Village de la Justice www.village-justice.com

La fonction contentieuse du Conseil constitutionnel du Cameroun : une fonction binaire et mitigée. Par Samuel Stéphane Tchidjo.
Parution : mercredi 13 juillet 2016
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/fonction-contentieuse-conseil-constitutionnel-Cameroun-une-fonction-binaire,22671.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Mener une étude sur le Conseil constitutionnel camerounais que nous désignerons tout au long de cette étude par l’expression de Conseil, est toujours très complexe pour tout juriste-chercheur en la matière. D’abord, parce que c’est comme faire de la science fiction dans la mesure où ladite institution n’est toujours pas mise sur pied au Cameroun et ensuite parce qu’en l’absence d’un Conseil effectif, les juristes-chercheurs sont privés dans une certaine mesure de jurisprudences pour asseoir leurs travaux , d’interlocuteur naturel pour lever les équivoques de la loi et d’un site approprié pour mener certaines recherches.
Cet état des choses constitue nécessairement un obstacle à la conduite de travaux aboutis et pertinents en matière constitutionnel et jette par la même occasion un doute sur l’intérêt d’étudier un « fantôme » institutionnel qui n’existe que saisonnièrement dans la vie de notre république.

En effet, le Conseil tout comme la Haute Cour de Justice et les Régions font parties des institutions prévues par la Constitution du 18 janvier 1996 mais qui ne sont toujours pas mises sur pied. Toutefois, le Conseil est périodiquement, le temps d’une vie éphémère, substitué par la Cour Suprême. Et ce, pour un exercice qui n’est pas des moindre, veiller à la régularité des élections présidentielle et parlementaires dans notre pays. Cette fonction contentieuse d’ordre électoral qui est l’unique que remplit le Conseil de substitution jusqu’à ce jour n’est pourtant pas la seule qui lui est reconnue par les textes.
En effet, la Cour Suprême agissant comme Conseil constitutionnel est également compétente pour connaitre d’un contentieux extra électoral que l’on peut encore qualifier de contentieux des normes. Elle exerce également une fonction consultative qui lui est dévolue par les textes mais dont il ne sera point question dans la présente étude. Il appert donc de façon claire que le Conseil exerce au regard des textes, une fonction contentieuse exorbitante mais qui tarde encore à se matérialiser pleinement dans la pratique.

Quelle est la consistance de ladite fonction contentieuse ? Quelles en sont les contours ou les grandes articulations ? Et comment s’opère sa mise en œuvre ? Telles sont les questions auxquelles entend répondre le présent travail. L’importance du Conseil et la délicatesse de sa mission qui consiste en l’arbitrage du jeu politique à travers sa régulation des rapports juridico-politiques existant entre les grandes institutions de la République, confère un double intérêt à la présente étude. Le premier d’ordre juridique, repose en la mise en lumière du régime juridique du contentieux constitutionnel au Cameroun. Et le second d’ordre politique, réside dans l’analyse du rôle et de l’impact du Conseil dans l’équilibre et la régularité du jeu politique au Cameroun.

Ce double intérêt prend une ampleur encore plus considérable quand l’on sait que notre pays demeure un jeune État en voie de démocratisation et en quête d’une consolidation de l’État de droit afin d’accélérer son développement socioéconomique et de renforcer sa crédibilité sur la scène internationale. Le président Obama suggérait aux États africains lancés dans une telle quête de se doter d’institutions fortes et non d’Hommes forts. Ou se situe le Conseil constitutionnel camerounais face à cette recommandation qui nous semble juste et éclairée ?

Notre réponse à la précédente interrogation sera le fruit d’une analyse scientifique rigoureuse à la fois factuelle et prospective qui nous mènera dans les dimensions juridique, politique et sociale du Conseil. Pour ce faire, nous la conduirons en trois grandes séquences dont la première nous dévoilera le Conseil lui même (I), la deuxième, déclinera sa fonction contentieuse extra électorale (II) et la dernière, sa fonction contentieuse électorale (III).

I) Presentation du Conseil constitutionnel.

Le Conseil camerounais comme on l’a déjà souligné est une institution à la vie saisonnière, bien que pour l’instant elle est substituée dans ses missions par la Cour Suprême. On ne peut pas conclure à son existence dans la mesure où même cette dernière n’exerce cette substitution qu’à l’occasion des consultations électorales présidentielle et parlementaire. Or, la loi régissant le fonctionnement de cette institution ne limite aucunement la Cour Suprême à une existence épisodique dans l’exercice de sa mission de Conseil transitoire. La pratique elle, nous impose cette constatation car jamais la Cour Suprême agissant comme Conseil transitoire n’a été saisie d’un litige institutionnel, ou de contrôle de constitutionnalité, un avis ou encore moins une consultation. Cet état des choses nous laisse penser que le vœu du politique serait clairement de limiter la substitution assurée par la Cour Suprême afin que seul le Conseil toujours très attendu puisse exercer l’ensemble des attributions à lui dévolues par les textes.
De ce fait, il nous semble logique de présenter à la fois l’organe substituant qu’est la Cour Suprême agissant en lieu et place du Conseil (A) ainsi que le futur Conseil tel qu’il est prévu par les textes (B).

A) La Cour Suprême agissant comme Conseil constitutionnel : déclinaison et limites

La Cour Suprême du Cameroun est la plus haute juridiction de l’État et son organisation laisse apparaitre plusieurs composantes ou organes. La question qui se pose est celle de savoir quel organe de ladite Cour siège en lieu et place du Conseil constitutionnel (1) ? Par ailleurs, quelles limites et interrogations posent un tel mode de substitution (2) ?

1) Le Conseil constitutionnel transitoire : la formation des chambres réunies de la Cour Suprême

L’on ne saurait étudier la fonction contentieuse du Conseil constitutionnel au Cameroun sans ne pas parler de cet organe de la Cour suprême. Institué par la loi organique sur la Cour suprême, il est l’organe chargé d’assurer à titre transitoire les missions dévolues au Conseil constitutionnel jusqu’à la mise sur pied effective de celui-ci . Organe nouveau, il n’a vu le jour qu’avec la reforme de 2006 et a remplacé dans ce rôle de juge constitutionnel transitoire la Chambre Constitutionnelle érigée simultanément par la constitution de 1972 et l’ordonnance 72/6 du 26/08/1972 fixant l’organisation de la Cour Suprême.

Eu égard de la loi, la formation des chambres réunies se compose du premier président de la Cour, il préside la formation des présidents de Chambre et des présidents de section. Ce qui donne un total de 16 membres statutaires. Cette formation siège en audience publique en matière électorale et en chambre de conseil (huis clos) dans tous les autres cas de saisine. La procédure suivie devant elle est en principe celle prescrite par la loi 2004/004 notamment son Titre III, le Code électoral et la Constitution. Cette formation remplit aussi bien les missions contentieuses que consultatives dévolues au Conseil constitutionnel. Elle se réunit en principe sur saisine de toute personne habileté, mais sa vie épisodique ne nous permet pas de dire grand-chose sur elle, de parler de sa mission consultative ou même de sa pratique du contentieux de constitutionnalité. Elle ne fait cependant pas obstacle à ce que l’on puisse relever un certain nombre de lacunes et d’interrogations que posent ce juge constitutionnel transitoire.

