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Avocats, où trouver de la valeur ajoutée ?
Parution : mercredi 31 août 2016
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« Les nouveaux paradigmes du cabinet d’avocats - Avocats, comment rencontrer vos clients et retrouver de la valeur ajoutée ? », tel était le titre de la conférence organisée par le Barreau entrepreneurial et le Village de la Justice en septembre 2015. Un titre certes énigmatique mais qui révèle l’urgence à appréhender un environnement juridique et judiciaire qui mute profondément. Voici les principaux enseignements sur le thème de la valeur ajoutée de l’avocat.

L’avocat ne devrait pas avoir à démontrer sa valeur ajoutée. Pourtant, à l’heure de la montée en puissance des start-up du droit, encore parfois qualifiées de braconniers du droit, il est fondamental pour l’avocat d’agir sur ce sujet.

Savoir où se trouve la valeur ajoutée.

Quand on aborde la question de la valeur ajoutée, il faut distinguer la perception de cette valeur de la lucidité de l’avocat par rapport à celle-ci. Il y a des domaines dans lesquels l’avocat a une très grande valeur ajoutée et d’autres où il n’en a plus, ou beaucoup moins. Pour illustrer ce propos, Dominic Jensen a pris l’exemple du PV d’assemblée qui peut être fait par un expert-comptable ou une start-up… pour beaucoup moins cher que s’il est confié à un avocat. Dans une petite entreprise, ce n’est pas un document très stratégique et les risques de le faire rédiger par un robot logiciel sont très faibles. Le client aura donc tendance à choisir un non avocat. Pour ce document, la valeur ajoutée de l’avocat ne se voit que très rarement, mais l’avocat peut continuer à le faire en intégrant une technologie existante, en pratiquant un prix bas et en conservant sa valeur ajoutée pour les dossiers qui le nécessitent.

Jouer sur le capital-confiance

Les avocats bénéficient d’un énorme capital-confiance. Selon un sondage du barreau de Paris, 84 % des chefs d’entreprises ont une bonne image des avocats et 87% ont confiance en eux. Lorsqu’ils font appel à un conseil extérieur, les chefs d’entreprises préfèrent l’avocat à toutes les autres professions du droit et du chiffre dans 72% des cas de rédaction ou de négociation de contrat, dans 69% des cas de transmission d’entreprises et dans 52% des cas d’acquisition d’entreprises.
Quand un avocat donne une information, les personnes ont beaucoup plus confiance que si elle émane d’une autre personne. Mais, individuellement les avocats ne profitent pas de cette confiance et retiennent une information juridique qui finalement a une faible valeur marchande aujourd’hui. Leila Hamzaoui a insisté sur ce point, « nous avons toujours l’impression que si nous donnons de l’information, nous n’allons pas pouvoir facturer mais en réalité en faisant cela nous donnons de la confiance, nous montrons que nous savons et surtout que nous avons compris la demande du client. Quand c’est de l’information courante ou de l’actualité, c’est un outil de fidélisation extraordinaire. Si vous voulez garder un client, envoyez-lui régulièrement des informations qui le concernent, qui sont adaptées. Pour vous, l’investissement est relativement mineur mais pour lui c’est très important. Il ne se dit pas « j’ai reçu un e-mail de mon avocat, combien ça va me coûter », il se dit « j’ai reçu une actualité vraiment précieuse que je vais pouvoir utiliser dans ma pratique ». »
S’agissant du partage de l’information sur le web, plus l’avocat est associé à du contenu pertinent par rapport à la préoccupation du client, plus il y a de chance que ce dernier le consulte, parce que l’avocat sera considéré comme celui qui sait. Suivant la clientèle visée, les niveaux de partage de la connaissance peuvent être très différents, il peut s’agir de contenus très techniques, ou au contraire de contenus ultra vulgarisés ou encore de questions-réponses.

Conférence animée par Laurent Samama (Barreau entrepreneurial) et Christophe Albert (Village de la Justice) , avec Clarisse Berrebi, Leila Hamzaoui, Adrien Perrot, Dominique Jensen, Michel Lehrer, Jean Gasnault, Benjamin Jean.

Travailler au juste prix

« Le capital confiance n’est pas suffisant pour faire accepter un prix élevé quand le client n’a pas une perception de valeur sur la prestation. C’est à l’avocat de faire le tri au niveau de sa propre activité, quelque part de découper, d’avoir une approche assez chirurgicale de son activité en se demandant ce qu’il peut vendre à un bon prix  » explique Dominic Jensen.
Là où les start-up concurrencent les avocats, ce sont sur les prix des prestations à faible valeur ajoutée. Elles s’adressent ici à une clientèle qui n’est pas celle des avocats. Pour autant, cette clientèle aura potentiellement besoin de prestations à plus forte valeur ajoutée. Et c’est sur ce terrain que les avocats doivent travailler.
Certains cabinets développent des stratégies low cost et se positionnent sur le même terrain que les start-up. Ils misent tout sur les prix, et créent un produit fini qu’ils vont répéter et facturer à l’identique. C’est une stratégie envisageable mais elle ne peut s’appliquer qu’à un petit nombre de cabinets.
Ce n’est pas comme cela que les avocats vont reconquérir des marchés, ce qu’il est possible de faire par le prix étant très limité. Le fonctionnement, le niveau de qualité, la valeur ajoutée de la prestation d’avocat n’est pas compatible avec le low cost. « Il ne s’agit pas forcément de faire le plus bas prix mais le plus juste prix. Il faut vraiment évoluer dans nos pratiques parce qu’aujourd’hui nous ne pouvons plus facturer au taux horaire comme avant sans réfléchir. Il faut faire évoluer nos modèles en créant de la rentabilité sur nos prestations à faible valeur ajoutée, pour être ensuite compétitif sur nos prestations à haute valeur ajoutée  » explique Leila Hamzaoui. Pour cela, repenser l’organisation du cabinet peut permettre de dégager cette rentabilité, de savoir évaluer et justifier le prix et donc ensuite expliquer pourquoi l’avocat est le prestataire idéal.

Travailler sur la notion de valeur perçue par le client

Quelle est la valeur que perçoit mon client de mon travail ? Pour Clarisse Berrebi, «  il est possible de réfléchir son modèle économique en fonction de ce que l’avocat veut que le client perçoive de sa valeur. L’avocat a énormément à gagner en valeur perçue s’il place le client au cœur du processus. Cela peut se faire de différentes façons mais aujourd’hui, cela est grandement facilité par l’utilisation des outils technologiques. »
L’avocat peut, par exemple, créer des armoires électroniques qui permettent au client d’avoir accès en permanence à ses documents et à l’évolution de son dossier, et ainsi créer de la proximité avec lui. Placé au cœur de son dossier, il percevra votre valeur dans un domaine où elle n’était pas avant. Cela ne va pas être dans le document lui-même mais dans le lien et la confiance ainsi créés avec le client. L’avocat pourra aussi lui montrer que le document lui-même a de la valeur parce qu’il va faire une mention qui fiscalement pourra faire la différence en cas de contrôle, parce qu’il va parler des actifs immatériels auxquels personne ne pense assez dans les entreprises, etc.

Cet article a fait l’objet d’une première publication dans le Journal du Village de la Justice n°75

Ne manquez pas notre prochaine soirée sur le thème de l’installation et du business développement le 17 novembre 2016 à Paris.

Laurine Tavitian Rédaction du Village de la Justice