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Premiers commentaires sur les conséquences en matière de propriété intellectuelle du BREXIT annoncé ce 24 juin 2016. Par Christian Texier, CPI.
Parution : lundi 27 juin 2016
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Ce vendredi 24 juin 2016 matin l’on annonce un résultat du référendum britannique en faveur d’un BREXIT, c’est-à-dire d’une sortie du Royaume-Uni hors de l’Union européenne.
Quelles en seront les premières conséquences en matière de propriété intellectuelle ?

Tout d’abord il faut garder à l’esprit que la sortie de l’Union européenne ne sera pas immédiate pour le Royaume Uni.

La sortie du Royaume Uni devrait s’opérer dans le contexte de l’article 50 du Traité de l’Union Européenne. Cet article 50 prévoit en effet explicitement que « tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union » et que « l’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union ». Le même article 50 du Traité de l’UE prévoit que « les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai ». En pratique la sortie du Royaume-Uni n’interviendra donc pas avant de nombreux mois et demandera probablement au moins deux ans.

Ensuite et en premier lieu il convient de noter que les titres nationaux, tant marques, modèles, que brevets, régis par des lois nationales, ne seront pas impactés par le BREXIT, que ce soit pour l’acquisition ou l’exercice des droits.

En revanche l’impact pour l’avenir, du BREXIT, sera très sensiblement différent en matière de brevet d’une part, et en matière de marques et dessins et modèles d’autre part.

Pour les brevets, les droits découlant des demandes de brevets européens et des brevets européens examinés et délivrés par l’Office européen des brevets, ne seront pas directement affectés dans la mesure où l’Office européen des brevets est un organisme indépendant de l’Union européenne. De nombreux pays n’appartenant pas à l’Union européenne, par exemple la Suisse, sont déjà membres de l’Organisation européenne des brevets. Le Royaume-Uni devrait conserver sa place et son rôle au sein de cette Organisation après le BREXIT. Des brevets européens désignant le Royaume-Uni seront donc toujours délivrés par l’Office européen des brevets.

Par contre l’application et l’entrée en vigueur du Brevet à effet unitaire et de la juridiction unifiée des brevets, annoncées début 2017, devraient être retardées. Retardées, mais pas remises en cause a priori, tous les observateurs convergeant pour conclure que ce système attendu depuis plus de 30 ans devrait aboutir néanmoins suite à quelques renégociations, visant par exemple à donner à l’Italie, quatrième déposant de brevets européens, la place dévolue jusqu’ici au Royaume-Uni.

Pour les marques européennes , ainsi que pour les dessins et modèles européens, l’avenir s’annonce par contre très différent. Pour les titres à venir, la couverture territoriale ne devrait pas couvrir le Royaume-Uni. Pour les titres actuellement déposés et/ou enregistrés, la situation est incertaine. En principe ces titres pourraient ne plus couvrir le Royaume-Uni puisque ce territoire n’appartiendra plus à l’Union européenne. Cependant là encore la majorité des observateurs s’accordent pour considérer que dans le cadre des négociations de sortie de l’Union européenne, des accords devraient être trouvés pour préserver les droits nés des marques et dessins ou modèles européens déposés avant le BREXIT, par exemple par la voie d’une possible transformation de ces titres européens en titres nationaux britanniques.

Il ne faut pas non plus oublier l’impact de la sortie d’un État hors de l’Union européenne en terme d’épuisement des droits (par le passé et encore aujourd’hui, un produit mis licitement sur le marché au Royaume-Uni peut circuler librement sur l’ensemble de l’Union européenne ; demain, plus précisément après le BREXIT, un tel épuisement des droits ne serait plus automatique à partir d’une première commercialisation au sein du Royaume-Uni ou dans le cadre d’une commercialisation vers le Royaume-Uni) ainsi qu’en terme d’application des contrats de portée internationale (un examen rapide des clauses figurant dans tous les contrats ayant des effets sur le Royaume-Uni semble impératif).

Des attentions toutes particulières devront être portées sur tous les domaines pour lesquels l’Union européenne a mis en place des dispositions spécifiques applicables à la propriété intellectuelle ou industrielle, par exemple pour l’industrie pharmaceutique, en matière d’AMM (Autorisation de mise sur le marché d’un médicament ou d’un produit phytosanitaire) et l’obtention de CCP (Certificats complémentaires de protection) nationaux via des règlements communautaires portant sur les médicaments, les produits phytosanitaires et les médicaments pédiatriques en autres).

Le domaine des droits d’auteur, régis essentiellement par des lois nationales britanniques ou des traités internationaux, ne devrait pas être directement impacté par le BREXIT.

Par contre, les évolutions en cours en matière de protection des données avec l’adoption du Règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel ne devraient pas trouver application sur le territoire britannique au terme de la procédure de sortie du Royaume Uni hors de l’Union Européenne. Cela impliquerait la signature d’accords spécifiques pour organiser la circulation des données entre le Royaume-Uni et les autres pays de l’Union Européenne. De la même manière, on peut noter que le régime de protection des bases de données de la Directive 96/9/CE du 11 mars 1996 ne garantira plus à l’avenir l’harmonisation des dispositions applicables au RoyaumeUni avec celles de l’Union Européenne.

Les premières conclusions ce 24 juin 2016 sont que pour les brevets aucune modification drastique des voies de protection ne semble nécessaire, au moins à court terme, en revanche en matière de marques, et dessins ou modèles, la voie nationale de protection doit être soigneusement étudiée et probablement privilégiée pour l’avenir.

Christian TEXIER Associée/Partner REGIMBEAU www.regimbeau.eu texier@regimbeau.eu