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Secrétaire général de cabinet d’avocats : focus sur le métier et son évolution.
Parution : mardi 26 juillet 2016
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Le métier de secrétaire général de cabinet d’avocats est méconnu. Pourtant, il a un poids de plus en plus important dans les grandes structures qui l’emploient et fait peu à peu son nid dans des cabinets de taille moyenne. Il dispose aussi d’une association, Com’SG qui les regroupe et qui a pour mots d’ordre : partage et réflexion.
Afin de lever le voile sur cette profession, le Village de la Justice a interviewé Angela Trivisonno, secrétaire générale du cabinet Latournerie Wolfrom Avocats depuis 15 ans et présidente de l’association Com’SG qui vient de fêter son 10ème anniversaire.

Laurine Tavitian : En quoi consiste le métier de secrétaire général ou d’office manager de cabinet ? Existe-t-il une différence entre les deux ?

Angela Trivisonno : Le métier dépend de la structure et de l’organisation du cabinet mais les fonctions sont tout à fait les mêmes. Ce métier existait aux Etats-Unis et au Canada mais il a émergé réellement chez nous il y a environ 15 ans. Quand les firmes anglo-saxonnes sont arrivées sur la place de Paris, cela a bouleversé le marché du droit et l’organisation interne des cabinets. Aujourd’hui, dans les grandes structures, il y a plusieurs fonctions supports : le directeur général, le directeur financier, le directeur de la communication, le directeur des ressources humaines le directeur qualité mais surtout chez les anglo-saxons, et le secrétaire général.

Le métier consiste à superviser toutes ces fonctions. Les secrétaires généraux viennent d’univers différents. Très souvent les personnes qui exercent ce métier étaient précédemment directeur d’une des fonctions supports. Il y a donc des profils plus financiers ou plus RH, ou encore plus communicants. Ce n’est pas homogène du tout.
Le secrétaire général a donc une compétence transverse, il peut à tout moment répondre à une opération stratégique, ou « mettre les mains dans le cambouis » si nécessaire. J’ai vraiment le sentiment que les services supports sont une société dans une société et que notre premier client est la communauté d’avocats.

L.T. : Comment ce métier a-t-il évolué depuis 10 ans ?

A.T. : L’évolution a été plutôt positive parce que le secrétaire général touche à tous les postes, de ce fait il connaît bien l’âme du cabinet et peut donc beaucoup mieux avancer. Nous avons entrainé une spécialisation des équipes et les associés ont de plus en plus d’attentes vis-à-vis de nous car ils apprécient notre polyvalence.

"Les secrétaires généraux sont vraiment une courroie de transmission essentielle entre les associés, les collaborateurs et les salariés."


La structure des cabinets est en principe croissante, il y a une concurrence accrue et une concentration du marché qui provoque une augmentation des effectifs moyens. Dans ce contexte, les secrétaires généraux sont vraiment une courroie de transmission essentielle entre les associés, les collaborateurs et les salariés. Il faut s’adapter à chaque groupe au sein même du cabinet.

Les secrétaires généraux prennent du poids mais cela dépend quand même du positionnement que l’associé donne à la fonction. Quand les secrétaires généraux sont bien positionnés dans les cabinets d’avocats, c’est une valeur ajoutée, c’est un gain de temps et d’argent pour l’avocat. C’est donc un poste qui devient incontournable pour les cabinets d’avocats même s’il l’a toujours été.

L.T. : Avec la révolution digitale, le marché du droit est bouleversé, quel sera le rôle du secrétaire général à votre avis ?

A.T. : Le monde du droit a changé, tout va basculer. Pour moi, le développement de la technologie combiné à un marché en pleine mutation va avoir des conséquences sur le mode d’organisation et le fonctionnement des cabinets. Il va y avoir une professionnalisation encore plus forte des fonctions managériales et techniques (office manager, informatique, business développeur, etc.) et pour cela, il faut qu’il y ait un secrétaire général dans les cabinets.

"Dans les cabinets, les personnes qui donnent le rythme de l’évolution technologique sont nos clients."

Mais, est ce qu’on peut vraiment prédire les changements ? Ils sont induits par l’arrivée des technologies, l’intelligence artificielle, la robotisation, très bien. Mais dans les cabinets, les personnes qui donnent le rythme de l’évolution technologique sont nos clients. C’est donc à leurs exigences qu’il faut s’adapter.

Nous allons assister à un jeu de chaises musicales car tous les acteurs du droit ressentent qu’il y a une mutation du marché, qu’il y a des nouveaux acteurs… Les personnes achètent du droit aujourd’hui.
L’associé aura de nouvelles attentes vis-à-vis des équipes supports. Les objectifs qui seront opérationnels vont s’enrichir de mission d’optimisation, de process, de mise en place de nouveaux services, tout en surfant probablement sur la digitalisation accrue de tous les services.

Si les fonctions supports peuvent aider à l’évolution tant mieux, mais Il faut qu’on s’y mette tous, de l’avocat au secrétaire général jusqu’à l’assistante.

L.T. : Quel est l’objectif de l’association Com’SG dont vous venez de fêter les 10 ans ?

A.T. : Nous avons créé Com’SG, avec Blandine Canque qui était la secrétaire générale du Cabinet Cotty Vivant Marchisio & Lauzeral sur une constatation amère. Nous étions seules face à une décision pour choisir un logiciel de métier et nous nous sommes dits qu’il y avait certainement d’autres personnes dans la même situation. 10 ans plus tard nous sommes 137.

"L’objectif de notre association est de partager les bonnes pratiques."

L’objectif de notre association est de partager les bonnes pratiques que nous mettons en place en cabinet, de nous alerter les uns les autres et de nous conseiller dans la méthodologie quand quelqu’un a déjà traité un sujet. Les grands cabinets aident les moyens qui aident les plus petits ou inversement. Pour cela nous nous rencontrons tous les deux mois et nous mettons aussi en exergue les points qui ne vont pas.
Par exemple, en 2011, lors de l’adoption de la loi dite « Cherpion » qui encadre les stages notamment, nous devions trouver des solutions. Soit nous alertions l’Ordre pour y parvenir, soit les cabinets allaient rester sans réponse mais nous étions dans une position délicate. Et c’est Christiane Féral-Schuhl qui a accepté que nous soyons des donneurs d’alerte pour les instances. Maintenant, en cas de difficultés, nous servons de courroie entre l’ordre et les avocats.

L.T. : Quels sont les projets de l’association ?

A.T. : A l’heure actuelle, il n’existe aucune formation diplômante de secrétaire général alors que la fonction se professionnalise. C’est pourquoi, nous souhaitons en mettre en place une avec l’école des hautes études appliquées du droit (HEAD) dans les deux années à venir.
Nous aimerions aussi nous ouvrir en région et dans les pays francophones voisins. Nous avons déjà 6 cabinets en région, un cabinet belge et des cabinets luxembourgeois qui essaient de franchir le pas. Cela mettra du temps mais nous pensons qu’il y a sûrement des synergies communes.

De plus, face aux évolutions actuelles, il faut que nous soyons capables d’avoir une vision claire du marché nous aussi, de détecter les signaux faibles des révolutions à venir et de les anticiper. Nous souhaitons que Com’SG puisse apporter un éclairage important sur le marché et les attentes de la profession d’avocats.

Propos recueillis par Laurine Tavitian Rédaction du Village de la Justice