2) Le Conseil constitutionnel transitoire : un organe perfectible

Il faut le dire sans état d’âme, toute institution publique vise la performance et la satisfaction de ses usagers. Le Conseil constitutionnel transitoire ne fait point exception, il doit autant que faire ce peu, remplir les critères qui garantissent une bonne efficacité dans l’accomplissement de ses missions. Il doit donc se rapprocher au mieux tant dans sa composition, son organisation, son fonctionnement, son indépendance et la qualité de ses membres de l’organe dont-il assure la substitution. Or, une observation minutieuse dudit Conseil transitoire laisse transparaitre un inquiétant décalage d’avec le Conseil attendu.

Tout d’abord au niveau des textes applicables par la formation des Chambres réunies de la Cour Suprême statuant en tant que Conseil. En principe, la somme des textes applicables devant le Conseil constitutionnel est connue et en ce sens l’article 139(3) de la loi 2006/016 précitée est clair lorsqu’il dispose : « La formation des chambres réunies statue selon les délais prévus à l’article 49 de la Constitution et applique la procédure prévue par la loi no 2004/004 du 21 Avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel. ». Si on s’en tient alors de façon stricte à ce qui précède, la composition du juge constitutionnel transitoire doit être de 11 membres avec un quorum à 9 membres, le suppléant de droit du président de la formation doit être le membre le plu âgé parmi les membres statutaires.
Toutefois, ces mesures édictées par les textes relatifs au Conseil constitutionnel heurtent de façon assez frontale les règles régissant la formation des chambres réunies.

Au-delà du problème posé par la contradiction et l’inadéquation manifeste de certaines règles juridiques applicables au juge constitutionnel transitoire, un autre problème réside dans la stabilité de ses membres, leur impartialité, indépendance et leur qualité.
Relativement à leur stabilité, les membres du Conseil sont désignés pour un mandat de 06 ans éventuellement renouvelable. Ils ne peuvent perdre leur qualité de membre que dans certaines hypothèses limitativement énumérées par les textes. Or, la qualité de membre de la formation des chambres réunies est à l’analyse, extrêmement dépendante de la « bonne volonté » du premier président de la Cour qui peut vous la retirer à tout moment. Même l’avis du bureau imposé par la loi avant désignation d’un président de section ne nous semble pas une garantie suffisante pour la stabilité de la formation. Ainsi, si les membres du Conseil semblent être liés par l’autorité de nomination, ceux de la formation des chambres réunies ne sont pas plus indépendants et doivent s’ils veulent durer au sein de la formation afficher une certaine allégeance au premier président de la Cour.

Enfin, pour ce qui est de la qualité des membres de la formation, le débat est également ouvert car, les membres du Conseil sont en principe nommés sur la base de leur réputation professionnelle établie. Mais quelle profession nous dispose de façon crédible à officier au sein du Conseil constitutionnel ? Pas si évident à dire ! Si les juristes de haut vol tels ceux de la Cour Suprême ne sont pas à exclure, ne serait ce que pour leurs compétences indéniables en matière de contentieux électoral, des lois, traités et accords internationaux. Ces derniers sont en principe apolitiques tout au long de leur carrière au sein de la magistrature. Ce qui jette un doute pour ce qui est de leur capacité à gérer le contentieux institutionnel. Ces interrogations sont toutefois à relativiser car le Conseil transitoire n’a jamais été saisi jusqu’à présent dans une matière autre que celle liée au contentieux des élections nationales.
Doute qui devrait s’envoler à la mise sur pied effective du Conseil constitutionnel prévu par les textes.

B) Le Conseil constitutionnel consacré : déclinaison

Le Conseil Constitutionnel camerounais tel qu’il est prévu par les textes en vigueur est connu, il a fait l’objet de nombreuses études par la doctrine nationale et de ce fait, nous nous limiterons à une présentation sommaire de sa composition et de son organisation (1) suivie d’une déclinaison du statut de ses membres (2).

1) Composition, organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel est composé de 11 membres statutaires auxquels l’on doit rajouter les anciens chefs d’État qui en sont membre de droit à vie. Ces 11 membres sont désignés de la manière suivante :
-  trois dont le président du Conseil par le président de la République ;
-  trois par le président de l’Assemblée nationale après avis du bureau ;
-  trois par le président du Sénat après avis du bureau ;
-  deux par le Conseil supérieur de la magistrature.

Il est dirigé par un président qui est secondé par un conseiller-doyen, c’est le conseiller le plus âgé. Le Conseil siège à Yaoundé mais peut en cas de circonstances exceptionnelles troublant le bon fonctionnement des institutions de la République être transféré dans toute autre localité du pays sur décision de son président après consultation du président de la République, du président de l’Assemblée Nationale et du président du Sénat. Le Conseil n’est saisissable que par un nombre limité d’autorités prévues par la Constitution, ce qui a poussé un auteur à parler de grands requérants.

Le Conseil est assisté d’un secrétariat général placé sous l’autorité d’un secrétaire général nommé par décret du président de la République. Il assiste aux séances du Conseil sans voix délibérative, dresse les procès verbaux à l’issue des séances qu’il cosigne avec le président de séance. Il est le patron de l’administration du Conseil qu’il dirige sous l’autorité du président du Conseil. Le Conseil ne peut s’auto-saisir et il adopte ses décisions à la majorité simple de ses membres sauf dispositions contraire prévu par les textes. Tous ses membres sont tenus de voter ou d’opiner, l’abstention est donc prohibée.

2) Statut et garanties des membres du Conseil Constitutionnel

Le statut des membres du Conseil est défini principalement par la loi no 2004/005 du 21/04/2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel. Cette loi et les autres textes en vigueur relatifs au Conseil disposent que ses membres sont nommés pour un mandat de 6 ans éventuellement renouvelable, un membre nommé en remplacement d’un autre achève son mandat et si cette durée de remplacement est de moins de trois ans alors ce membre peut voir son mandat être renouvelé.

Les membres du Conseil possèdent l’immunité judiciaire, sauf cas de flagrant délit ou de condamnation devenue définitive ils ne peuvent être arrêtés et détenus sans autorisation préalable du Conseil. Les membres du Conseil prêtent serment devant le parlement réuni en Congrès, leur serment est reçu par le président de l’Assemblée Nationale. Le siège du Conseil est inviolable en tout lieu ou il se trouve.
Ses membres sont protégés contre les menaces et outrages dont ils peuvent faire l’objet durant leur mandat, ils ne peuvent être poursuivis à raison des opinions ou votes émis durant leur mandat. Ils sont frappés de certaines incompatibilités et les hypothèses de perte de leur qualité de membre sont plutôt nombreuses et assez équivoques. En somme s’il est vrai que leur immunité juridictionnelle est un réel atout pour l’exercice de leur fonction, la relative stabilité de leur fonction et la nature éventuellement renouvelable de leur mandat affecte considérablement leur indépendance et impartialité.

