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L’enquête préliminaire et l’enquête de flagrance. Par Julien Gueguen-Caroll, Avocat.
Parution : lundi 22 août 2016
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En application de l’article 53 du Code de procédure pénale, une enquête de flagrance peut être menée si une infraction flagrante a été commise. Une infraction flagrante est une infraction qui se caractérise par une certaine gravité et par sa commission flagrante. Cependant, l’enquête de flagrance doit respecter certaines conditions.

Définition

Pour qu’une enquête de flagrance puisse s’ouvrir, l’infraction qui a été commise doit être un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement en vertu de l’article 67 du Code de procédure pénale. Si une requalification des faits s’opère et qu’il s’avère que l’infraction est une contravention, les actes relatifs à l’enquête ne sont pas remis en cause.

La chambre criminelle de la Cour de cassation depuis l’arrêt Isnard du 22 janvier 1953 retient la notion « d’indices apparents d’un comportement délictueux » pour délimiter la notion d’infraction flagrante. Un seul indice peut être suffisant et celui-ci peut être « immatériel » : le témoignage de la victime ou bien la déclaration d’un coauteur peut être considéré comme un indice entrainant la flagrance.

L’enquête doit intervenir très rapidement après la commission de l’infraction. Le délai d’intervention, en règle générale, se situe entre 24-48 heures, délai laissé au pouvoir discrétionnaire des juges du fond.

Bien que l’infraction ait été qualifiée de flagrante, l’officier du ministère public doit justifier de l’urgence, sous peine de perdre cette qualification. Un acte d’enquête doit être effectué chaque jour et la durée de l’enquête ne peut dépasser 8 jours. Cependant, pour les crimes et délits punis d’un minimum de 5 ans d’emprisonnement et pour les actes d’enquête qui ne peuvent être différés, le procureur peut accorder une prolongation de 8 jours de l’enquête.

L’enquête patrimoniale est une procédure menée par le service de police judiciaire qui agit soit d’office soit sur instruction du parquet. Le but de cette procédure est d’obtenir des informations préliminaires pour que le procureur de la République puisse se prononcer sur l’opportunité des poursuites.

Les magistrats du parquet et la police judiciaire sont les deux autorités compétentes pour procéder à la mise en œuvre de ce type d’enquête. Pour le procureur de la République, il peut soit constaté personnellement l’infraction, soit avoir été avisé directement par une plainte simple ou une dénonciation. Il sollicite la police judiciaire pour mener l’enquête.

La police judiciaire possède la faculté d’auto saisine. Dans le cadre de cette enquête, les officiers et les agents de police judiciaire peuvent effectuer toutes constatations par procès-verbal et recevoir les déclarations des témoins. Lorsque l’initiative de cette enquête provient du procureur de la République, il fixe le délai durant lequel cette enquête doit être exécutée par les officiers ou agents de police judiciaire. Ce délai peut être prolongé.
Lorsqu’elle est menée d’office, les officiers doivent avertir le magistrat du parquet de son avancée à partir du sixième mois de sa mise en mouvement.

Les perquisitions et saisies sont des actes autorisés lors d’une enquête préliminaire, mais l’assentiment de la personne est une condition indispensable afin que cet acte soit valide.
Les officiers peuvent saisir des supports de stockage informatique et peuvent effectuer des prélèvements externes, avec l’accord du procureur de la République. Ils peuvent également exiger que des examens médicaux et des prises de sang, ainsi que des prélèvements biologiques soient effectués sur le prévenu. Les constatations et les examens techniques et scientifiques doivent être entrepris par des personnes qualifiées. Celles-ci doivent prêter serment d’apporter leurs concours à la justice.

Les officiers de police judiciaire, après avoir obtenu l’autorisation du Procureur de la République, peuvent exiger de toutes personnes les documents qu’elles sont susceptibles de détenir et qui feraient avancer l’enquête. La police judiciaire sera en mesure d’auditionner toutes personnes, dont le plaignant et le suspect, à même d’apporter des renseignements concernant l’enquête.

