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Structures des cabinets d’avocats : les opportunités de la loi Macron.
Parution : lundi 5 septembre 2016
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Tirer tous les avantages de la loi Macron, tel était le message martelé par Jack Demaison et Hervé Chemouli, avocats au barreau de Paris, lors de leur conférence au Campus 2016. Car si cette loi n’a pas toujours été bien accueillie par la profession, elle peut pourtant permettre aux avocats de développer et de sécuriser l’exercice de leur métier. Trois décrets du 29 juin 2016 [1], entrés en vigueur le 1er juillet 2016, sont venus préciser les modalités de ces différentes mesures.

Un plus grand choix dans les structures de société.

« Le métier ne sera plus le même » ont affirmé Jack Demaison et Hervé Chemouli. Un constat que l’on ne peut nier face aux multiples changements que connait la profession depuis plusieurs années. Mais les avocats disposent de nouveaux outils, issus de la loi Macron, pour consolider leur rôle dans l’évolution du marché du droit.

Les avocats peuvent opter pour une société commerciale de droit commun.


D’abord grâce à un plus grand choix de structures d’exercice. Si la loi du 28 mars 2011 [2] avait réformé les structures d’exercice et ouvert la possibilité de l’interprofessionnalité capitalistique, la loi Macron est allée plus loin. Elle offre ainsi la possibilité aux avocats d’opter pour une structure commerciale de droit commun, à l’exception de celles conférant aux associés la qualité de commerçant (société en nom collectif, société en commandite par action et commandite simple). SARL, EURL, SA ou SAS sont donc aujourd’hui des options envisageables lors de la création d’une société d’avocats.
L’objectif est ici le développement de l’activité internationale. « Par cette harmonisation, la société commerciale de droit français est identique aux sociétés commerciales européennes, il n’y a donc plus l’obligation de transformer les statuts de sa structure avant d’intégrer un étranger » souligne Hervé Chemouli.

Le capital social est ouvert à un plus grand nombre d’investisseurs.


Autre changement, concernant le capital social, et ce quelle que soit la structure choisie (société commerciale, société d’exercice libéral, sociétés de participations financières de professions libérales mono ou pluri-professionnelle) : son ouverture à un plus grand nombre d’investisseurs. Un cabinet d’avocats peut ainsi être détenu, en majorité, par toute personne physique ou morale exerçant « une profession juridique ou judiciaire, française ou internationale, membre d’un État de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou qui ont l’habilitation équivalente au titre » précise Hervé Chemouli. La seule condition est qu’au moins un avocat soit associé.

Les processus de création ou de recherche d’investissements sont donc facilités. De quoi s’assurer de rester dans la compétition. « Le nerf de la guerre, sur le marché du droit, c’est l’argent, insiste Hervé Chemouli. Il n’y a pas de capacité de développement des cabinets d’avocats parce qu’il n’y a pas d’argent ». Et les deux avocats confirment qu’il faut privilégier l’interprofessionnalité ou les structures de droit commun. « Tous ceux qui sont en société civile professionnelle, transformez-vous, et vite. Les autres, passez vos sociétés d’exercice libérales en sociétés de droit commun ». Ces structures permettent en effet de sécuriser les opérations comme la situation financière des avocats en cas de difficulté (voire de catastrophe) économique. Dans un tel contexte, il faut également renoncer à l’exercice individuel. « Comment peut-on, en 2016, être individuel ? Il faut être un fou furieux ».

La possibilité de développer de nouvelles activités.

Les avocats pourront proposer des activités commerciales annexes.


En adoptant des structures de droit commun, les avocats vont également pouvoir proposer des activités commerciales annexes, dès lors qu’elles sont destinées à des clients ou à d’autres membres de la profession [3]. Sont autorisées l’édition juridique, la mise à disposition de moyens matériels ou de locaux, ou encore la formation professionnelle – un potentiel jusqu’ici inexploité, souligne Hervé Chemouli : « A l’intérieur d’un cabinet, vous pouvez avoir des collaborateurs tellement spécialisés qu’ils pourraient être des formateurs ». L’interdiction d’activité commerciale est donc partiellement levée, afin d’être compatible avec la loi Macron.

Les sociétés de participations financières de professions libérales peuvent également exercer toute autre activité, à condition qu’elles soient exclusivement destinées aux sociétés ou groupement dont elles détiennent des participations. Les avocats peuvent ainsi tirer un autre avantage de l’interprofessionnalité capitalistique, en exploitant les réseaux constitués grâce à ce type de structure.

La suppression du principe d’unicité d’exercice.

Depuis le 1er août, les avocats sont libérés du principe d’unité d’exercice.


Dernier élément incontournable de la loi Macron : les avocats sont, depuis le 1er août 2016, libérés du principe d’unité d’exercice. Ils peuvent donc maintenant exercer leurs activités ailleurs que dans leur structure principale. Selon Jack Demaison, « cette disposition constitue l’élément essentiel de la réforme car elle permet à la fois, la création des structures d’exercice pluri-professionnelles et le déploiement de la profession d’avocat ». Mais pour que cela soit effectif au sein des structures existantes, les statuts doivent être modifiés, avec l’accord de tous les associés. Pour les sociétés créées après cette date, les associés ont la possibilité de prévoir ou non son exclusion.
En revanche, cette nouvelle mesure ne concerne pas les sociétés civiles professionnelles, qui restent soumises au principe d’unicité d’exercice [4].

Cette modification était devenue indispensable avec l’arrivée de l’interprofessionnalité : toutes les professions du droit ou du chiffre n’étant pas tenues par cette obligation, cela aurait créé une inégalité majeure. Grâce à elle, la pluri-professionnalité recèle une multitude de nouvelles possibilités pour la profession : tout en conservant un cabinet indépendant, les avocats pourront créer et travailler dans d’autres structures avec des confrères, des experts-comptables, des notaires, … ainsi que « loger » certains clients au sein de cette société d’exercice pluri-professionnel, et traiter les dossiers en commun avec les autres professions associées. « Ce ‘dévérouillage’ de la profession était devenu nécessaire et nous n’en mesurons pas encore tous les effets positifs pour l’exercice de notre activité dans la recherche d’un meilleur service à nos clients » explique Jack Demaison.

Autant de changements qui permettront aux avocats de rester dans la course. « Ne restez pas sur le bord de la route, conclut Hervé Chemouli. Aujourd’hui les moyens vous sont donnés de pouvoir réfléchir différemment, il est important que vous puissiez vous emparer de tous ces éléments. »

Clarisse Andry Rédaction du Village de la Justice

[3Article 4 du décret n°2016-882 du 29 juin 2016.

[4Article 43 du Décret n°92-680 du 20 juillet 1992 pris pour l’application à la profession d’avocat de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles, pris en application de l’article 4 de la loi n°66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles : « Tout associé ne peut être membre que d’une seule société civile professionnelle d’avocats et ne peut exercer ses fonctions ni à titre individuel, ni en qualité de membre d’une société d’exercice libéral ».

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