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La France autorise enfin par ordonnance du 3 août 2016 l’expérimentation des voitures autonomes sur ses routes. Par Thierry Vallat, Avocat.
Parution : lundi 8 août 2016
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Les tests de voitures sans chauffeur ou « voitures autonomes » sont enfin autorisés sur les routes françaises par l’ordonnance du 3 août 2016

Une ordonnance relative à l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite sur les voies publiques a été présentée au Conseil des ministres du 3 août par Ségolène Royal, la ministre de l’Environnement,
C’est enfin le vrai départ pour l’expérimentation des voitures autonomes sur les routes françaises.

Rappelons qu’une voiture autonome est un véhicule susceptible de rouler automatiquement et en toute autonomie dans le trafic réel et sur une infrastructure non spécifique, sans l’intervention d’un humain. Elle constitue l’une des nombreuses applications du domaine du droit des robot.
L’ordonnance du 3 août 2016 était très attendue depuis que le IX de l’article 37 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte avait habilité le gouvernement, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, à prendre « toute mesure relevant du domaine de la loi afin de permettre la circulation sur la voie publique de véhicules à délégation partielle ou totale de conduite, qu’il s’agisse de voitures particulières, de véhicules de transport de marchandises ou de véhicules de transport de personnes, à des fins expérimentales, dans des conditions assurant la sécurité de tous les usagers et en prévoyant, le cas échéant, un régime de responsabilité approprié ».
Précisons que « la circulation des véhicules à délégation partielle ou totale de conduite ne peut être autorisée sur les voies réservées aux transports collectifs, sauf s’il s’agit de véhicules affectés à un transport public de personnes ».

La terminologie de « véhicule à délégation partielle ou totale de conduite » (VDPTC) fait référence, d’une part, aux technologies d’automatisation avancées du véhicule et, d’autre part, au changement fondamental de nature de l’acte de conduire.
Ces véhicules, appelés aussi « véhicules autonomes », sont devenus très rapidement une étape incontournable des transports de demain, plus surs et plus respectueux de l’environnement.
Ils constituent sans conteste l’avenir de l’industrie automobile, en dépit des premiers accidents récents, notamment celui de la voiture autonome Tesla survenu le 30 juin 2016 en Floride. Il s’agissait semble-t-il d’un problème d’absence de déclenchement des freins à l’approche d’un semi-remorque avec des capteurs qui auraient été trompés par le soleil et la couleur blanche du camion, ainsi que d’une vitesse excessive de la voiture.

Le véhicule à délégation de conduite représente également une piste de progrès prometteuse pour la sécurité routière. Le véhicule autonome devrait avoir des capacités de réaction et d’adaptation supérieures à celles d’un conducteur humain et ainsi commettre moins d’erreurs que ce dernier sujet à la fatigue, l’alcool, la distraction ou l’inexpérience.
Les véhicules autonomes doivent contribuer à sauver des vies et réduire le nombre de blessés sur les routes.

Les expérimentations de tous les types de véhicules à délégation de conduite appelés à circuler sur les voies publiques pour un usage particulier, collectif ou de transport de marchandise se sont donc multipliés au niveau international et national. L’État américain du Névada autorise depuis sa loi du 16 juin 2011 un tel type de véhicule, la Californie l’ayant suivi depuis le 16 septembre 2014 et de nombreux tests sont depuis lors conduits dans le monde entier.
Au niveau européen, la commission économique des Nations Unies pour l’Europe (Unece) avait déjà levé une première barrière juridique en modifiant la Convention de Vienne. Le texte autorise désormais les systèmes de conduites automatisées à condition qu’un conducteur puisse reprendre le volant.

En France, les premières expérimentations ont pu rencontrer des difficultés juridiques et pratiques liées à la nécessité de clarifier la situation du conducteur par rapport aux règles internationales en vigueur, à l’inadaptation des dispositions applicables à l’immatriculation des véhicules, aux difficultés à obtenir des porteurs de projets l’ensemble des renseignements permettant notamment de s’assurer que l’expérimentation se déroule en toute sécurité et en coordination avec les différentes autorités publiques concernées, ou aux incertitudes sur la procédure d’instruction et de délivrance de l’autorisation. Elles ont également mis en évidence l’importance qui s’attache à une bonne information du public appelé ou non à être transporté à bord du véhicule.

En conséquence, l’ordonnance introduit la notion d’autorisation de circulation sur la voie publique spécifique à l’expérimentation de véhicule à délégation partielle ou totale de conduite. Cette notion servira de fondation à la construction d’un cadre réglementaire solide au travers d’un décret en Conseil d’État à venir.

Enfin, l’ordonnance s’inscrit dans la feuille de route du plan industriel « Véhicule Autonome » de la Nouvelle France industrielle, visant à faire de l’industrie française de l’automobile et du transport routier une des pionnières dans la conception du véhicule autonome pour tous.

Reste la question cruciale : qui est responsable lorsqu’une voiture conduite par une intelligence artificielle, et donc un algorithme, provoque l’accident ?
Aujourd’hui, selon la Convention de Vienne applicable, c’est le conducteur qui est supposé responsable.
Mais demain, l’intelligence artificielle pourrait être par défaut la responsable sans faute dans l’hypothèse de tels accidents causés par des robots roulants autonomes.

Thierry Vallat, Avocat www.thierryvallatavocat.com