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Délit d’escoquerie : définition, constitution, sanctions. Par Julien Gueguen-Caroll, Avocat.
Parution : mercredi 19 octobre 2016
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L’escroquerie est une infraction d’astuce car la chose est soustraite de façon non violente. Il y a escroquerie lorsque qu’une personne se faire remettre un bien, de l’argent ou se fait fournir un service en utilisant la tromperie. La victime donne son bien ou son argent volontairement.
L’infraction d’escroquerie est une infraction de droit commun codifiée à l’article 313-1 du Code pénal.

Textes de Loi.

Article 313-1 du Code pénal :
L’escroquerie est le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge. L’escroquerie est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 375.000 euros d’amende.

Article 313-2 du Code pénal :
Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 750.000 euros d’amende lorsque l’escroquerie est réalisée :
1° Par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
2° Par une personne qui prend indûment la qualité d’une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ;
3° Par une personne qui fait appel au public en vue de l’émission de titres ou en vue de la collecte de fonds à des fins d’entraide humanitaire ou sociale ;
4° Au préjudice d’une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;
5° Au préjudice d’une personne publique, d’un organisme de protection sociale ou d’un organisme chargé d’une mission de service public, pour l’obtention d’une allocation, d’une prestation, d’un paiement ou d’un avantage indu.
Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1.000.000 euros d’amende lorsque l’escroquerie est commise en bande organisée.

Article 313-3 du Code pénal :
La tentative des infractions prévues par la présente section est punie des mêmes peines. Les dispositions de l’article 311-12 sont applicables au délit d’escroquerie.

I. Le délit d’escroquerie.

L’escroquerie est une infraction d’astuce car la chose est soustraite de façon non violente. Il y a escroquerie lorsque qu’une personne se faire remettre un bien, de l’argent ou se fait fournir un service en utilisant la tromperie. La victime donne son bien ou son argent volontairement. L’infraction d’escroquerie est une infraction de droit commun codifiée à l’article 313-1 du Code pénal.

L’élément matériel.

1. Les procédés de tromperie

L’escroquerie peut se réaliser par quatre moyens différents. En pratique, l’auteur de l’escroquerie peut cumuler les quatre moyens :
1er moyen : l’usage d’un faux nom :
Utiliser un faux nom c’est faire usage d’un nom qui n’est pas le sien. Soit on usurpe le nom d’un tiers, soit on invente un nom totalement fictif ou imaginaire.
L’usage d’un faux est donc un mensonge déterminé. La particularité est que le mensonge à lui seul est suffisant pour caractériser l’élément matériel. Exemple : constitue le délit d’escroquerie, le fait de changer de nom en vue de faire croire à sa solvabilité (Crim.26 octobre 1934, Bull.crim, n°170)

2ème moyen : l’usage d’une fausse qualité :
Faire l’usage d’une fausse qualité c’est usurper un état ou un titre et faire état d’une qualité professionnelle que l’on n’a pas.
Par exemple, l’auteur de l’escroquerie peut se présenter comme un gérant de société, un expert-comptable ou encore un avocat. Là encore, le mensonge à lui seul est suffisant. Exemple : constitue une prise de fausse qualité le fait de se présenter mensongèrement mandataire (Crim.12 juin 1936, DH 1936.389 ; Crim. 18 juilet 1968, Bull. crim. n°233)

3ème moyen : l’abus d’une qualité vraie :
Abuser d’une qualité vraie c’est faire usage d’une qualité que l’on a vraiment pour donner l’apparence d’une vérité à des déclarations mensongères.
Exemples : Prêtre (Crim.19 janvier 1901 DP 1901. 1. 342), avocat (Crim. 6 avril 1993, Gaz. Pal. 1993. 2. Somm). Abuse de sa qualité le notaire qui fait signer un compromis de vente subordonné à l’acquisition d’un autre immeuble en sachant que le propriétaire de cet immeuble refuse de le céder au prix indiqué (Crim. 11 mars 2009 Dr. Pénal 2009, n°81)

