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Avocats au Barreau de Paris : et si vous étiez Zen Prud’hommes ? Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : mercredi 17 août 2016
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Pour compléter les mesures du décret n°2016-660 du 20 mai 2016 relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail visant à raccourcir les délais de traitement des affaires devant le Conseil de prud’hommes de Paris, le 7 juin 2016 l’Ordre des avocats a adopté une charte appelée « Zen Prud’hommes ».

Cette charte a été rédigée à la suite du constat selon lequel entre 120 et 150 dossiers sont appelés chaque jour devant le Conseil de prud’hommes de Paris et environ 30% de ces affaires font l’objet de demandes de renvoi. Pour y remédier, la charte encadre plus encore la communication des pièces et conclusions entre avocats (1) et porte création d’une permanence ordinale dédiée (2).

Elle ne sera toutefois applicable que devant le Conseil de prud’hommes de Paris et uniquement dans les affaires où au moins un avocat parisien intervient.

1. Les règles et délais de communication des conclusions et pièces devant le Conseil de prud’hommes.

L’article 3 de la Charte Zen Prud’hommes entend limiter les demandes de renvoi de l’audience en organisant les cas dans lesquels le renvoi de l’audience ou le rejet des pièces et conclusions pourra être demandé.

Il faut distinguer 3 situations :

1.1) Le demandeur « bonus  » : le demandeur a saisi le Conseil de prud’hommes par requête avec exposé des moyens et prétentions accompagnée de ses pièces et/ou a conclu et communiqué ses pièces dans les délais du calendrier fixé par le Conseil de prud’hommes. Le défendeur doit communiquer ses pièces et conclusions en réponse au moins 2 mois avant la date de l’audience, à défaut le demandeur peut en demander le rejet.

1.2) Le demandeur « vigilant » : le demandeur a communiqué ses pièces et conclusions postérieurement au calendrier fixé par le Conseil de prud’hommes mais plus de 3 mois avant la date de l’audience. Si le défendeur conclut et communique ses pièces moins de 8 jours avant l’audience, le demandeur peut en demander le rejet.

1.3) Le demandeur « malus » : le demandeur a communiqué ses pièces moins de 2 mois avant l’audience. Le demandeur doit s’associer à une éventuelle demande de renvoi du défendeur et ne peut demander le rejet des conclusions et pièces communiquées par le défendeur avant l’audience.

Il convient toutefois de noter que ces délais ne seront a priori opposables qu’aux avocats liés par la charte donc exclusivement aux avocats inscrits au Barreau de Paris.

Par ailleurs, il convient de noter qu’aucune disposition particulière n’a été prévue pour les affaires qui donnent lieu à une saisine directe du Bureau de jugement (requalification de CDD en CDI ou prise d’acte de la rupture du contrat de travail).

2. La mise en place d’une permanence ordinale Zen Prud’hommes physique et numérique.

La mesure phare de la charte adoptée par le Conseil de l’Ordre du Barreau de Paris consiste en la mise en place d’une permanence physique au Conseil de prud’hommes ainsi que d’une permanence numérique disponible à l’adresse zencph chez avocatparis.org.

Cette permanence aura pour mission d’anticiper les difficultés liées à l’application des nouvelles règles mises en place par le décret du 20 mai 2016 ainsi que les litiges liés aux demandes de renvoi.

Elle pourra être saisie tant par un avocat parisien que par un avocat inscrit auprès d’un autre barreau dès lors qu’au moins un avocat au Barreau de Paris interviendra dans le dossier concerné.

La permanence sera assurée par des avocats spécialisés en droit du travail, membres et anciens membres du Conseil de l’Ordre ou possédant une connaissance suffisante des règles déontologiques appelés « référents ordinaux Zen Prud’hommes ».

Les référents ordinaux Zen Prud’hommes seront chargés de veiller au respect des dispositions du décret du 20 mai 2016 ainsi que de la charte. A ce titre, ils pourront émettre des avis et recommandations officielles qui pourront être évoqués devant le Conseil de prud’hommes à qui il reviendra d’en tirer les conséquences utiles.

Ces mêmes référents examineront les demandes de dérogations aux délais de communication imposés par la charte, lesquelles devront être fondées sur des « circonstances exceptionnelles » ou un motif légitime tel que des raisons de santé, la maternité ou encore un empêchement grave.

Si cette charte a été largement adoptée par le Conseil de l’Ordre (2 voix contre et 1 abstention seulement), elle n’est néanmoins pas exempte de toute critique. Les membres du Conseil ayant voté contre la charte estiment en effet qu’il appartient aux seuls juges d’assurer la police des audiences et non aux avocats eux-mêmes et que le rôle de l’Ordre devrait quant à lui se limiter à sanctionner disciplinairement les communications tardives entre confrères.

Enfin, reste à savoir si ces mesures suffiront, en pratique, à limiter les communications tardives entre confrères ainsi que les demandes de renvoi et permettra donc véritablement de réduire les délais moyens de traitement des affaires devant le Conseil de prud’hommes.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum
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