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GHT et mutualisation des achats : trois paradoxes et pour l’instant plus de questions que de réponses. Par Alain Jossaud, Juriste.
Parution : mercredi 24 août 2016
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La DGOS a livré en début d’été un vadémécum destiné à guider la croissance des 135 groupements hospitaliers de territoires. Le besoin n’est pas mince : les conventions constitutives, réduites volontairement aux minima légaux afin de respecter le délai du 1ier juillet 2016, sont muettes sur les modalités pratiques des mutualisations.
La première d’entre elles, dans l’ordre chronologique, est la mutualisation des achats. Au 1er janvier 2017, un plan d’action achat à l’échelle du GHT aura dû être adopté.
Or trois situations paradoxales, les deux dernières inhérentes aux GHT, font que cette mutualisation sera délicate à mener.

Premier paradoxe : faire de l’achat la première des mutualisations attendues

La finalité du GHT est de rendre cohérente l’offre de soins au niveau d’un territoire. Dans ce cadre, les mutualisations des systèmes d’information hospitaliers, des départements d’information médicale et de la formation médicale sont inhérentes à la réussite du projet médical partagé.

Tel n’est pas le cas des achats, qui s’effectueront en conséquence des mutualisations que nous venons d’énumérer. Pourquoi alors faire du plan d’action achats la prochaine étape de la construction des GHT action à réaliser ? Il serait faux de croire qu’elle sera simple à mener.

Second paradoxe : modifier profondément les organisations achats sur une base conventionnelle nécessairement limitée dans le temps et dans son objet

La péremption des GHT est inscrite dans ses gênes (la durée de validité de la convention constitutive est limitée à 10 ans), les organisations sont donc censées être réversibles. Mais comment imaginer qu’un retour en arrière sera possible lorsqu’au sein du GHT, les établissements ne seront plus maitres de leurs politique achat, n’auront plus le choix de leurs fournisseurs, voire n’auront plus les services en interne leur permettant de mener des procédures de manière autonome ?

La mutualisation des achats devrait également être limitée à l’objet de la convention : élaborer un projet médical commun. Certains achats seront la traduction directe de ce projet (achat d’équipements médicaux, intérim médical etc…). D’autres n’auront qu’un lien lointain (entretien de locaux, maintenance d’une flotte de véhicules…).

Le périmètre de la mutualisation doit ainsi être interrogé. D’ailleurs, une lecture pointilliste du décret pourrait amener à distinguer entre le plan d’actions achats, qui concernerait effectivement tous les domaines, et les mutualisations effectives, qui ne seraient limitées qu’aux achats impactés directement par le projet médical.

Troisième paradoxe : faire comme si les achats étaient réalisés au sein d’une même entité lors que le GHT est dépourvu de personnalité morale

En privant le GHT de la personnalité morale tout en demandant aux praticiens de mettre en place une organisation transcendant les établissements, le législateur a projeté les praticiens dans une sorte de no-man’s land juridique.

Les mutualisations (pas seulement achats) nécessiteront que les compétences soient redistribuées afin de permettre à l’établissement support d’exercer pleinement ses compétences. Les outils de gestion des ressources humaines actuels seront-ils suffisants ? Rien n’est moins sûr.
Les circuits de décisions, avec toutes leurs implications si sensibles dans le domaine des achats (Qui fait ? Qui décide ? Qui signe ? Qui paye ? Qui est responsable en cas de litige ou de dépassement de l’enveloppe ? etc…) sont à construire au niveau du GHT.

Faute de mieux, le vadémécum propose comme outil de mutualisation le groupement de commandes, déjà largement utilisé. Saura-t-il s’adapter au niveau de mutualisation souhaité ? Certains préconisent déjà de doubler le GHT d’une structure pérenne type GCS. Au prix de quelles lourdeurs administratives ?

Il est urgent que le ministère de la Santé réponde, espérons via le guide pratique annoncé dans le « catalogue » du kit GHT, aux questions que la mutualisation achats vont susciter très rapidement dans les établissements.

Alain Jossaud Juriste
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