4ème moyen : l’emploi de manœuvres frauduleuses :
On parle de mensonge appuyé car il est appuyé par différents actes. De simples allégations mensongères ne sauraient, en elles-mêmes, et en l’absence de toute autre circonstance, constituer des manœuvres frauduleuses (Crim. 20 juillet 1960, Bull. Crim. n°382). Si de simples mensonges sont insuffisants, il n’en est pas de même lorsqu’à ces mensonges viennent se joindre des faits ayants pour objet de leur donner force et crédit (Crim. 18 juillet 1968 Bull. crim n°233).
Les manœuvres peuvent être un stratagème, une mise en scène comme la constitution de fausses sociétés, l’intervention d’un tiers ou la manipulation des outils informatiques. Parfois, il n’y a pas forcément de stratagème mais un mensonge simplement appuyé par la production d’un écrit qui vient corroborer les dires de l’auteur de l’escroquerie. L’escroquerie ne peut donc résulter que d’un acte positif et non d’une simple omission (Crim. 5 juillet 1956, Bull. Crim. n°520). La frontière entre le simple mensonge et les manœuvres frauduleuses est assez mince.
La Cour de cassation considère ainsi dans un arrêt du 6 avril 2011 que les demandes de paiements de crédits indus de TVA par de simples déclarations mensuelles établies sous le couvert d’une comptabilité inexacte constituent une manœuvre frauduleuse (Cass. Crim. 6 avril 2011, n°10-85209).

Bon à savoir : il faut bien faire la différence entre un mensonge simple ne constituant pas une manœuvre frauduleuse et ne permettant pas l’escroquerie et le procédé de tromperie qui peut être associé à des manœuvres frauduleuses. Il n’y a pas de définition légale de la manœuvre frauduleuse, c’est la jurisprudence qui est venue préciser la notion.

2. La remise de la chose.

La victime doit remettre volontairement la chose, objet de l’escroquerie, à l’auteur de l’escroquerie. Il y a remise de la chose par la victime car, au préalable, il y a eu des procédés frauduleux. La remise est provoquée et constitue l’aboutissement de l’acte délictueux dans l’abus de confiance. C’est donc au moment de la remise que l’infraction est consommée.

Bon à savoir : dans l’abus de confiance, le raisonnement est inversé. La remise est préalable à l’acte délictueux. C’est la condition préalable au détournement dans l’abus de confiance. Ce délit est consommé à partir du moment où on détourne l’objet.

- L’objet de la remise : « fonds, valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge » (cf. Article 313-1 du Code pénal).
Un acte opérant obligation ou décharge est un acte qui va créer, constater ou éteindre un droit. Par exemple, la conclusion d’un contrat de vente ou la remise d’une quittance
Attention : les immeubles sont exclus car on ne peut pas remettre matériellement un immeuble.
- Les modalités de la remise : Comme vu précédemment, la remise est volontaire et doit être provoquée par une tromperie.

II. Le préjudice.

La question du préjudice a fait l’objet d’une évolution jurisprudentielle. Avant 1992, la jurisprudence décidait que le préjudice était établi du simple fait que la remise avait été provoquée [1]. Le préjudice était donc un élément constitutif mais aussi formel car la preuve d’une remise provoquée emportait de facto la preuve d’un préjudice. Mais avec l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, la jurisprudence a changé son interprétation. La Cour de cassation a considéré dans un arrêt du 26 octobre 1994 que le délit d’escroquerie n’est pas constitué alors même qu’il y a bien une remise provoquée, extorquée par des manœuvres frauduleuses parce qu’il n’y a pas d’atteinte à la fortune d’autrui [2].

Mais, le 28 janvier 2015, la jurisprudence a renoué avec sa position initiale. Le préjudice, élément constitutif du délit d’escroquerie, n’est pas nécessairement pécuniaire et il est établi lorsque l’acte n’a pas été librement consenti par la victime mais a été obtenu par des moyens frauduleux [3]. Finalement, le préjudice est un élément purement formel. Cela fait du délit d’escroquerie un délit formel car, le résultat du délit d’escroquerie importe peu.

