affaires sociales avait apporté à ce sujet les précisions suivantes (Circ. du ministère des Affaires Sociales et de la Solidarité Nationale DRT n° 13 du 25 octobre 1983, § 2.5.2) :
- Dans le premier cas : les élections ont pour objet de pourvoir uniquement les sièges de titulaires de suppléants du collège concerné ;
- Dans le second cas : les élections doivent concerner tous les sièges vacants, titulaires et suppléants, dans les différents collèges.

A noter que l’obligation faite à l’employeur d’organiser des élections partielles n’était initialement prévue que pour le comité d’entreprise, avant que le législateur n’étende en 2005 l’obligation des élections partielles aux délégués du personnel (loi 2005-882 du 2 août 2005 - JO du 3).

Sous cette réserve, les précisions apportées par la circulaire précitée de 1983 conservent tout leur sens.

L’affaire qui vient d’être jugée concernait l’organisation d’élections partielles au sein d’un collège unique.

A l’issue du dernier scrutin, ledit collège se composait de 3 délégués du personnel titulaires et zéro suppléant.
2 sièges étant devenus vacants en cours de mandature, l’entreprise devait organiser des élections partielles, en application de l’article L. 2314-7 précité.

Les négociateurs (direction et CFDT) n’ayant pu se mettre d’accord sur la notion de « sièges vacants à pourvoir », le tribunal d’instance avait été saisi.

Les arguments respectifs des parties étaient les suivants :
- Selon la direction, les élections partielles ne devaient porter que sur ces 2 sièges de titulaires devenus vacants postérieurement au dernier scrutin en vue de « reconstituer » la mandature à due concurrence du nombre de 3 délégués titulaires.
- Selon l’organisation syndicale CFDT, ces élections partielles devaient porter non pas seulement sur les 2 sièges de titulaires devenus vacants, mais sur l’intégralité des sièges vacants du collège ; peu important la raison ou de la date de la vacance.

Le tribunal d’instance avait donné raison à l’employeur.

La Cour de cassation ne partage pas cette analyse : en ajoutant une restriction non prévue par le texte, le juge du fond a violé l’article L. 2314-7 du Code du travail.

L’arrêt du 24 mai 2016, publié au bulletin, est intéressant à plus d’un titre.

-* Tout d’abord, il va nécessairement venir modifier la pratique des entreprises.

L’organisation d’élections partielles s’avère souvent aussi longue et complexe que celle des élections « générales ».

Les entreprises confrontées à l’organisation d’élections partielles dans un collège ont généralement pour règle de ne prendre en considération que les cas de vacance de sièges survenant en cours de mandat, à l’exclusion des vacances de sièges résultant d’une carence totale ou partielle de candidatures lors des élections générales (voir notamment sur ce point la position de « Lamy Conseils opérationnels »).

-* Un « troisième tour » ou une « troisième chance » ?

Pour la Cour de cassation, les élections partielles dans un collège doivent porter sur l’intégralité des sièges vacants du collège concerné, peu important la raison ou de la date de la vacance.

Ce ne sont donc pas seulement les événements postérieurs à la clôture du dernier scrutin (démission du mandat, rupture du contrat de travail, ou autre) qui doivent être pris en compte.

Il faut aussi prendre en compte lors de ces élections partielles les cas de vacances de sièges constatées au sein du collège, faute d’un nombre suffisant de candidats au 1er et au 2ème tour.

Un peu comme si on organisait un troisième ; voire un quatrième tour de scrutin

Selon nous, ceci remet en cause le principe même d’une élection professionnelle à deux tours, qui est pourtant de droit.

Il sera bien sûr intéressant de vérifier si cette jurisprudence se confirme, car elle est génératrice d’insécurité juridique.

Du côté des entreprises, l’arrêt du 24 mai 2016 appelle à la vigilance quant à l’organisation de leurs prochaines élections partielles.

Cette jurisprudence peut également de faire évoluer la stratégie électorale des organisations syndicales, qui peuvent choisir de « profiter » d’une nouvelle chance de scrutin pour tenter d’asseoir une représentation, à défaut d’une représentativité (puisque les résultats obtenus lors d’élections partielles ne peuvent pas modifier la représentativité calculée lors des dernières élections générales - Cass. soc. 13 février 2013 n° 12-18.098).

En conclusion, il serait souhaitable que le législateur revoie rapidement la rédaction des articles L. 2314-7 et L. 2324-10 du Code du travail sur les élections partielles des délégués du personnel et des représentants du personnel au comité d’entreprise, afin de clarifier - et sécuriser - les conditions d’organisation des scrutins.

Pascal FORZINETTI Avocat au Barreau de Dijon www.avocat-forzinetti.fr contact@avocat-forzinetti.fr
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