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Carte de paiement et retrait frauduleux. Par Benjamin Blanc, Avocat.
Parution : lundi 25 juillet 2016
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L’utilisation de la carte bancaire (carte bleue, carte visa ...) est le moyen de paiement le plus répandu. Elle est utilisée pour près du tiers des dépenses globales des ménages.
Environ 56 millions de cartes sont en circulation et 9 adultes sur 10 en possèdent une (La lettre des cartes bancaires n°4 - Mai 2008). Selon l’INSEE, 136 transactions par carte bancaire étaient effectuées en 2013 contre 37,4 transactions par chèque.

L’article L.133-23 du Code monétaire et financier pose un principe de présomption de responsabilité de l’émetteur de la carte de paiement en cas d’opération de paiement non autorisée.

Il incombe à la banque de prouver que ces opérations de paiements non autorisées résultent d’un agissement frauduleux du porteur, ou encore que ce dernier n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave (article L.133- 19 du Code monétaire et financier) aux obligations de préservation des dispositifs de sécurité personnels (article L.133-16 du Code monétaire et financier) ou d’information de la banque dès qu’il a eu connaissance de la perte, du vol ou de toute utilisation non autorisée de son instrument de paiement (article L.133-17 du Code monétaire et financier).

La Cour de cassation a récemment rappelé ce principe en indiquant que l’utilisation de la carte de paiement par un tiers avec composition du code confidentiel est, à elle seule, insusceptible de constituer la preuve d’une faute lourde (Cass. Com., 1er mars 2016, n°14-22-946 ; Paris, 5 novembre 2015, n° 13/12908 ; Cass. Civ. 1ère, 28 mars 2008, n°07-10186).

La jurisprudence est venue renforcer cette protection du porteur de la carte en instaurant un devoir de vigilance du banquier.

Ce devoir de vigilance a pour effet de contourner le principe de non immixtion de la banque dans les affaires de ses clients.

C’est ainsi que dans l’arrêt précité du 1er mars 2016 (Cass. Com., 1er mars 2016, n°14-22-946 ; Cass. Com., 16 octobre 2012, n°11-19381 ; Douai, 2 juillet 2015, n°14/05114) la responsabilité de la banque a été retenue car elle a validé dix opérations de débit en cinq jours pour un montant de 1.462 euros alors même que le découvert autorisé n’était que de 200 euros.

Il a toutefois été retenu la négligence grave du porteur qui a tardé à signaler des utilisations non autorisées dont il a eu connaissance (Paris, 18 juillet 2013, n°12/00610).

Ainsi, la faute lourde ou la négligence grave peuvent être définies comme étant un manquement d’une particularité gravité du porteur à ses obligations (Cass. Com., 26 février 1985, n° 83-10811).

Par un arrêt du 28 mars 2008 (Cass. Civ ; 1ère ; 28 mars 2008, n°07-10186) la Cour de cassation a fixé les conditions dans lesquelles la reconnaissance de la faute lourde du porteur pouvait être appréciée :
- l’appréciation du délai d’opposition est fondée sur les habitudes du porteur ;
- la faute lourde provient de la négligence du porteur ;
- la charge de la preuve de la faute incombe à l’émetteur ;
- la seule frappe du code confidentiel est insuffisante à démontrer la faute lourde.

Il convient de rapporter un arrêt de la Cour de cassation du 31 mai 2016 (Cass.Com., 31 mai 2016, n° 14-29506) au terme duquel la Cour de cassation a renversé la charge de la preuve en imposant au porteur de la carte de démontrer qu’il n’avait commis aucune négligence grave au sens de l’article L.133-19 du Code monétaire et financier.

Il s’agit pour le moment d’une jurisprudence isolée qui n’est pas publiée au Bulletin et qui va à l’encontre du principe posé par l’article L.133-23 du Code monétaire et financier.

Par une décision du 18 janvier 2017, la Cour de cassation a rappelé qu’il appartient à la banque « de rapporter la preuve que l’utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à ses obligations ».

(Cass. Com., 18 janvier 2017, n°15-18102)

Par cette décision, la Haute Juridiction interdit à la banque de rapporter la preuve contraire.

Finalement, seul l’aveu du titulaire de la carte de paiement permettra à la banque de ne pas succomber.

Pouvons-nous dès lors parler de preuve irréfragable d’utilisation frauduleuse de la carte de paiement ?

Benjamin BLANC Avocat à la Cour bblanc-avocat.fr