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Diffamation, dénigrement et injures sur Internet : que dit la loi ? Par Alexandre Chombeau, Expert en e-reputation.
Parution : samedi 25 juin 2016
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Internet regorge de contenus publiés et actualisés chaque seconde. Ce foisonnement d’informations expose les particuliers et les entreprises à des risques pas toujours maîtrisés. Diffamation, dénigrement et injures sur Internet : voici un point simple et rapide pour comprendre les enjeux des insultes sur le web.

Qu’est-ce que la diffamation ?

La diffamation est une allégation ou une imputation d’un fait non vérifié qui porte atteinte à l’image d’une personne ; elle peut être insinuée ou déguisée dans la mesure où l’on évoque une personnalité identifiable sans la nommer (dire aujourd’hui « le Garde des Sceaux » revient par exemple à parler du ministre de la Justice Jean-Jaques Urvoas).

En cas de plainte, les propos diffamatoires peuvent faire l’objet de vérifications. Si l’accusation n’est pas vérifiable, on dit alors qu’elle relève de l’injure.

Quelle différence avec le dénigrement ?

Contrairement à la diffamation, le dénigrement ne vise ni une entreprise, ni une personne en particulier. Le dénigrement est un propos qui accuse un produit ou un service sans s’adresser directement à une personnalité ou à la société concernée.
Un exemple : un consommateur partage publiquement sa déception concernant le goût d’un saucisson en citant la marque. Il fait un constat sans accuser l’entreprise ni attaquer sa direction ; il s’agit donc d’un dénigrement et non d’une diffamation.

Preuves d’une diffamation : que dit le tribunal ?

Toutes les preuves sont acceptées par le tribunal. Pour être prises en compte, elles doivent cependant comprendre les propos à prouver, préciser les noms, les adresses et les professions des témoins ainsi que les copies de leurs pièces d’identité.

Pour se défendre, l’accusateur peut prouver ce qu’il affirme à partir de ces documents. Il ne pourra en revanche pas prouver des accusations sur la vie privée du plaignant sauf si l’affaire relève d’un viol ou d’une agression sexuelle sur mineur.

Comment porter plainte pour diffamation ?

Le plaignant

Il est inutile de porter plainte pour diffamation sans preuves. Avant de lancer une procédure, il est impératif de se munir de documents écrits, visuels et/ou sonores et éventuellement d’être en mesure de proposer des témoignages crédibles.

La plainte pour diffamation suit la même procédure que les autres plaintes (comme celle du droit à l’image notamment). Lors de sa déposition, le plaignant peut préciser s’il s’agit d’une diffamation publique ou privée. Les diffamations publiques sont plus sévèrement encadrées que les diffamations privées. Si le plaignant connaît l’auteur des faits, il peut alors lancer une citation directe au tribunal. Si ce n’est pas le cas, il pourra seulement poser une main courante dans une gendarmerie ou un commissariat.

Le prévenu

La diffamation étant un propos non avéré, le prévenu peut se défendre en prouvant la véracité de ses dires. Il peut aussi prouver sa bonne foi en affirmant (preuves à l’appui) qu’il n’avait en aucun cas l’intention de nuire.

Avant de porter plainte, il est donc conseillé de s’assurer du caractère diffamatoire d’une injure et de prendre en considération les possibilités de défense de l’accusé.
Dans le cas où la procédure aboutirait au tribunal, chaque partie pourrait se faire accompagner d’un avocat.

Sanctions relatives à la diffamation sur Internet

La diffamation publique

L’amende pour diffamation publique est de 12 000 euros ;
L’amende pour diffamation publique à l’encontre d’un élu local, d’un parlementaire ou d’un policier peut s’élever à 45 000 euros ;
L’amende pour diffamation publique à motifs homophobes, racistes, sexistes ou à l’encontre de personnes handicapées peut quant à elle s’élever à 45 000 euros d’amende et 1 an de prison (et ce, même si les propos s’adressent à un groupe de personnes).

La diffamation non publique

L’amende pour diffamation non publique est punie d’une contravention de 38 euros ;
L’amende pour diffamation non publique ayant des motifs racistes, sexistes, homophobes ou allant à l’encontre de personnes handicapées peut aller jusqu’à 750 euros (et ce, même si les propos s’adressent à un groupe de personnes).

Qu’est-ce que le dénigrement ?

Nous l’avons vu en début d’article, le dénigrement est le fait de porter atteinte à l’image d’une entreprise en utilisant des arguments péjoratifs à l’encontre de ses produits ou services. Contrairement à la diffamation, le dénigrement ne concerne que les produits ou les services (rappelons que la diffamation vise des personnes physiques ou morales).

Comment porter plainte pour dénigrement ?

La victime peut porter plainte auprès du tribunal de grande instance en rassemblant trois éléments : un fait fautif, un dommage et un lien de causalité les reliant.
Comme pour la diffamation, le prévenu pourra se défendre en fournissant les preuves (documents crédibles à l’appui) de ses affirmations.

Dénigrement sur Internet et sanctions

Le dénigrement est sanctionné par les articles 1382 et 1383 du Code civil (qui visent la responsabilité du fait personnel pour les préjudices causés à autrui).
Si le dénigrement est avéré (même par négligence ou imprudence), la victime pourra réclamer des dommages et intérêts.

Qu’est-ce qu’une injure ?

L’injure est une expression péjorative et méprisante adressée à une personne et n’imputant aucun fait précis à la victime (contrairement à la diffamation qui évoque une action répréhensible). Si l’injure est adressée à une entreprise ou à un membre de personnel, on parlera alors d’insulte.
Il existe deux types d’injures, l’injure publique et l’injure privée :

On entend par injure publique un propos pouvant être entendu ou lu par un public inconnu et imprévisible. Les injures publiées et partagées sur les réseaux sociaux publics relèvent de la sphère publique.

On entend par injure privée un propos prononcé devant un cercle restreint de personnes ayant un intérêt commun. Une injure lancée dans la cour d’un immeuble ne sera pas considérée comme privée car elle peut être entendue par un public inconnu. En revanche, une injure lancée au sein d’une même communauté et dans un cercle restreint (à l’occasion d’un cours de peinture par exemple) sera considérée comme non publique.

Quelques précisions sur les injures postées sur les réseaux sociaux

Les détenteurs de profils sur les réseaux sociaux sont en mesure de verrouiller ou non leur mur de diffusion. Si l’injure est publiée auprès d’un cercle restreint d’amis, dans un cadre privé, bloqué pour le public, alors, il s’agira d’une injure non publique. Si en revanche l’injure est postée est mode public et qu’elle peut être vue par tous, être enregistrée et partagée sans difficultés, alors, il s’agit d’une injure publique.

Injure sur Internet : comment se défendre ?

Pour pouvoir réagir, la victime doit d’abord prendre connaissance de l’injure puis viser son auteur ou le directeur de publication (s’il s’agit d’un blog par exemple). Il est à ce jour impossible de viser une personne morale, et ce, même dans le cas où la publication visée est éditée au nom de l’entreprise.

Pour obtenir gain de cause, la victime devra préciser les passages relevant de l’injure ou de la diffamation auprès du tribunal. En cas d’urgence, elle pourra également utiliser un référé (pour demander le retrait immédiat d’une vidéo par exemple).
Vous êtes victime de dénigrement, de diffamation ou d’injures ? Adressez-vous le plus rapidement possible aux autorités compétentes et optez pour une solution de veille permanente des propos vous concernant sur la toile.

Alexandre Chombeau - Expert en E-Reputation
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