En définitive, les membres du Conseil possèdent certaines garanties et le Conseil, certains outils pour accomplir plus ou moins efficacement ses missions contentieuses et consultatives en vertu des textes. Seule l’analyse des premières nous intéresse, nous déclinerons à cet effet l’ossature de la fonction contentieuse du Conseil constitutionnel camerounais qui, à l’heure actuelle s’articule autour de deux contentieux majeurs. Le contentieux extra électoral quasiment inerte à côté duquel l’on retrouve le contentieux électoral et référendaire à l’existence épisodique.

II) La fonction contentieuse extra électorale du Conseil constitutionnel.

Le contentieux extra électoral dont à la charge le Conseil constitutionnel provient de sa mission de régulateur du fonctionnement des institutions et de juge de tout conflit d’attribution entre les institutions de l’État, entre l’État et les régions et entre les régions (A) d’une part, et sa mission de juge de la constitutionnalité des règlements intérieurs de l’Assemblée Nationale et du Sénat, des lois, traités et accords internationaux (B) d’autre part.

A) Déclinaison de la fonction contentieuse extra électorale du conseil constitutionnel

La fonction contentieuse extra électorale du Conseil s’exerce principalement sur trois types de contentieux dont il a la charge. Le contentieux institutionnel qui met en relief les possibles conflits pouvant naitre entre les grandes institutions prévues par la Constitution (1). Le contentieux du contrôle de constitutionnalité, il vise à s’assurer de la conformité des lois, traités et accords internationaux à la Constitution avant leur promulgation, ratification ou approbation (2) et enfin un contentieux spécial qui porte sur la recevabilité d’un texte devant les chambres du Parlement (3).

1) Le contentieux institutionnel

C’est un contentieux qui s’articule principalement autour des conflits d’attribution pouvant survenir entre les institutions de l’État. Qu’entend-on par conflit d’attribution ? C’est la question préalable à laquelle nous devons répondre avant d’examiner les institutions d’État qui peuvent en faire l’objet.

Dans le cadre de notre étude la notion de conflit d’attribution doit s’entendre comme le fait pour deux ou plusieurs institutions de l’État de revendiquer la propriété ou l’exercice d’un ou de plusieurs droit(s), prérogative(s) ou compétence(s). Ainsi appréhendée, cette notion ne nous clarifie pas pour autant l’esprit de la Constitution. Il faut pour ce faire, identifier quelles institutions de l’État peuvent être partie audit conflit d’attribution.
En effet, en droit constitutionnel le terme institution d’État désigne très souvent un cercle restreint d’entités ou d’autorités publiques directement prévues par la Constitution. Les conflits pouvant survenir entre les institutions non directement instituées par la Constitution sont en principe réglés par le pouvoir exécutif et dans une certaine mesure par les autorités judiciaires.

Cependant quelles sont de façon plausible les réelles hypothèses et causes de conflits pouvant survenir entre les institutions de l’État, entre l’État et les régions et entre les régions et qui appellent à l’intervention du Conseil ? La réponse n’est pas aisée, car s’il peut bien évidemment exister des désaccords voire des tensions entre les institutions de l’État, on ne peut pas pour autant conclure à un conflit. Par ailleurs, ce type de scénario connait très souvent un règlement plus politique et officieux que juridique et officiel.

Cet état des choses ne nous empêche cependant pas d’imaginer un certain nombre d’hypothèses de conflit d’attribution possible. Tout d’abord entre les institutions de l’État, deux hypothèses assez plausibles sont envisageables. D’une part entre le pouvoir judiciaire (notamment les juridictions de l’ordre judiciaire pénal) et la Haute Cour de Justice (lorsqu’elle sera effective), ces deux institutions à long terme partageront nécessairement certaines compétences. D’autre part, au sein du Parlement entre l’Assemblée nationale et le Sénat, une telle hypothèse s’est déjà produite mais le Conseil ne fut pas saisi.

Ensuite entre l’État et les régions, la spéculation demeure aussi difficile car les régions n’existent toujours pas et les articles 30 et 31 de la loi 2004/004 précitée qui traitent de ce conflit sont plutôt lacunaires. En effet, ces articles prévoient que dans l’hypothèse d’un conflit d’attribution entre les régions et l’État, le président de l’exécutif régional peut saisir le Conseil si les intérêts de sa région sont mis en cause.
Que se passe-t-il alors si l’État restant dans son champ d’attribution prend un acte qui met en cause les intérêts d’une région ? Et si aucun intérêt n’est mis en cause mais des compétences querellées entre l’État et les régions ? Le Conseil est-il saisissable ? Enfin, qu’est ce qu’un intérêt ? Un patrimoine artificiel (un impôt, une infrastructure…) ou un patrimoine naturel (essence forestière, gisement minier…) ? Dans tous les cas, il appartiendra à la jurisprudence du Conseil de nous situer.

Enfin entre les régions, à la réalité les seules hypothèses de conflit d’attribution envisageables à ce stade sont celles dues à la gestion d’une ressource ou d’un domaine par deux ou plusieurs régions. Ainsi, la matière domaniale et notamment les domaines frontaliers partagés par deux régions nous semblent logiquement pouvoir être la source de probables conflits d’attribution entre les régions. En somme, ce contentieux entre institutions est le plus insaisissable bien qu’il soit pourtant un contentieux ordinaire devant le juge constitutionnel ici et ailleurs et son inertie n’est pas pour nous clarifier. Vivement que le Conseil transitoire soit saisi en cette matière et qu’il nous situe. Idem en contentieux du contrôle de constitutionnalité.

2) Le contentieux du contrôle de constitutionnalité

C’est un contentieux qui comporte trois variantes principales, la première concerne la conformité de la loi à la Constitution, la deuxième concerne la conformité des traités et accords internationaux et la troisième est relative à la conformité des règlements intérieurs du Sénat et de l’Assemblée Nationale. Il faut souligner que tous les contrôles de constitutionnalité précités sont des contrôles préventifs dans la mesure où ils ne peuvent être effectués qu’avant la promulgation des textes sus mentionnés. On parle de contrôle a priori.

Relativement au contrôle de constitutionnalité des lois, il consiste à vérifier qu’une loi en discussion au parlement ou en attente de promulgation par le président de la République est conforme à la constitution. Le Conseil, saisi par les autorités habiletés peut contrôler l’intégralité de la loi si elle souhaite. Une inconnue demeure relativement à ce contentieux, le sort des ordonnances. Décret-loi, elles ont valeur de texte réglementaire à leur entrée en vigueur mais traitent des domaines réservés au parlement. Après leur entrée en vigueur, elles auront valeur de loi si l’Assemblée Nationale les ratifie dans les délais prévus par la loi d’habilitation. Toutefois, elles ne pourront pas être déférées au Conseil car ce dernier comme on l’a déjà signalé, n’effectue que des contrôles à priori. Le mécanisme d’ordonnance peut alors à long terme servir d’échappatoire à un exécutif désireux de contourner une opposition assez représentée au parlement. Il appartiendra alors au Conseil ou au législateur d’apporter des précisions sur le statut des ordonnances relativement au contrôle de constitutionnalité des lois.

