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Atteinte au droit de la vie privée sur Internet : ce que dit la loi. Par Alexandre Chombeau, Expert en e-réputation.
Parution : mardi 20 septembre 2016
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Si l’article 9 du Code civil protège la vie privée des Français depuis des décennies, l’émergence d’Internet change radicalement la donne. Photos volées puis publiées, contenus personnels partagés volontairement sur les blogs et les réseaux sociaux, etc. Nous ne savons pas toujours quels sont nos droits et nos devoirs lorsqu’il s’agit de notre vie privée et de celle d’autrui.

Le droit du respect à la vie privée

La vie privée de tout individu est protégée par l’article 9 du Code civil depuis le 17 juillet 1970. Ce dernier dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée. Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ; ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé ».
Précisons que le Conseil constitutionnel a donné droit à la vie privée valeur constitutionnelle depuis le 23 juillet 1999 sur le fondement de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Le droit au respect de la vie privée a donc un fondement constitutionnel.

Enfin, par un arrêt du 23 octobre 1990, la jurisprudence a affirmé que « toute personne, quels que soient son rang, sa naissance, sa fortune, ses fonctions présentes ou à venir, a droit au respect de sa vie privée ».

Si la vie privée est une notion juridique, son contenu a toutefois été précisé par la jurisprudence. Ce dernier peut évoluer en fonction des mœurs et de la société. Par exemple, la vie sentimentale, la vie affective, la vie conjugale, la santé, les convictions personnelles ou encore les loisirs entrent dans la notion de vie privée.

Existe-t-il des limites au droit du respect de la vie privée ?

Afin de faciliter la communication et profiter d’une certaine liberté d’expression, il a été mis en place quelques exceptions qui permettent de divulguer des informations d’ordre personnel.

L’autorisation
Il est tout à fait possible d’autoriser un tiers à utiliser son image, et ce, même lorsqu’il s’agit d’un cliché ou d’un document provenant de la sphère privée. Cette autorisation doit être spéciale, expresse et sans équivoque.

L’histoire
Si la révélation personnelle est en relation avec une œuvre historique, alors, il est considéré qu’il n’y a pas d’atteinte ou de violation de la vie privée.

Personne décédée
L’article 9 du Code civil ne protège que les personnes qui portent plainte pour atteinte à la vie privée de leur vivant. Ce droit au respect de la vie privée est intransmissible à cause de mort. Les membres de la famille peuvent toutefois demander à la Cour de cassation d’agir sur le fondement de leur droit au respect de la vie privée de leur proche.

Actualité
Le débat d’intérêt général est mis en avant par la Cour de cassation. La protection de la vie privée n’est donc pas prioritaire lorsqu’il s’agit d’informations liées à l’actualité.
Notons néanmoins que l’atteinte à la dignité humaine est sanctionnée, et ce, quel que soit le contexte.

Quelles sont les sanctions en cas d’atteinte à la vie privée ?

Les sanctions civiles
La violation de la vie privée peut être sanctionnée par des dommages et intérêts. Elle donne également droit à réparation. Enfin, selon l’article 9 alinéa 2 du Code civil, le juge peut prescrire toutes les mesures propres à faire cesser une atteinte à la vie privée (par saisie ou séquestre par exemple).

Les sanctions pénales
Selon l’article 226-1 du Code pénal : « est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1- En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2- En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé »
.

Atteinte à la vie privée au quotidien, cas concrets

A-t-on le droit de partager une photo de classe sur un blog sans le consentement de ses anciens camarades ? Les parents ont-ils le doit de filmer leur enfant lors d’un spectacle de fin d’année et de partager le film sur Internet ? Que se passe-t-il lorsque l’on prend en photo un monument et que des personnes reconnaissables apparaissent sur le cliché ?

La frontière est parfois mince entre ce que l’on a le droit de faire et ce qui est interdit.

Chacun a le droit de parler de sa propre vie privée
Nous avons tous le droit de parler voire d’exposer notre vie privée sur Internet à partir du moment où nous n’impliquons personne d’autre. Il est toutefois important de noter que ces contenus seront à la portée de tous les internautes et de ce fait, pratiquement impossibles à retirer (problématique du droit à l’oubli).

Partager une information publiée par l’intéressé lui-même
Diffuser une information « publique » est autorisé. Cependant, il est primordial de vérifier que ladite information n’ait pas été modifiée ou transformée, en effet, s’il s’avère qu’elle porte préjudice à l’intéressé, alors, des poursuites pourraient être engagées.

Recevoir une autorisation avant de partager un document sur Internet
Nous l’avons vu dans le paragraphe concernant les sanctions pénales, il est interdit de transmettre des enregistrements, des photos ou des documents d’ordre privé sans le consentement du principal intéressé. Ainsi, lorsqu’une personne est facilement identifiable sur un document (par sa voix, son discours ou son image par exemple), alors, il est indispensable d’obtenir une autorisation écrite de cette dernière avant de publier ledit document. Sans cette autorisation et si la divulgation de l’information porte préjudice à la personne représentée, alors, celle-ci pourra demander à la justice que des sanctions soient appliquées.

Les « faux-profils » sur les réseaux sociaux
La création d’un « faux-profil » basé sur les nom et prénom d’une personne existante ainsi que sur ses photos constitue une atteinte à son droit au respect de la vie privée. La loi LOPSSI II a d’ailleurs consacré la notion d’usurpation d’identité en 2011.

Comment protéger sa vie privée sur Internet ?
Protéger son droit au respect de la vie privée est de plus en plus difficile avec l’irruption des réseaux sociaux. Il est en effet compliqué de garder certaines informations secrètes lorsque l’on souhaite utiliser la puissance des réseaux sociaux pour améliorer son personal branding.

Mon conseil : faites la part des choses entre vie privée et vie professionnelle. Les comptes de type LinkedIn ou Viadeo ne doivent en principe contenir qu’un minimum d’informations sur votre vie privée. Vous pourrez en revanche divulguer davantage de données personnelles sur vos profils privés (Facebook par exemple), en paramétrant vos comptes de manière à ne partager vos informations intimes qu’avec votre entourage proche.

Si vous voulez conserver votre anonymat, évitez de laisser des commentaires sur des sites ou blogs après vous être identifié via votre compte Facebook (pratique de plus en plus courante). Enfin, gardez à l’esprit que chaque donnée partagée sur le web sera susceptible d’être récupérée par des dizaines voire des milliers de personnes et qu’il sera extrêmement difficile de faire machine arrière.

Alexandre Chombeau Expert en E-Reputation
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