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Droit d’auteur : la difficile démonstration de l’originalité des photographies en matière sportive. Par Alexandre Blondieau, Avocat.
Parution : mercredi 14 septembre 2016
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Pour revendiquer un droit d’auteur sur ses photographies, le photographe doit d’abord démontrer en quoi ses clichés portent l’empreinte de sa personnalité, ce qui est une tâche difficile en matière sportive.

Un reporter photographe spécialisé dans les évènements sportifs, notamment en matière de football, collaborait avec une agence de presse photographique. En désaccord financier avec cette agence qui continuait néanmoins à exploiter ses photographies, le photographe a saisi le tribunal de grande instance pour obtenir des dommages et intérêts en réparation de la violation de ses droits d’auteur.

Le photographe revendiquait la paternité d’une vingtaine de photographies de joueurs de football. Mais en matière de photographies, comme en matière d’œuvres d’art en général, pour prétendre à la protection par le droit d’auteur, il convient de rapporter la preuve de l’originalité dans la forme des créations en cause.

La tâche paraissait difficile en matière sportive puisque lors d’une rencontre, il n’est pas question de faire poser le ou les joueurs et d’élaborer une composition. La plupart des photographies sont des clichés pris « sur le vif », saisissant un moment fugace par nature. En d’autres termes, le photographe, qui peut démontrer l’originalité de ses créations par les choix personnels qu’il effectue en amont, ne bénéficiait pas d’une grande marge de manœuvre dans un tel contexte.

Le photographe a néanmoins soutenu qu’il conservait le choix de son sujet (tel joueur plutôt qu’un autre), le choix de l’action ou des circonstances et personnes entourant la rencontre, du réglage technique (par exemple l’ouverture, la résolution) de l’appareil lui-même sélectionné parmi d’autres pour ses qualités techniques… et que tous ces choix contribuaient « à capter un instant fugace dont l’expression la plus juste est à l’appréciation de celui-ci et sera extraite par ses soins à l’issue de la post-production des clichés (recadrage, modulation des couleurs dominantes, contrastes, densité des images) avant leur envoi à l’agence de presse ».

De son côté, l’agence de presse ne l’entendait pas ainsi et contestait, de façon assez classique, l’originalité des photographies. Elle estimait notamment que le photographe n’avait pas, lors des manifestations sportives, le choix d’un angle de prise de vue alors que ce sont les organisateurs qui attribuent à chaque photographe son emplacement, que rien ne permet de se distinguer de l’angle de prise de vue du photographe voisin, que le choix de la focale était uniquement dicté par la proximité des joueurs et non par un choix de nature esthétique…

Le tribunal de grande instance de Nanterre, dans un jugement du 1er septembre 2016 donne raison à l’agence de presse, jugeant que le choix des sujets photographiés est limité aux protagonistes de l’événement sportif (joueur, encadrement, deux équipes en compétition) et commandé par l’événement dont il est rendu compte et dont il capte le déroulement sans exercer d’influence sur la façon dont le sujet se présente à lui. De même, le tribunal estime que le photographe a nécessairement, lors de ses prises de vue, des marges de choix restreintes. Selon la juridiction, le photographe a échoué à démontrer l’existence d’une démarche propre permettant de distinguer l’empreinte de sa personnalité. Son action est donc rejetée.

A contrario, bien d’autres domaines autres que le sport peuvent permettre aux photographes de faire montre de leur personnalité à travers leurs clichés lorsqu’ils sont face à des sujets sur lesquels ils ont davantage d’emprise.

Alexandre BLONDIEAU Avocat à la Cour www.blondieau-avocats.com
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