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Jamais sans ma FISE. Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : mardi 27 septembre 2016
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La directive « crédit immobilier » est un produit juridique à combustion lente. Après une première tranche d’obligations, au 1er juillet 2016, une deuxième série entre en vigueur le 1er octobre 2016. Elle est, de loin, la plus épaisse.
Les obligations précontractuelles (au contrat principal de crédit) éclairent le processus contractuel pour lui conférer une bonne robustesse. La FISE, la « Fiche d’Information Standard Européenne », fait la lumière sur le consentement de l’emprunteur (Décret 2016-884 du 29 juin 2016). Éclairages sur son utilisation.

1/ Une Fiche précontractuelle et standardisée d’information en crédit immobilier.

La Fiche d’information standardisée européenne se présente comme un document à la forme préétablie. Une fois ses rubriques renseignées, elle est remise par un professionnel bancaire à un futur emprunteur particulier en crédit immobilier, avant la signature du contrat de prêt.

La Fiche contient les informations essentielles d’un crédit immobilier, présentées selon une liste normalisée (art. R. 313-4 du Code de la consommation). A la langue près, elle est identique dans toute l’Union européenne.

Les nouvelles dispositions du Code de la consommation précisent les modalités de sa remise. « Au plus tard lors de l’émission de l’offre de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit communique à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, sous la forme d’une fiche d’information standardisée européenne, les informations personnalisées permettant à l’emprunteur de comparer les différentes offres de crédit disponibles sur le marché, d’évaluer leurs implications et de se déterminer en toute connaissance de cause sur l’opportunité de conclure un contrat de crédit » (article L. 313-7 du Code de la consommation).

« Le prêteur ou l’intermédiaire de crédit » : le « ou » du Code de la consommation contient un fort potentiel d’incompréhensions, comme autant d’erreurs pratiques.

En cas de manquement, la sanction vise d’abord le prêteur ; elle est lumineuse : « le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur la fiche d’information standardisée européenne […] ou l’information précontractuelle […] peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge » (article L. 341-26 du Code de la consommation).

2/ La FISE matérialise la délivrance de l’obligation précontractuelle d’information en crédit immobilier.

Standardisée dans sa nomenclature, la FISE doit être utilisée sans la moindre modification. Sauf si celle-ci s’avérait très justifiée.

Lorsque le crédit n’est pas vendu par un distributeur salarié du prêteur, mais par un distributeur intermédiaire (courtier-IOBSP en crédits, mandataire d’un client, ou mandataire-IOBSP d’un prêteur), une petite partie de la FISE provient de données produites par cet IOBSP. Il appartient donc à ce dernier de bien veiller à les communiquer au prêteur, afin d’obtenir une FISE conforme.

Les premières FISE seront remises aux futurs emprunteurs le samedi 1er octobre 2016. Le Code précise qu’elles sont gratuites.

La FISE répond à l’une des quatre obligations précontractuelles du distributeur bancaire : l’obligation d’information ; déjà en place pour l’IOBSP, courtier ou mandataire (art. R. 519-21 du Code monétaire et financier), mais sans FISE, le Code de la consommation étend fort heureusement cette obligation à tous les distributeurs bancaires.

L’obligation d’information vise à délivrer au futur emprunteur les informations substantielles du futur contrat. Elle décrit l’essentiel du contenu de ce dernier.

Cette obligation protège donc le contrat, en renforçant la qualité du consentement de l’emprunteur. Toutes les informations complémentaires que le prêteur souhaite éventuellement donner à l’emprunteur sont fournies dans un document distinct de la FISE.

La remise de la Fiche standardisée couvre complètement la délivrance de l’obligation précontractuelle d’information ; son utilité est relayée par les nouvelles dispositions du droit des contrats, également en vigueur pour les contrats signés à partir du 1er octobre 2016.

Car « celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties » (article 1112-1 du Code civil).

Les informations déterminantes du contrat de crédit sont réunies dans la FISE.

En contrepartie d’une plus grande sécurité quant au consentement de l’emprunteur, la FISE apporte une charge supplémentaire aux professionnels bancaires, qui s’ajoute à une longue liste.
La preuve de la remise de la Fiche, exacte, incombe au professionnel, prêteur ou IOBSP.

A la même date du samedi 1er octobre 2016, le taux annuel effectif global (TAEG) devient la référence pratiquement générale des crédits aux particuliers (articles R. 314-3, R. 314-4 et R. 314-5 du Code de la consommation). Il évinçe le fameux taux effectif global ou TEG (article R. 314-2 du Code de la consommation) du champ des crédits immobiliers aux particuliers.

Et une autre obligation précontractuelle d’envergure, l’obligation d’explication, entre en application simultanément. Elle vise à vérifier le caractère adapté du crédit proposé, au futur emprunteur. L’obligation d’explication était déjà posée, pour l’intermédiaire bancaire (art. R. 519-22 alinéa 1 du Code monétaire et financier) ; la voici, de même, élargie par le Code la consommation à l’ensemble des distributeurs bancaires.

L’obsolète et dépassée obligation jurisprudentielle de mise en garde résiste et s’installe dans le Code de la consommation, latéralement à cette obligation d’explication.
Pour cette obligation d’explication et de mise en garde associée, aucun document formel n’est prévu par les textes : ses modalités pratiques incombent tout entièrement aux professionnels bancaires, prêteurs et distributeurs, notamment aux intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement. La FISE n’assume pas cette fonction.

Accessoirement, la plupart des références d’articles du Code de la consommation, du Code civil voire du Code monétaire et financier (contrats, mentions légales, sites internet) deviennent fausses au 1er octobre 2016, avec les re-codifications et les modifications introduites.

Professionnels bancaires : roulez en code(s).

Alors que l’exceptionnel bas niveau des taux longs incitait déjà, soit à engager une acquisition immobilière, soit à renégocier un prêt immobilier existant, l’apport supplémentaire d’un régime juridique très protecteur pour les particuliers crée une conjonction vraiment favorable à ces opérations d’acquisitions immobilières, fin 2016 et début 2017.

Téléchargez : Modèle de FISE, article R. 313-4 du Code de la consommation.

Laurent Denis Juriste www.endroit-avocat.fr Intervenant en formations bancaires (dont l'ISFI : www.isfi.fr)