A. L’élément moral.

L’article 121-3 du Code pénal dispose : « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. »
Un délit est toujours intentionnel sauf si la loi en dispose autrement. Donc par principe, tous les délits sont intentionnels et s’ils ne le sont pas, il y a une disposition spécifique du législateur qui le prévoit. Donc, n’ayant pas de texte spécifique pour l’escroquerie, cette infraction est intentionnelle. Dans l’escroquerie, il y a une conscience d’agir dans le but de tromper, c’est un donc dol général classique.

B. Les sanctions.

L’escroquerie c’est 5 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende et 1 875 000 euros pour les personnes morales. L’article 313-2 du Code pénal prévoit des peines aggravées.

C. La prescription.

L’escroquerie est un délit instantané qui se prescrit par trois ans. Le point de départ de ce délai, c’est le moment de la remise de la chose. Lorsqu’il y a une pluralité de remise, le délai de la prescription de l’action publique court à compter du jour du dernier versement. Depuis la loi du 14 mars 2011 (loi OPSSI), le délai de prescription du délit d’escroquerie, lorsqu’il est commis à l’encontre d’une personne vulnérable, court à compter du jour où l’infraction apparaît à la victime dans des conditions permettant l’exercice de l’action public.

III. Jurisprudence sous l’article 313-1 du Code pénal (édition 2015).

A. Ne constitue pas une escroquerie.

Tribunal correctionnel de Grasse, 1er septembre 1948 : S. 1948.2. 141 :
le fait de ne pas payer une note d’hôtel, après avoir séjourné sept jours dans cet hôtel sous un faux nom, n’est pas constitutif du délit d’escroquerie, lorsqu’il ressort que l’identité des pensionnaires de l’hôtel n’était jamais déterminante de leur admission.

Crim. 2 octobre 1978, Gaz. Pal. 1979. 2. Somm. 354 :
le fait, pour un assuré social, touchant une rente d’invalidité de 100% pour cécité, de ne pas avoir signalé à la sécurité sociale l’amélioration de son état.

B. Constitue une escroquerie.

Crim. 16 octobre 2013, Dalloz Acutalité, 24 octobre 2013, D.2013. AJ 2399 :
le fait d’user de manœuvres frauduleuses consistant à proposer un test de personnalité, sans valeur scientifique, conçu pour donner de mauvais résultats, suivi de propositions de vente de services et d’ouvrages censés résoudre les difficultés décelées, et en incitant les victimes, par des pratiques particulièrement offensives, à remettre des sommes d’argent importantes, constitue une escroquerie.

Crim. 26 janvier 1871 : S. 1872. 1. 95 :
constitue une manœuvre frauduleuse caractérisant le délit d’escroquerie l’établissement et la production de faux bilans.

Crim. 19 mai 1987 : Gaz. Pal. 1988. 1. Somm. 5 :
le fait de se faire remettre par un commerçant des marchandises dont le prévenu a acquitté le prix au moyen de cartes de crédits volées en faisant frauduleusement usage du nom de leurs titulaires et en apposant des signatures sur les documents établis par le commerçant.

Crim. 27 février 1984 : D. 1985. IR 367 (exorcisme) :
constitue une escroquerie le fait pour une personne d’obtenir la remise de sommes d’argent, en persuadant des gens crédules de ses pouvoirs divinatoires.

GuegenCarroll - Cabinet d'avocats Site internet: http://avocat-gc.com/penal

[1Crim 7 mars 1936 DH 1936. 196 ; 30 octobre 1936 DH 1936. 590 ; 22 décembre 1965 Bull. Crim. n°285, 19 novembre 1979 Bull. Crim. n°369 ; 20 juin 1983 Bull.Crim. n°189.

[2Crim. 26 octobre 1994, Bull. Crim. n°341.

[3Crim. 28 janv. 2015, n° 13-86.772.

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