L’officier de la police judiciaire peut, si les nécessités de l’enquête l’exigent, maintenir en garde à vue toute personne qui est susceptible d’avoir commis ou d’avoir tenté de commettre une infraction. La garde à vue ne peut perdurer plus de 24 heures.

Textes de référence

Code de la route : article L225-4, article L225-5, article R225-4.

Code de procédure pénale : article 17, article 18, article 53, article 67, article 74-1, article 75-1, article 75-2, article 77, article 77-2, article 78-2-3, article 78-2-4, article 230-6, article 230-12, article 230-20, article 706-30-1, article 706-53-7, article 706-89, article 706-90, article 706-94, article 706-95, article 706-105, article 706-150, article 706-153, article 706-158, article R15-33-21, article R15-33-67, article R53-10, article R61-17, article D6, article D12, article R413-15, article L233-2.

Présentation

Les « commandants de police », les « capitaines de police » et les « lieutenants de police », qui ne sont pas visés par l’article 16, al 1 et 3 du Code de procédure pénale, qui sont habilités à exercer leur fonctions dans une circonscription territoriale ne dépassant pas le ressort de la cour d’appel, et qui sont nominativement désigné par arrêté du ministère de la Justice et de l’Intérieur, peuvent exercer leurs fonctions seulement dans les limites de cette circonscription pour rechercher et constater les infractions aux Code de la route, les atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité de la personne qui se sont produites lors d’un accident de la circulation. Ils ne peuvent pas constater les autres infractions, même celles concernant les manifestations sur la voie publique, ni les mesures afférentes à la garde à vue ou aux visites de véhicules.

La visite d’un véhicule s’effectue seulement s’il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » qu’une des personnes se trouvant dans ce véhicule aurait commis ou tenté de commettre un crime ou délit en flagrance. Les officiers de police judiciaire peuvent également effectuer des visites de véhicule pour « prévenir une atteinte grave à la sécurité des personnes et des biens », c’est-à-dire en cas par exemple d’alerte à la bombe, la recherche d’un enfant enlevé, un risque d’attentat. Hormis ces deux cas de figure, il leur est impossible d’effectuer une fouille dans un véhicule.
L’article L.233-2 du Code de la route ne prévoit pas que les officiers de police judiciaire puissent effectuer des fouilles de véhicule mais ils doivent seulement s’assurer que le véhicule est en règle et que le conducteur est capable de la conduire.

Les véhicules en circulation peuvent être immobilisés durant toute la période de la fouille du véhicule, mais seulement durant cette fouille et le conducteur doit être présent durant cette fouille.
Les fouilles sur des véhicules en arrêt ou en stationnement, le conducteur ou le propriétaire du véhicule doit être présent également. Cependant, la présence de ces personnes n’est pas nécessaire si la visite peut entraîner des risques graves pour la sécurité des personnes et des biens.

La communication des informations attrait au permis de conduire est réglementée. En effet, les conducteurs possèdent la garantie du droit d’accès aux documents administratifs les concernant. Les autorités judiciaires, les officiers de police judiciaire chargés de l’exécution d’une ordonnance juridictionnelle ou qui effectuent une enquête de flagrance, et les préfets dans le cadre de leurs compétences en matière de permis de conduire peuvent également avoir accès à ces informations mais seulement dans les conditions précédemment citées.
De plus, les officiers ou agents de police judiciaire agissant dans le cadre d’une enquête préliminaire, les militaires de la gendarmerie ou les fonctionnaires de la police nationale exerçant des contrôles routiers, les agents de police judiciaire adjoints et les gardes champêtres peuvent avoir accès à un relevé restreint, dans lequel ne figure pas les sanctions dont a pu faire l’objet le conducteur ou sur le nombre de points qu’il lui reste.

En règle générale, les perquisitions et saisies ne sont pas applicable en matière contraventionnelle. Cependant, les saisies peuvent être applicables en application de certains textes, comme l’article R.413-15 du Code de la route. En effet, cet article met en exergue la saisie d’un matériel qui serait en mesure de perturber le bon fonctionnement d’instruments utilisés pour la contestation des infractions à la législation, comme par exemple la saisie d’un appareil détecteur de cinénomètre. Il s’agirait alors d’une confiscation préventive du domaine règlementaire en vertu de l’article 131-6 §5 du Code pénal. Cette saisie ne peut être engagée que par un officier de police judiciaire.