En ce qui concerne le contrôle de constitutionnalité des traités et accords internationaux, le Conseil doit se prononcer après saisine d’une autorité habileté sur la conformité du texte international à la Constitution camerounaise. C’est une saisine facultative contrairement à celle prévue en matière de contrôle de constitutionnalité du règlement intérieur des deux chambres du parlement. Ce dernier est obligatoire et systématique et est mise en œuvre autant pour les règlements que pour toute leur modification. Le Conseil est saisi à cet effet par le président de chambre intéressé, il ne peut en être autrement. Ce qui veut dire que relativement à ce contrôle aucune autre autorité ne peut se substituer aux présidents des chambres pour saisir le Conseil. La saisine à obligatoirement lieu avant la mise en application desdits règlements intérieurs.
Le contentieux du contrôle de constitutionnalité sus décrit n’est cependant pas le seul que connait le Conseil, un autre, assez spécial, relève également de sa compétence en vertu de la Constitution.

3) Le contentieux spécial relatif à la recevabilité d’un texte au Parlement

Ce contentieux traite effectivement de la recevabilité d’un texte devant les deux chambres du Parlement, il est expressément prévu et confié au Conseil par la Constitution. Il est spécial selon nous pour la simple et bonne raison qu’il se détache véritablement des contentieux traditionnellement confiés à un juge constitutionnel. C’est donc un contentieux assez original. Il consiste véritablement pour le Conseil à se prononcer après saisine par une autorité habileté, sur la conformité du texte déféré non pas à l’intégralité de la Constitution, mais à une disposition particulière.
Ce contentieux exclut inexplicablement les présidents des exécutifs régionaux de la liste des requérants devant le Conseil. Or, ces derniers cantonnés qu’ils sont à un recours subjectif chaque fois qu’ils saisissent le Conseil peuvent avoir un sérieux intérêt à ce qu’une proposition de loi ou des amendements soit reçue ou non par les chambres. La loi devrait sans doute évoluer sur ce point.

Par ailleurs, on a du mal à saisir la raison pour laquelle le législateur a prévu cette hypothèse contentieuse devant les deux chambres. En effet, toute proposition de loi rentre au Parlement par la chambre des députés même si elle est l’œuvre des sénateurs. De plus, la chambre basse est celle qui adopte définitivement la loi à l’issue de la navette parlementaire. Il eut donc été logique que si elle (assemblée du peuple) juge un texte recevable, que le Sénat s’y soumette. Or, prévoir un droit de saisine au président du Sénat et à un tiers des sénateurs en aval du droit de saisine prévu à l’endroit du président et des membres de la chambre basse est maladroit. Car ils ne peuvent en faire usage qu’à un stade ou le texte a déjà été adopté par les députés.
Quel intérêt alors à douter encore de sa recevabilité, surtout lorsqu’il apparait plus pertinent et opportun à ce stade de déférer le texte pour un contrôle de constitutionnalité. A terme, une telle disposition de la Constitution pourrait être source de tension et de paralysie de l’activité parlementaire. La sagesse et la recherche de performance commande qu’un tel droit soit retirer au Sénat pour défaut d’utilité pratique.

Quoiqu’il en soit, les contentieux sus étudiés sont portés à la connaissance du Conseil et résolus par celui-ci suivant une procédure déterminée selon le cas. Il importe de s’y attarder.

B) Procédure, décision et effets

Le Conseil constitutionnel connait des requêtes qui lui sont soumis à travers une certaine procédure (1). Ladite procédure peut s’entendre comme une succession d’acte allant de la saisine du Conseil jusqu’à l’exécution de la décision rendue par ce dernier. De ce fait, c’est donc une procédure enclenchée par un requérant et clôturée par le prononcé de la décision (2) du Conseil qui produit des effets irréversibles (3).

1) La procédure applicable devant le Conseil constitutionnel

Il faut dire d’emblée que la loi est très flou sur la procédure applicable devant le Conseil relativement aux contentieux non électoral, elle se borne à décrire la procédure à suivre en cas de contentieux relatif au contrôle de constitutionnalité des lois sans dire si cette procédure s’applique également aux autres contentieux non électoral. Cependant, la procédure en question n’étant point incompatible aux autres contentieux extra électoral, il est donc plausible de conclure à son applicabilité à ceux-ci sans faire fausse route d’un point de vu objectif.

Ainsi, les contentieux étudiés présentent peu de divergences procédurales et une importante similitude marquée tout d’abord par l’absence de délai de saisine. En effet, peu importe le type de contentieux mis en œuvre, le requérant n’est soumis à aucun délai de saisine du Conseil, même d’ordre indicatif. Tout requérant doit donc introduire sa requête tant que, eu égard du type de contentieux concerné, le Conseil peut l’examiner valablement. Ensuite l’identité des caractéristiques de la procédure. Elle est gratuite, écrite, secrète et facultativement contradictoire. En effet si le contentieux électoral est nécessairement contradictoire en respect des exigences du procès équitable, ce n’est pas le cas pour les contentieux extra électoral.
Rien dans les textes applicables au Conseil n’impose à celui-ci une instruction contradictoire des requêtes portant sur le contentieux non électoral, et cela se justifie dans la mesure où ces requêtes ne mettent pas en opposition réelle des parties et sont soumis au jugement du Conseil qui statue souverainement dessus.

Enfin, dans tous les cas de saisine, le Conseil dispose d’un délai de quinze jours pour rendre sa décision à compter de la date de réception de la requête. Toutefois, ce délai peut être ramené à huit jours à la demande du président de la République. Les points communs de procédure dégagés, l’on peut à présent s’attarder sur les traits de procédure propre à chaque contentieux étudié.

Commençons par le contentieux institutionnel, il s’ouvre sur saisine du Conseil par les autorités précitées (note 29). Le requérant adresse une simple lettre datée et signée au président du Conseil par voie postale ou par dépôt au secrétariat général dudit Conseil. La requête doit être motivée et comporter un exposé des moyens en fait et en droit qui la fondent. Avis de la requête est donné au président de la République, et aux présidents des chambres qui en informent les membres de leur chambre. Le Conseil se réunit ensuite sur convocation de son président ou du conseiller-doyen et statue sur la requête. Il siège à huis clos et adopte sa décision à la majorité simple de ses membres. Il faut souligner que le Conseil peut soulever d’office un moyen d’ordre public, dans ce cas il en informe le requérant.

