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Négocier une rupture conventionnelle avec un salarié : 5 points clés. Par Bastien Peron, Avocat.
Parution : vendredi 15 juillet 2016
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La rupture conventionnelle homologuée, instaurée en 2008, constitue désormais une des modalités de rupture du contrat de travail les plus usitées. Près de 390.000 demandes d’homologation ont été présentées en 2015.

Si ce mode de rupture présente l’intérêt d’être relativement simple, comparé notamment à une procédure de licenciement, il n’en reste pas moins que les entreprises doivent faire preuve de vigilance dans sa mise en place, tant dans le respect de la procédure que dans l’approche stratégique à adopter.

1. Appréhender le contexte de la rupture conventionnelle

Une rupture d’un commun accord suppose une négociation libre et un accord éclairé de chaque partie. Elle ne peut être imposée ni par l’employeur, ni par le salarié.

Le contexte dans laquelle l’accord intervient est ainsi primordial. Notamment, une telle rupture ne peut intervenir dans le cadre d’une procédure de licenciement ou sous la menace d’un licenciement et elle semble également être exclue en cas d’accusations de harcèlement ou de discrimination.

La plus grande prudence doit également être observée en cas de rupture intervenant dans un contexte conflictuel ou à des instants sensibles : maternité, arrêt de travail, accident du travail, maladie professionnelle…

Si la jurisprudence ne s’oppose pas à ce qu’une rupture puisse être convenue pendant ces périodes particulières au cours desquelles le salarié bénéficie d’une protection spécifique, il reste préférable de l’éviter ou à tout le moins de prendre toutes les précautions nécessaires permettant d’écarter un risque de contestation.

Enfin, une attention toute particulière doit également être observée lorsqu’une telle rupture intervient dans un contexte de réduction d’effectif.

2. Avoir conscience des limites de la rupture conventionnelle

Une rupture conventionnelle ne constitue pas un accord transactionnel. En d’autres termes, elle ne fait pas obstacle à la possibilité pour le salarié d’engager ensuite une action contentieuse à l’encontre de son employeur pour revendiquer des rappels de salaires, heures supplémentaires ou dommages et intérêts.

Le salarié garde également la possibilité de revendiquer la nullité de la rupture conventionnelle s’il estime que son consentement était vicié, et ceci en vue de requalifier la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse voire en licenciement nul et d’obtenir des dommages et intérêts.

Étant au surplus précisé que la Cour de cassation a jugé que la convention de rupture ne peut valablement comporter une clause selon laquelle le salarié renonce à toute instance ou action et qu’il n’est pas possible de conclure une transaction portant sur un différend relatif à la rupture du contrat de travail.

Seuls les différends portant sur l’exécution du contrat de travail peuvent dans ce cadre faire l’objet d’une transaction, ce qui implique généralement que l’indemnité transactionnelle versée sera soumise à cotisations sociales.

3. Anticiper les conséquences d’une négociation infructueuse ou d’une rétractation

L’engagement de négociations en vue d’une rupture conventionnelle n’est pas une démarche anodine. Il ne doit jamais être exclu un échec des négociations ou une rétractation du salarié qui ne serait pas sans conséquence.

En effet, des discussions sur une rupture conventionnelle qui n’aboutiraient pas fragilisent nécessairement la mesure de licenciement que l’entreprise pourrait décider de prendre par la suite.

Raison pour laquelle il est préférable que les négociations restent, autant que possible, officieuses et confidentielles lorsque l’employeur en est à l’origine et qu’il ne soit pas acté la volonté de l’entreprise de rompre le contrat de travail.

Au contraire, lorsque l’initiative des discussions émane d’un salarié, il peut s’avérer intéressant pour l’employeur de les officialiser, en particulier lorsque ce dernier ne souhaite pas y donner suite.

Une telle démarche du salarié est révélatrice d’une volonté de sa part de quitter l’entreprise, situation qui peut être exploitée pour démontrer, si le salarié présente ensuite des doléances, que celles-ci sont purement opportunistes dans une perspective d’obtenir une rupture du contrat de travail sans démissionner.

4. Déterminer le coût exact de la rupture conventionnelle

L’impact du versement d’une indemnité spécifique de rupture conventionnelle doit être appréhendé dans tous ses aspects :

(i) Pour l’employeur, le coût de l’indemnité de rupture conventionnelle doit être déterminé en fonction de son régime social et des cotisations étant à sa charge.

L’indemnité de rupture conventionnelle est exonérée de cotisations sociales (hors CSG et CRDS) dans certaines limites, dès lors que le salarié n’est pas en mesure de liquider ses droits à la retraite, même taux réduit, lors de la rupture de son contrat de travail.

Pour les seniors, il est donc indispensable que l’employeur sollicite du salarié la communication d’un relevé de carrière, voire d’une attestation de situation émise par la CARSAT. A défaut d’un tel document, l’entreprise s’expose un risque de redressement URSSAF.

La part de l’indemnité de rupture conventionnelle exonérée de cotisations sociales est assujettie au forfait social à la charge de l’employeur. A minima, le coût de l’indemnité de rupture représente donc 120% de son montant brut.

(ii) Pour le salarié, le montant net de l’indemnité versé doit être déterminé après précompte de la CSG et la CRDS et le cas échéant des cotisations sociales applicables sur la part de l’indemnité non exonérée.

Le versement d’une telle indemnité a également des conséquences en matière d’indemnisation par Pole Emploi qui, en fonction du montant versé, applique un différé d’indemnisation pouvant aller jusqu’à 180 jours (6 mois) pendant lequel le salarié ayant quitté son emploi ne pourra percevoir d’allocations chômage.

5. Aller au-delà du dispositif légal

La validité d’une rupture conventionnelle suppose le respect d’une procédure stricte, s’étalant sur environ 5 semaines a minima, auquel il est naturellement impératif de veiller de manière rigoureuse.

Mais pour sécuriser la rupture et limiter un éventuel risque de contestation, il est recommandé d’aller au-delà des dispositions légales, en prévoyant la conclusion, en annexe du formulaire de demande d’homologation fourni par l’administration du travail (Cerfa 14598*01), d’un véritable protocole de rupture comportant notamment :

Bastien Peron / Avocat associé www.ampea.fr www.droitsocial-ampea.com