Applications jurisprudentielles

Dans l’affaire Trignol, la chambre criminelle de la Cour de cassation a estimé qu’une infraction était encore flagrante alors qu’elle avait été commise quatre jours après la commission de l’infraction.
L’état de flagrance est caractérisé à partir du moment où des indices apparents d’un comportement délictueux se trouvent dans les mains de l’officier du ministère public.
Lorsque les officiers de police judiciaire procèdent à une enquête préliminaire d’office, ils ne sont pas dans l’obligation d’informer le procureur de la République et l’absence d’une telle information n’entraine aucun effet sur la validité des actes accomplis dans le cadre de l’enquête.

Seul l’officier de police judiciaire est compétent pour effectuer une saisie lorsqu’il s’agit d’une saisie en matière contraventionnelle.
Un conducteur avait été interpellé par des agents de police judiciaire pour un excès de vitesse. Ces derniers avaient fait appel à des agents douaniers pour procéder à la fouille du véhicule et pour la saisie d’un détecteur anti-radar. La chambre criminelle de la Cour de cassation a souligné le fait que les pouvoirs d’investigation détenus par les officiers et agents de police judiciaire ou par certains fonctionnaires ne s’exercent que dans des conditions et dans les limites des textes prévoyant ces pouvoirs. Ils ne peuvent donc pas, par un détournement de procédure, se prévaloir de pouvoirs que la loi ne leur reconnait pas.

L’état de flagrance est caractérisée dès lors qu’il résulte des constatations des juges du fond qu’ont été relevés des indices apparents d’un comportement délictueux pouvant révéler l’existence d’infractions correspondant à la définition de l’article 53 du Code de procédure pénale. Sont régulièrement opérées la fouille d’un véhicule et les saisies subséquentes, dès lors, qu’à l’occasion de vérifications régulièrement effectuées, pour les besoins d’un contrôle routier, en application de l’article L4 du Code de la route, les policiers ont constaté que se dégageait du véhicule intéressé une forte odeur de résine de cannabis.

La réquisition délivrée, en application des articles L. 3354-1 et R. 3354-5 du Code de la santé publique, à un médecin par un officier de police judiciaire qui constate un accident de la circulation qui semble avoir été causé sous l’empire d’un état alcoolique n’est pas soumise à l’autorisation préalable du procureur de la République.

Aspects pratiques

L’article 495 du Code de procédure pénale dans sa rédaction permet le recours aux ordonnances pénales pour les délits et les contraventions prévus par le code de la route.
Ces dispositions du Code de la procédure pénale sont mises en œuvre pour des infractions de masse comme les infractions de conduite en état alcoolique, ou bien les infractions de conduite sans permis, de défaut d’assurance et de grand excès de vitesse en récidive. Peuvent-être envisagées les ordonnances pénales pour des refus d’obtempérer ou des délits de fuite.

L’article 495 du Code de procédure pénale n’octroie pas le recours aux ordonnances pénales délictuelles dans deux cas :
- lorsque la victime a formulé au cours de l’enquête une demande de dommages et intérêts ou de restitution, ou a fait directement citer le prévenu avant qu’ait été rendue l’ordonnance,
- si le délit prévu par le Code de la route a été commis en même temps qu’une contravention ou qu’un délit d’homicide involontaire ou d’atteinte involontaire à l’intégrité de la personne.

La loi du 15 juin 2000 a imposé à l’autorité judiciaire, les magistrats du ministère public, de veiller à ce que l’information et les droits des victimes soient garantis aux victimes tout au long de la procédure pénale.
Ainsi, lorsqu’est ouverte une enquête préliminaire en raison d’un accident de la circulation routière relative à un décès ou à des blessures graves, le Procureur de la République est tenu d’informer la victime ou les proches de la victimes en cas de décès de l’avancée de l’enquête, de sa clôture et des suites judiciaires prévisibles.

Julien Guegen-Carroll - Cabinet d'avocats Site internet: http://avocat-gc.com/permis
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