Sous réserve des dispositions pertinentes que prévoira le règlement intérieur du Conseil en matière de procédure, la procédure sus décrite est en principe applicable dans son intégralité au contentieux du contrôle de constitutionnalité des traités et accords internationaux, au contentieux institutionnel, au contentieux de la recevabilité d’un texte devant les deux chambres du parlement et au contentieux relatif au contrôle de constitutionnalité des règlements intérieurs des chambres du parlement. Sauf que pour ce dernier la saisine est obligatoire et systématique et ne peut être que l’œuvre du président de chambre concerné, nul besoin n’est aussi de motiver sa requête pour ce dernier.
La procédure menée régulièrement, elle aboutit au prononcé de la décision du Conseil.

2) La décision du Conseil constitutionnel

Deux éléments pertinents sont notables à ce stade, le premier est que toute décision du Conseil doit être motivée, elle est lue en séance publique et est insérée au journal officiel pour large diffusion. Elle est exécutoire dès sa lecture et doit être exécutée sans délai.
Le second élément réside dans la nature de la décision. En effet, dans le contentieux de la recevabilité d’un texte à l’Assemblée Nationale ou au Sénat, le Conseil se bornera à dire si le texte déféré est recevable ou pas. Idem dans un contentieux institutionnel, le Conseil devra dire quelle institution est titulaire de telle ou telle prérogative au détriment d’une autre. Dans le contentieux du contrôle de constitutionnalité des règlements intérieurs des chambres du parlement, le Conseil devra « valider » ou non lesdits règlements intérieurs en déclarant s’ils sont conformes ou non dans leur intégralité à la constitution. La logique est la même dans le contentieux du contrôle de constitutionnalité des traités et accords internationaux, le Conseil doit se prononcer sur leur entière conformité à la Constitution.

Par contre dans le contentieux du contrôle de constitutionnalité des lois, quatre décisions sont possibles. Premièrement le Conseil peut déclarer que la loi est conforme à la Constitution. Deuxièmement, il peut la déclarer non conforme à la Constitution. Troisièmement, il peut déclarer une disposition de la loi contraire à la Constitution et inséparable de la loi et enfin, il peut déclarer une disposition de la loi contraire à la Constitution et séparable de celle-ci . Peu importe la nature de la décision, les effets sont implacables.

3) Les effets de la décision du Conseil constitutionnel

Les décisions du Conseil comportent des effets variables et des effets invariables. Les effets variables sont propres à chaque décision tandis que ceux invariables s’appliquent indifféremment à toutes les décisions.
Relativement aux effets invariables, on peut citer l’autorité absolue desdites décisions sur toute personne physique ou morale ainsi que sur toutes les autorités civiles, administratives, militaires, législatives, politiques et même juridictionnelles. Leur exécution sans délai ou immédiate, leur intangibilité et leur inattaquabilité devant toute institution de l’État.

En ce qui concerne les effets variables, elles se dévoilent à l’étude de chaque type de contentieux que connait le Conseil. A cet effet, si le Conseil déclare le règlement intérieur d’une chambre du parlement non conforme à la Constitution (même si ce n’est qu’une seule disposition), ledit règlement intérieur ne peut entrée en vigueur s’il n’a été modifié. Si le Conseil déclare un traité ou un accord international non conforme à la Constitution, alors il ne pourra être ratifié ou approuvé qu’après modification de la Constitution. Si le Conseil déclare une loi non conforme à la Constitution, alors elle ne peut être promulguée. S’il déclare l’une de ses dispositions non conforme à la Constitution et inséparable de la loi, alors cette loi ne peut être promulguée. Si par contre il déclare la disposition litigieuse séparable de la Constitution, alors la loi sera promulguée à l’exclusion de cette disposition ou soumis pour un nouvel examen des chambres par le président de la République. De même si le Conseil déclare un texte irrecevable devant l’une des chambres du parlement, alors ce texte ne peut être soumis à l’examen des chambres.

Enfin, la décision prise dans un contentieux institutionnel est d’application stricte et l’institution reconnue titulaire d’une compétence ou d’une attribution donnée peut l’exercer dans le strict respect des prescriptions du Conseil.

Bien qu’assez importante, la fonction contentieuse extra électorale du Conseil n’est point comparable et identique à celle électorale du double point de vu de leur densité et des caractéristiques de leur mise en œuvre.

III) La fonction contentieuse électorale du Conseil constitutionnel.

C’est à l’heure actuelle sa fonction contentieuse majeure, celle grâce à laquelle il possède une vie épisodique et retient saisonnièrement l’attention de la communauté nationale et internationale. C’est une fonction que nous étudierons en déclinant primo, sa consistance (A) et secundo, les procédures contentieuses y afférentes (B).

A) La consistance de la fonction

La consistance de la fonction contentieuse électorale du Conseil s’articule principalement autour de trois axes majeurs. Le contentieux de l’élection présidentielle (1), celui des élections parlementaires (2) et enfin, celui des consultations référendaires (3).
Le Conseil ayant la mission de veiller à la régularité desdites élections, il intervient autant à la phase préélectorale que post électorale. Il veille donc sur l’ensemble du processus électoral des élections nationales sans toutefois avoir une exclusivité de compétence contentieuse notamment à la phase préélectorale.

1) Le contentieux de l’élection présidentielle

Institué à la fois par la Constitution et par le Code électoral, le contentieux de l’élection présidentielle met en scène les principaux acteurs de la vie politique, ceux-là même qui vise la conquête du pouvoir et la direction du pays. Il apparait donc logique au vu d’un tel enjeu que les contestations pouvant survenir à l’occasion de cette élection soit confiées à une institution à l’autorité incontestable.

La fonction contentieuse du Conseil s’exerce en amont et en aval du scrutin. En amont le Conseil est juge de l’éligibilité ainsi que des contestations relatives aux sigle, couleur et symbole adoptés par un candidat et enfin, juge du contentieux de l’acceptation ou du rejet des candidatures. Ce qui signifie qu’il ne connait pas du contentieux relatif à l’établissement des listes électorales, des cartes électorales et leur distribution. Idem pour le contentieux de la campagne électorale.

Relativement au contentieux de l’éligibilité, il faut noter qu’il porte sur l’ensemble des conditions à remplir par tout candidat en tant qu’individu et citoyen. L’inéligibilité peut être constatée par le Conseil à tout moment du processus électoral, mais la logique nous commande de le situer après la publication de la liste des candidats retenus par le Conseil électoral. Il est alors partie intégrante du contentieux des candidatures. Il faut cependant dire que le Code électoral n’a pas limité le contentieux propre de l’éligibilité dans le temps.
Or, quand on sait par exemple qu’en droit la fraude vicie et annule tout droit acquis par son fait et à tout moment. Rien n’interdit de ce fait que le Conseil puisse connaitre d’un recours en inéligibilité effectué post proclamation des résultats, soit pendant le mandat d’un élu sur cette base. Recours d’autant plus possible qu’il est ouvert à toute personne intéressée et au procureur de la République, ce qui facilite sa réalisation.

L’on ne peut qu’espérer que la jurisprudence future du Conseil nous situe à ce sujet.
Le contentieux des sigle, couleur et symbole est un contentieux assez particulier car il est plutôt d’ordre éthique que politique, il vise la sincérité et la clarté du vote des électeurs qui ne doivent pas attribuer leur voix par erreur à un candidat. C’est un contentieux qui ne s’ouvre qu’après la publication de la liste des candidatures, il est donc impossible de saisir le Conseil avant, sur la base d’une simple présomption qui pourrait émaner d’une lutte entre partis politiques issus d’un parti unique initial et se revendiquant chacun l’héritage du parti mère et de ses symboles.

Le contentieux des candidatures quant à lui traite de l’acceptation ou du rejet d’une candidature par le Conseil électoral d’ELECAM. Le Conseil doit alors se prononcer sur la régularité du rejet ou de l’acceptation. La jurisprudence à ce sujet semble montrer que les candidats dont la candidature a été rejetée ne peuvent contester une candidature acceptée mais doivent se borner à contester le rejet de la leur. Il faut préciser que ce contentieux porte à la fois sur l’éligibilité du candidat et sur sa conformité aux règles relatives à la déclaration de candidature, la constitution du dossier de candidature et le dépôt de la candidature. Passé ce contentieux préélectoral, le Conseil doit à nouveau intervenir en aval de l’élection pour juger des contestations afférentes au scrutin. C’est le contentieux post électoral.

Le contentieux post électoral est l’apanage exclusif du Conseil, il consiste pour ce dernier à se prononcer sur la régularité de l’élection et peut aboutir à une annulation totale ou partielle de l’élection. Le Conseil vérifie alors le déroulement du scrutin dans son ensemble dans une ou plusieurs localité(s) sur saisine d’un requérant habileté. Ces vérifications portent sur plusieurs éléments qui, non respectés, affectent plus ou moins considérablement la régularité de l’élection, qu’elle soit présidentielle ou même parlementaire d’ailleurs.

2) Le contentieux des élections parlementaires

C’est le contentieux des élections au sein des chambres du Parlement, il porte donc à la fois sur l’élection des députés et celle des sénateurs. Il se compose d’un contentieux préélectoral et d’un contentieux post électoral. Cette fonction contentieuse du Conseil est très proche de celle mise en œuvre dans le contentieux de l’élection présidentielle.
Ainsi, sur le plan du contentieux préélectoral, l’on retrouve une typologie de contentieux identique. A savoir : le contentieux de l’éligibilité, le contentieux des candidatures et le contentieux des sigles, couleurs et symbole.

Commençons par l’élection des députés, elle présente une différence principale d’avec l’élection présidentielle en ce qu’elle se fait au scrutin de liste avec pour circonscription électorale, le département. C’est en ces différences que résident ses spécificités par rapport au contentieux de l’élection présidentielle et l’originalité de la fonction contentieuse du Conseil.
L’analyse de son contentieux préélectoral montre une certaine particularité relativement à son contentieux de l’éligibilité. En effet, quatre données le démontrent. L’âge tout d’abord, qui est réduit à 23 ans révolu au jour du scrutin, les étrangers naturalisés camerounais qui peuvent être candidat dix ans après la date de leur naturalisation et l’obligation pour les députés de rester éligible tout au long de leur mandat. Le Conseil statue sur l’éligibilité des députés dans les trois jours de sa saisine par toute personne intéressée ou par le ministère public.

Le contentieux des candidatures revêt lui aussi une certaine spécificité dans la mesure où contrairement à l’élection présidentielle qui se fait au scrutin uninominal, celle des députés se fait au scrutin de liste. Ainsi, les déclarations de candidature ne sont pas individuelles mais collectives. Chaque parti doit dans le cadre d’une circonscription électorale produire une déclaration de candidature pour l’ensemble de ses candidats postulant à l’élection à venir. Tous des candidats doivent dont être en conformité avec les exigences de la loi, faute de quoi la liste et l’ensemble de ses candidatures seront rejetées. Le Conseil contrôle dont minutieusement la régularité de chaque candidat présent sur une liste déférée à son examen. Il contrôle tout particulièrement le respect des exigences relatives au genre et à la représentativité des composantes sociologiques du département.

Le contentieux des sigles, couleurs et symbole ne présente aucune particularité, il s’agit de s’assurer que chaque liste de candidat a son bulletin de vote et ses affiches frappés aux couleur, sigle et symbole de son parti politique afin qu’il soit aisément identifiable par ses militants. Le requérant habileté doit saisir le Conseil deux jours au plus suivant la publication des listes de candidature à l’élection législative.

Le contentieux post électoral de l’élection législative est parfaitement identique dans son objet et son but à celui de l’élection présidentielle. Il s’agit pour le Conseil de vérifier la régularité des opérations électorales menées le jour du scrutin. Cela va de même à l’occasion des élections sénatoriales.
L’élection des sénateurs présente aussi une certaine originalité notamment en ce qui concerne le rapport entre l’étendue géographique de la circonscription électorale et le nombre de siège à pourvoir, soit 7 par région. Par ailleurs, les électeurs aussi sont plutôt d’un nombre restreint, puisque le collège électoral n’est composé que de grands électeurs. Ce qui réduit fortement à la fois le nombre de candidats et de partis en compétition et limite de fait les contentieux probables. En effet, le mode d’élection au sénatoriale permet de pronostiquer assez aisément qui peut être vainqueur et les partis ne possédant pas de chances véritables de rafler au moins un siège ne se risqueront pas à se lancer dans une aventure dont la seule certitude est qu’elle affectera leurs finances.
Aussi, c’est une fonction contentieuse du Conseil qui n’est pas des plus exubérantes, bien qu’elle ne soit pas inutile. Elle s’articulera comme pour les autres élections autour d’un contentieux préélectoral et d’un contentieux post électoral.

Relativement au premier, le Conseil devra se pencher sur le contentieux de l’éligibilité des sénateurs. Ces derniers partagent un régime commun de critères d’inéligibilités et d’incompatibilités avec les députés, à la seule différence que l’âge minimum est de 40 ans révolu au jour du scrutin, doublé de l’exclusion des étrangers même naturalisés. Le Conseil statue dans les trois jours de sa saisine sur l’éligibilité du candidat. Il faut dire cependant que, eu égard à la nature du mode de scrutin employé pour les sénatoriales à savoir le scrutin de liste, le contentieux de l’éligibilité ne peut être dans la pratique séparé du contentieux des candidatures car, les candidatures étant retenues non pas individuellement mais par liste. ELECAM publie la liste des listes candidates et c’est la liste entière qui peut être attaquée devant le Conseil, qui, à l’occasion vérifie l’éligibilité de tous ses membres.

Le contentieux des sigle, couleur et symbole suit le même régime que celui mis en œuvre à l’occasion des élections sus étudiées. Ainsi, il intervient après la publication des listes candidates et il revient au requérant de saisir le Conseil au plus tard deux jours après la publication desdites listes.
Le contentieux des candidatures lui aussi vise comme dans les cas précédents à contrôler la conformité de la liste déférée aux exigences légales en matière de constitution du dossier de candidature, choix des candidats, dépôt des candidatures dans les délais… Ce contentieux d’apparence banale s’est pourtant révélé être le plus important lors des dernières sénatoriales au Cameroun. Pour les partis minoritaires en lice c’est l’unique chance d’écarter le parti favori de fait, et récolter ses voix.

Le contentieux post électoral aux élections sénatoriales ne va pas se développer de sitôt, car dans la configuration actuelle de ladite élection, les résultats peuvent clairement être connus de tous à l’avance et toute manipulation des suffrages ne peut logiquement passer inaperçue. Il faudra donc sans doute attendre des élections sénatoriales avec un rapport de force plus serré entre les partis en présence pour que le Conseil connaisse d’un réel contentieux post électoral. Dans tous les cas, ledit contentieux post électoral vise la vérification de la régularité des opérations électorales et peut conduire à une annulation totale de l’élection dans une circonscription électorale. Quid des consultations référendaires ?

3) Le contentieux des consultations référendaires

Même si un référendum ne met pas en confrontation directe deux ou plusieurs partis visant un siège électif, il n’est pas pour autant un champ de bataille politique de petite envergure. L’enjeu politique de tout référendum n’est pas à démontrer et de ce fait, y prend part tout les principaux partis politiques du pays. Ce qui veut dire que la fonction contentieuse du Conseil en cette matière n’est pas à prendre à la légère. Cette fonction contentieuse va une fois de plus se déployer à la phase pré-référendum et post référendum de la consultation.
Relativement à sa phase préélectorale, le Conseil va connaitre du contentieux relatif au rejet d’une demande de participation d’un parti politique à la campagne référendaire. Le rejet est l‘œuvre du Conseil électoral d’ELECAM. Le parti dont la demande est rejetée ne peut pas contester l’acceptation de la demande d’un autre parti, il doit se contenter de plaider devant le Conseil pour l’acceptation de sa demande.

Ce contentieux est le seul prévu par les textes à la phase préélectorale. Il n’y a donc pas de contentieux de l’éligibilité ou des sigle, couleur et symbole. La phase post électorale elle aussi ne connait que du contentieux de la régularité des opérations électorales. Il s’ouvre dès la clôture du vote référendaire mais n’est curieusement pas accessible aux partis ayant régulièrement pris part à la campagne référendaire. Seules certaines autorités peuvent saisir le Conseil en contestation de la régularité des opérations référendaires. Dans tous les cas, la fonction contentieuse du Conseil s’exerce à travers le respect d’une procédure bien établie mais encore perfectible qui lui permet de trancher les requêtes à elle soumise.

B) La procédure applicable

Il faut dire que le législateur par souci de simplicité a prévu un encadrement juridique identique tant à la phase préélectorale que post électorale du contentieux relatif aux élections dont le Conseil est juge (1), de même, il a prévu un régime identique pour ce qui est du déroulement de l’instance contentieuse (2) de telle sorte que seule la procédure contentieuse en matière référendaire soit véritablement atypique (3).

1) La procédure contentieuse pré et post électorale aux élections présidentielle et parlementaires.

Toutes les élections nationales présentent la même architecture contentieuse, celle-ci s’articule autour du contentieux des candidatures, le contentieux des sigles, couleurs et symboles et le contentieux des opérations électorales. A coté de ces trois contentieux, le Code électoral a curieusement aménagé un contentieux de l’éligibilité sans justification flagrante.
Le contentieux préélectoral soit celui des candidatures et des sigle, couleur et symbole débute avec la publication de la liste des candidats ou des listes candidates. A ce moment, tout requérant habileté peut dans un délai maximum de deux jours suivant publication de la liste, saisir le Conseil pour contester le rejet de sa candidature ou l’acceptation d’une candidature ou dénoncer les sigle, couleur et symbole adoptés par un parti politique ou n candidat.

A peine d’irrecevabilité la requête doit comporter les indications habituelles et préciser les éléments de fait et de droit qui la fondent. La requête est déposée au secrétariat général du Conseil et récépissé attestant du dépôt d’une requête est remise au requérant. La requête est affichée au Conseil dans les vingt-quatre heures de son dépôt et transmis à toutes les parties intéressées par tout moyen rapide laissant trace. Ces derniers disposent d’un délai de vingt-quatre heures pour produire et déposer leur mémoire en réponse accompagnée de pièces justificatives le cas échéant au Conseil. Un récépissé attestant du dépôt de leur mémoire leur est délivré. Dans tous les cas, le Conseil dispose d’un délai maximum de dix jours pour statuer suivant la date de dépôt de la requête introductive d’instance. En cas de contestation relative aux sigle, couleur et symbole adopté par un candidat. Le Conseil attribue par priorité à chaque candidat son sigle, sa couleur ou son symbole traditionnel par ordre d’ancienneté du parti qui l’a investi et dans les autres cas, suivant la date de dépôt des candidatures, le récépissé de dépôt faisant foi. Ce recours n’est pas suspensif.

Le contentieux post électoral, soit celui relatif au déroulement du scrutin débute dès la clôture du scrutin. Ainsi, tout parti politique ayant pris part à l’élection, tout candidat ou toute personne ayant la qualité d’agent du gouvernement pour l’élection concernée, peut dans un délai maximum de soixante-douze heures suivant la clôture du scrutin saisir le Conseil d’une requête en annulation totale ou partielle des élections. Le requérant doit adresser un simple lettre datée et signée au Conseil contenant un exposé sommaire des faits et moyens allégués et indiquant ses nom, prénoms, qualité et adresse ainsi que les noms de l’élu ou des élus dont l’élection est contestée. La requête est affichée au Conseil dans les vingt-quatre heures maximum suivant son dépôt et transmise à toute partie intéressée. Celles-ci disposent d’un délai de quarante-huit heures pour déposer leur mémoire en réponse, le Conseil peut également entendre tout requérant ou demander contre récépissé, la production de pièces à conviction. Le Conseil peut sans instruction préalable contradictoire rejeter toute demande manifestement infondée ou s’appuyant sur des griefs insusceptibles d’avoir une incidence sur le résultat des élections, sa décision doit être motivée.
Dans tous les cas, le Conseil ne doit excéder durant son office, les délais prévus pour la proclamation des résultats, à savoir ; quinze jours pour les élections présidentielle et sénatoriales et vingt jours pour les élections législatives. En cas d’annulation totale ou partielle des élections, le Conseil en notifie ELECAM et le ministre en charge de l’administration territoriale. Les élus sortants restent en fonction jusqu’à l’organisation de nouvelles élections. Quid de la procédure suivie lors du déroulement de l’instance contentieuse ?

2) La procédure suivie durant l’instance contentieuse

En matière de contentieux électoral rentrant dans la compétence du Conseil, la procédure applicable par ledit Conseil durant l’instance contentieuse est essentiellement dressée par la loi 2004/004 précitée notamment au Chapitre VII de son Titre IV intitulé : « Des autres formes de procédure ». Ledit chapitre définit la procédure applicable devant le Conseil relativement à l’introduction d’instance, l’instruction de la requête, l’adoption de la décision et son prononcée en matière électorale, référendaire et pour tous les autres contentieux.

En matière électorale tout d’abord, la procédure est la suivante. Le requérant doit saisir le Conseil sur simple lettre adressée par voie postale ou par dépôt au secrétariat général dudit Conseil, la requête est enregistrée à son arrivé et un récépissé de dépôt est remis au requérant. La requête doit par ailleurs être signée et datée par le requérant et contenir un exposé sommaire des faits et moyens qui la fondent. Le secrétaire général informe l’élu ou les élus visé(s) par une requête et lui imparti un délai pour répondre au mémoire qui le met en cause. Par ailleurs, dès réception de la requête par le Conseil, le président désigne un rapporteur parmi les conseillers pour instruire l’affaire. Celui-ci peut entendre le cas échéant les parties, peut demander la production de pièces à conviction, ordonner une mesure d’instruction ou une enquête, solliciter un avis ou entendre toute personne susceptible de l’éclairer. A la fin de l’instruction, il rédige un rapport aux modalités fixées par la loi accompagné d’un projet de décision qu’il soumet au président du Conseil. Ce dernier fait transmettre le rapport et le projet de décision aux autres membres du Conseil par les soins du secrétaire général.
Le Conseil se réuni ensuite au jour d’audience fixé par son président et juge toutes les affaires inscrites à l’ordre du jour. L’audience est publique, les parties sont entendues et elles peuvent être assistées par un conseil de leur choix, les membres du Conseil sont appelés à s’exprimer à l’invitation du président durant les débats. A la fin de l’audience les conseillers se retire pour délibérer et adopter une décision. A cet effet, ils examinent et adoptent le projet de décision ou l’amendent au besoin, l’adoption se fait à la majorité simple des conseillers présents. La décision est obligatoirement rendue au cours d’une audience publique et immédiatement exécutoire. Elle est insusceptible de recours excepté pour rectification d’erreurs matérielles. La décision est notifiée au requérant et aux parties intéressées.

La procédure est gratuite, écrite et contradictoire, le Conseil peut sans instruction contradictoire préalable, rejeter toute demande manifestement irrecevable par décision motivée. La décision est aussitôt notifiée au requérant et aux parties intéressées.
La procédure contentieuse en matière référendaire n’est pas totalement décalée de celle sus décrite.

3) La procédure suivie devant le Conseil constitutionnel en matière référendaire

Le Conseil veille à la régularité du référendum et de ce fait, connait du contentieux y afférent. Il est à ce titre juge du contentieux pré-référendum et de celui post référendum. Le premier ne porte que sur un seul contentieux possible, c’est celui de la campagne référendaire et le second porte sur le contentieux des opérations référendaires.
Relativement au contentieux de la campagne référendaire, il porte assez précisément sur la participation à la campagne référendaire. Ainsi, au rejet de la demande de participation d’un parti politique à la campagne référendaire par ELECAM. Ce dernier doit saisir le Conseil dans les soixante-douze heures maximum suivant notification ou publication de la décision de rejet. Sa requête doit satisfaire à toutes les obligations de forme et de fond sus mentionnées. Récépissé lui est délivré pour attester du dépôt de sa requête et ladite requête est affichée dans les vingt-quatre heures suivant dépôt au Conseil et transmise aux parties intéressées (ELECAM en l’espèce). Celles-ci disposent en principe d’un délai de quarante-huit heures maximum pour y répondre et récépissé attestant du dépôt de leur mémoire leur est délivré.
Dans tous les cas, l’instruction de l’affaire et l’adoption d’une décision se fait selon la procédure prévue par les articles 60 à 64 de la loi de 2004 précitée. Les débats et la délibération se font à huis clos. Le Conseil peut rejeter via une décision motivée toute requête manifestement irrecevable, il en notifie l’auteur et les parties intéressées.

Sur le plan du contentieux des opérations référendaires, le Conseil connait des contestations relatives à la régularité du déroulement desdites opérations. Toutefois, sa saisine et son contentieux est plus proche du contentieux du contrôle de constitutionnalité des lois que du contentieux électoral quel qu’il soit. Ainsi, seul le président de la République, le président du Sénat, le président de l’Assemblée Nationale, un tiers des sénateurs et un tiers des députés peuvent saisir le Conseil en contestation ou réclamation relative aux opérations référendaires. La requête doit être motivée, datée et signée du requérant, comporter un exposé des moyens de fait et de droit qui la fondent. Avis de la saisine est donné sans délai par le Conseil au président de la République, et aux présidents des chambres qui en informent leur membre.
Le Conseil peut se prononcer sur l’ensemble de la loi à lui déféré et dispose d’un délai de quinze jours pour rendre sa décision suivant le jour de sa saisine. Ce délai peut être ramené à huit jours à la demande du président de la République. Il peut d’office soulever un moyen d’ordre public, il en informe le cas échéant l’auteur de la saisine.

La saisine du Conseil doit intervenir avant la promulgation de la loi votée par référendum. Le Conseil en cas de constat d’irrégularité peut selon leur gravité maintenir les résultats du référendum ou les annuler. L’instruction, l’adoption et le prononcé de la décision sont fait suivant les dispositions des articles 60 à 64 de la loi de 2004 précitée. Toutefois les débats et la délibération sont à huis clos.

En guise de conclusion, nous dirons que le Conseil constitutionnel camerounais est une institution mitigée et tel semble être le vœu du politique. Mitigée d’abord sur le plan de son existence ou de son effectivité, car il n’existe toujours pas officiellement et la configuration actuelle du Conseil de substitution qu’assure la Cour Suprême n’offre qu’une substitution partielle, réduit inexplicablement au contentieux électoral.

Mitigée ensuite parce que les textes qui consacrent et organisent autant le Conseil attendu que celui de substitution nous laissent sur notre faim dans la mesure où, l’indépendance, l’impartialité et la stabilité des membres restent à aboutir, certaines procédures contentieuses restent à clarifier pour l’administration d’une justice de qualité et de confiance par le Conseil et un flou incompréhensible entoure certaines dispositions telles celles relatives au possible contentieux entre les institutions d’État.

Mitigée enfin parce que contrairement à la tendance africaine et occidentale qui commande de plus en plus d’ouvrir le prétoire du juge constitutionnel au citoyen. Le législateur camerounais à une fois de plus, regrettablement brillé par son affection du présidentialisme et de l’autoritarisme au détriment de la démocratie en optant pour un casting hyper restreint de requérants dans le contentieux constitutionnel politique et un casting peu ouvert dans le contentieux constitutionnel électoral.

Il urge donc pour les pouvoirs publics de corriger toutes ces déficiences de la juridiction constitutionnelle camerounaise et de la mettre ensuite sur pied sans délai afin que cette dernière soit crédible tant sur le plan national qu’international, mais surtout efficace dans l’accomplissement de ses délicates missions. Un tel état de choses ferait du Conseil non pas une simple institution de régulation du jeu politique, mais une institution moderne, démocratique, digne devant ses consœurs et un réel vecteur du développement socioéconomique national et de la consolidation de l’État de droit.

Samuel Stéphane TCHIDJO