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Qu’est-ce que le recours gracieux ? Par Julien Gueguen-Caroll, Avocat.
Parution : jeudi 11 août 2016
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Le recours gracieux est un recours administratif qui s’effectue auprès de l’autorité administrative qui a pris l’acte contesté (décision administrative, acte réglementaire). Il se distingue donc du recours hiérarchique qui s’exerce auprès de l’autorité hiérarchique de l’autorité qui a pris la décision.

Textes de référence

Code de la Route : Articles L223-1 et suivants
Loi n°2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
Loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public.
Loi n°78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal
Code de justice administrative : Articles L 732-1, R. 412-1 et R421-1 du Code de Justice administrative.
Décret en Conseil d’Etat n° 2001-492 du 06/06/2001 publié au JO du 10/06/2001 pris pour l’application du chapitre II du titre II de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 et relatif à l’accusé de réception des demandes présentées aux autorités administratives.

Définition

Le recours gracieux est un élément essentiel du contrôle de l’action administrative. L’essence même de ce dernier est de permettre à l’autorité qui a pris une décision administrative de pouvoir la réformer, l’abroger, la modifier ou la maintenir. Le système du recours gracieux permet à l’administration de réparer une erreur commise ou de maintenir une décision. Ainsi, l’exercice d’un tel recours peut permettre d’éviter un recours devant les juridictions administratives.
Selon les propres termes du Conseil d’État « l’exercice d’un recours administratif préalable ... a pour but de permettre à l’autorité administrative, dans la limite de ses compétences, de remédier aux illégalités dont pourrait être entachée la décision initiale, sans attendre l’intervention du juge » [1]

S’agissant de la forme, le recours administratif doit être effectué auprès de l’autorité administrative qui a pris la décision contestée, à savoir, pour le contentieux du permis à points, le ministre de l’Intérieur DLPAJ-SD/CSR, Service du Fichier National des permis de conduire.
Sur le plan procédural, le recours gracieux ne doit pas prendre la forme d’une demande d’indulgence. Il s’agit en effet, de critiquer la décision 48 SI en la déclarant illégale tout en demandant expressément son annulation.
Il s’agit de demander la modification ou l’abrogation de la décision contestée. Une simple demande de renseignements, d’avis, de bienveillance ou d’indulgence ne sera pas considéré par le juge ni même par l’autorité administrative comme un véritable recours gracieux et de ce fait n’emportera pas les conséquences juridiques de l’exercice d’un vrai recours gracieux.
Le recours administratif peut être une condition essentielle concernant la recevabilité d’un éventuel recours contentieux contre la décision 48 SI.

Comme la majorité des recours administratifs, ce recours FNPC n’a pas d’effet suspensif.
Le recours gracieux a pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux [2]. Un nouveau délai ne s’ouvrira qu’à compter d’une décision expresse de rejet.

Si l’automobiliste n’a jamais reçu notification de la décision 48 SI car cette dernière n’a pas été envoyée à la bonne adresse et qu’il engage une requête en annulation devant le Tribunal administratif, il devra effectuer au préalable un recours gracieux dans lequel il sollicitera la communication de la décision 48 SI.

En effet, la production de la décision attaquée est obligatoire en application de l’article R 412-1 du Code de justice administrative. A défaut de notification de cette dernière, le conducteur devra joindre le recours gracieux à la requête en annulation afin d’apporter la preuve des diligences qu’il a accomplies pour en obtenir la communication [3].

Enfin, à la suite du rapport du Conseil d’État et des propositions du député WARSMAN [4] , il y a fort à penser que le recours FNPC devienne un recours administratif préalable obligatoire. Par conséquent, s’ajoutera aux conditions classiques de recevabilité d’un recours contentieux la nécessité d’exercer au préalable un recours auprès du FNPC et de joindre ce dernier à la requête en annulation.

Décisions jurisprudentielles

Le Conseil d’État juge que « sauf le cas où des dispositions législatives ou règlementaires ont organisé des procédures particulières, toute décision administrative peut faire l’objet, dans le délai imparti pour l’introduction d’un recours contentieux, d’un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours dudit délai » [5].

Le contentieux du permis à points en matière de contestation de retrait de point infligé par l’administration entre dans les cas des recours de plein contentieux [6]. Cette qualification de plein contentieux est une solution logique de par le fait que lorsque le juge administratif est « saisi de conclusions dirigées contre la décision du ministre de l’intérieur procédant à un retrait de points, le juge peut soit les rejeter, soit prononcer l’annulation demandée, soit réformer la décision en réduisant le nombre de points retirés ». En effet, cette possibilité de réformation est l’empreinte traditionnelle de l’office du juge de plein contentieux.

Aspects pratiques

Le recours gracieux présente plusieurs avantages sur le plan pratique.

Depuis l’avis du Conseil d’État du 9 juillet 2010 [7], le juge du contentieux du permis à points statue comme juge de plein contentieux. Un recours gracieux permet ainsi de prolonger les voies et délais de recours de manière infinie en cas d’absence de décision expresse de rejet de l’autorité qui prend la décision contestée.

En effet, en vertu de l’article R 421-2 du CJA, le requérant dispose d’un délai de 2 mois à compter de la décision implicite de rejet pour la contester devant les juridictions administratives. Cependant, en matière de plein contentieux, ce sont les dispositions de l’article R 421-3 du CJA qui trouvent à s’appliquer [8].

Le conducteur n’est forclos qu’à l’issue d’un délai de deux mois suivant la décision expresse de rejet du recours. Le délai ne recommencera à courir qu’à compter d’une notification expresse de rejet. Or, les délais de réponse du service du fichier national des permis de conduire sont souvent de plusieurs mois.

Il n’est pas inutile de rappeler que le contentieux administratif de pleine juridiction implique généralement l’obligation d’exercer un recours administratif obligatoire (RAPO) avant de saisir le juge.

En 2008, le rapport du député Jean Luc Warsmann se basant sur l’étude du rapport du Conseil d’État de 2008 sur les RAPO préconise l’instauration d’un RAPO en matière du contentieux du permis à points.
Selon le Conseil d’État en matière du contentieux du permis à points :

Chiffre clés :

Julien GuegenCarroll - Cabinet d'avocats Site internet: http://avocat-gc.com/permis

[1Cf. Point jurisprudentiel n°1

[2Cf point jurisprudentiel n°2

[3Cf. aspects pratiques

[4CE, Sect., 10 juillet 1964, Centre médico-pédagogique de Beaulieu, n° 60408, rec. p. 399

[5Conseil d’État Avis n° 336556 du 9 juillet 2010

[6Cf point jurisprudentiel n°3

[7« L’intéressé n’est forclos qu’après un délai de deux mois à compter du jour de la notification d’une décision expresse de rejet :1° En matière de plein contentieux ; »

[8Source