Village de la Justice www.village-justice.com

Le nouveau divorce par consentement mutuel et le droit collaboratif : un duo gagnant / gagnant ? Par Pierre-Antoine Cals, Avocat.
Parution : vendredi 1er juillet 2016
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/nouveau-divorce-par-consentement-mutuel-droit-collaboratif-duo-gagnant-gagnant,22563.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Sauf surprise ou coup de théâtre, il va falloir faire avec la nouvelle procédure de divorce par consentement mutuel sans recours au juge.
Cette disparition programmée du juge a donné lieu, ici même, à l’expression d’un certain nombre de critiques, principalement au regard de la piètre prise en compte des intérêts de l’enfant.
Face à cette nouvelle donne, le droit collaboratif a t-il sa place ?

En dépit de la forte opposition rencontrée par l’amendement gouvernemental visant à instaurer un divorce par consentement mutuel sans recours au juge, les députés ont, par le biais d’une procédure accélérée bien peu propice au débat de fond, adopté ce dernier le 19 mai dernier.

Et l’on voit mal comment le sénat, à le supposer opposé à ce texte, pourrait durablement changer la donne lorsque celui-ci lui sera soumis.

Cette disparition programmée du juge a donné lieu, ici même, à l’expression d’un certain nombre de critiques, principalement au regard de la piètre prise en compte des intérêts de l’enfant.

Parmi les autres sujets d’inquiétudes figurent deux risques potentiels :
- D’une part, que la suppression du recours au Juge aux affaires familiales aboutisse à créer un déséquilibre dans la situation juridique des deux conjoints avec, en corolaire, le fait que cette disparité induise, à court terme et selon ce qui sera prévu, soit un retour devant le magistrat, soit l’adoption d’une nouvelle convention.
- D’autre part, que la volonté, éminemment louable, de simplification recherchée par les promoteurs du nouveau divorce soit contrariée par des discussions interminables entre les parties qui viendraient à se livrer à une surenchère d’autant plus décomplexée que le juge ne serait plus là pour écrêter les mesures les plus discutables.

L’avenir nous dira si cette prévention résiste, ou non, à l’épreuve de la pratique, mais il nous semble, en l’état, qu’il est un outil qui permettrait, à défaut de remettre le JAF au centre du jeu, d’éviter les deux écueils précités.

Je veux parler du droit collaboratif.

Bien sûr, deux conjoints accompagnés de leurs avocats respectifs pourront certainement rédiger une « bonne » convention de divorce par consentement mutuel sans suivre le processus de droit collaboratif tout comme celui-ci ne saurait se limiter au seul droit de la famille puisqu’il donne également de très bons résultats en droit des sociétés, droit commercial ou encore en matière de conflits de voisinage.

Pour autant, ce mode amiable de résolution des différends, introduit en France en 2006 par ma consoeur C. Butruille-Cardew, qui préside également à la destinée de l’Association Française des Praticiens du Droit Collaboratif, pourrait bien offrir un cadre idéal pour la négociation des conventions entre les époux et leurs avocats respectifs.

Le droit collaboratif repose sur cinq piliers [1] dont deux nous semblent particulièrement de nature à favoriser la rédaction conjointe de conventions équilibrées : Le travail en équipe et l’exigence de transparence.

Le contrat de droit collaboratif suppose, ainsi, l’engagement de toutes les parties à collaborer activement pour trouver une solution au conflit qui soit mutuellement bénéfique et acceptable.
Les parties et leurs avocats vont, ainsi, s’engager à travailler ensemble, en formant une seule et même équipe.

Sans jamais se départir de son rôle d’avocat, le contradicteur deviendra partenaire, l’adversaire se fera allié.

Bien sûr, cet esprit de collaboration, a priori fort éloigné de notre logique de confrontation et d’opposition, ne se décrète pas et ne fonctionnera pas à tous les coups.

C’est pourquoi il est prévu, avant même la signature du contrat collaboratif qui va initier le processus, l’organisation d’un rendez-vous test, visant justement à déterminer si l’autre partie et son avocat sont, ou non, susceptibles d’inspirer et de mener un tel travail d’équipe.

Dans l’affirmative, un contrat de participation au processus collaboratif sera formalisé et cet état d’esprit continuera à animer les parties et leurs avocats tout au long des cinq étapes [2] qui jalonnent le processus et ce, jusqu’à son terme qui sera marqué, dans la grande majorité des cas, par la signature d’un accord (homologable) ou, plus rarement, par un constat d’échec qui obligera les deux avocats à sortir du dossier.

L’étroit partenariat va se nourrir de la transparence, qui constitue l’un des autres piliers du droit collaboratif.

Cette transparence, qui portera sur les informations détenues par chacune des parties aura, notamment, pour objet d’éviter que l’une des parties ne taise, par stratégie ou arrière pensée, une information clé qui risquerait de mettre à mal, à court ou moyen terme, la convention recherchée.

Prenons ainsi l’exemple d’un couple sur le point de divorcer. Il n’est pas rare que l’un des conjoints envisage, à plus ou moins brève échéance, de quitter la région dans laquelle réside le couple pour aller vivre, avec son nouveau conjoint, dans une région plus éloignée.

Souvent tenté de dissimuler cette information pour obtenir la garde des enfants, ce qui constituera une source de difficulté majeure et l’assurance d’un retour imminent devant le juge aux affaires familiales, ce conjoint sera, au contraire, invité, dans un cadre collaboratif, à faire état de cette information dès le stade de la recherche de l’accord, ce qui permettra d’en tenir compte ab initio et de définir des modalités d’hébergement compatibles avec ce paramètre.

Vous l’aurez compris, l’exigence de transparence permet, ainsi, d’éviter que la convention de divorce par consentement mutuel ne renferme, en ses clauses, les germes de son propre échec.

Il est ainsi dans l’ADN de ce mode de règlement des conflits d’éviter de tirer la couverture à son client et de parvenir à une solution équilibrée et durable ; de celle qui réponde, non à des besoins standards mais aux attentes réelles de chacune des parties que l’on aura pris soin, au préalable, d’écouter activement.

Ainsi, le droit collaboratif, par la confiance qu’il inspire et la rigueur de son processus, qui laisse une large place à la négociation raisonnée, pourrait-il constituer une réponse adaptée et positive au projet de loi sur le point d’être définitivement adopté.

Alors, profitons de la réforme du divorce par consentement mutuel qui se dessine pour nous former et faire contre mauvaise réforme, bons accords en nous emparant de ce bel outil qu’est le droit collaboratif !

Pierre-Antoine CALS Avocat au Barreau de Versailles cals-avocat.fr

[1On pourra notamment se référer, pour davantage de renseignements sur le droit collaboratif, au site de Association Française des Praticiens du Droit Collaboratif (AFPDC).

[2Voir note précédente.

Comentaires: